Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Ensemble, bloquons la loi 78

Lancement du site "Arrêtez-moi quelqu’un"

Déclaration du site Arrêtez-moi quelqu’un

Nous,
étudiants et étudiantes,
travailleurs et travailleuses,
citoyens et citoyennes,

Avons pris connaissance de la loi 78, adoptée par l’Assemblée nationale du Québec le 18 mai 2012. Adoptée au 95e jour d’une lutte étudiante déjà historique, la loi spéciale a manifestement comme objectif d’étouffer cette mobilisation.

Depuis son adoption, le vocabulaire de l’indignation a été épuisé à son égard. Juristes, artistes, éditorialistes, intellectuel-e-s et personnalités de tous les milieux ont unanimement dénoncé cette attaque frontale aux droits fondamentaux et inaliénables que sont la liberté d’expression, d’association et de manifestation. Malgré l’unanimité et la force des condamnations, le gouvernement du Québec garde le cap et refuse d’abroger sa loi injuste. Devant cet entêtement à fouler au pied les principes fondamentaux de toute démocratie, il importe maintenant de passer à l’action : cette loi doit être bloquée.

Dans une situation d’injustice, l’inaction est synonyme de complicité. Se soumettre à cette loi, c’est l’accepter. Accepter cette loi, c’est sanctionner son contenu. Nous assistons actuellement à un face à face historique entre le gouvernement et la jeunesse. Le pouvoir nous regarde, attentif. Cette loi est un test. Si nous nous y soumettons, nous reconnaissons l’efficacité de sa répression : le gouvernement gagne. S’il gagne une fois, il refera le coup. Nous ne pouvons pas ouvrir la porte à cette possibilité.

Ce bras de fer est la face visible d’un conflit plus profond. Si la jeunesse ne remplit pas son rôle historique de rempart contre l’autoritarisme, qui le fera ? « Si la jeunesse se refroidit, le monde entier claquera des dents », écrivait Georges Bernanos.

Cette loi vient briser la confiance, déjà fortement ébranlée, entre le peuple et les institutions. La corruption et l’influence disproportionnée des lobbies et des intérêts économiques sur les gouvernements ont, depuis longtemps, érodé cette confiance et donné naissance à un cynisme politique sans précédent. Actuellement, ce que l’on appelle l’assemblée du peuple est déjà rongée par les intérêts partisans, l’appât du gain et la corruption. Cette loi enfonce encore un clou dans le cercueil de la démocratie québécoise.

Beaucoup de gens nous regardent. En tant qu’êtres humains, nous portons l’héritage des luttes passées. De Murdochville à Asbestos en passant par la grève étudiante de 2005, l’histoire du Québec est traversée de luttes difficiles, de grèves longues et, parfois, illégales. Ceux et celles qui ont mené ces luttes nous ont transmis un flambeau qu’il nous est interdit d’échapper à un moment aussi crucial. Les droits fondamentaux dont nous jouissons aujourd’hui ne sont pas des cadeaux, ce sont des legs. Il nous faut, ici, les défendre - par respect pour ceux et celles qui les ont obtenus pour nous. Si l’on veut nous les retirer par la loi, nous nous battrons. Au-delà de la loi, s’il le faut. Si celle-ci est injuste et que nous sommes sérieux et sérieuses dans notre prétention à défendre la justice, il nous faut y désobéir. Cela porte un nom : la désobéissance civile.

Avec cette loi, le gouvernement s’attaque à beaucoup plus qu’aux associations étudiantes : il s’attaque à la possibilité même que devrait avoir chaque femme et chaque homme de contester librement les décisions prises en son nom par le pouvoir politique. Le gouvernement utilise la peur pour réprimer la contestation : il s’agit de méthodes dignes d’un régime autoritaire. Cette loi liberticide veut nous faire renoncer à plus qu’à nos droits ; elle veut nous faire renoncer à ce que nous sommes. Nous affirmons aujourd’hui que nous refusons de céder à la peur et à l’intimidation. Nous resterons fidèles à nos principes de liberté individuelle et collective.

Nous n’avons pas d’autre choix. Seul-e-s face à la loi, nous sommes faibles. Ensemble, nous avons le pouvoir de la bloquer.

En signant cette déclaration, nous nous engageons à continuer à lutter ; à rester mobilisé-e-s, en vertu des libertés fondamentales qui nous sont conférées par les différentes chartes et traités nationaux et internationaux. Si cela nous vaut des poursuites pénales en vertu de la loi 78, nous nous engageons à y faire face.

Je désobéis. Arrêtez-moi quelqu’un.

Pourquoi ?

Le 17 mai dernier, le gouvernement du Québec adoptait à l’assemblée nationale la loi numéro 78, une loi visant à mettre fin à la grève des étudiants et étudiantes par la force.

Cette loi règlemente de manière stricte les manifestations, obligeant les citoyens et citoyennes à contacter à l’avance les forces policières et à demander l’autorisation pour manifester. La loi laisse même au corps de police la légitimité d’ordonner des changements de lieu ou d’itinéraire. De plus, elle empêche de perturber directement ou indirectement l’accès aux universités, rendant de facto illégales les lignes de piquetage des étudiants et étudiantes ainsi que certaines manifestations. Cette loi met aussi dans l’eau chaude le personnel enseignant. Les professeures et les professeurs sont obligés dans le cadre de la loi 78 de donner leurs cours, peu importe le mandat de grève des associations étudiantes.

Pour s’assurer du respect de ces mesures, des amendes démesurées de plusieurs milliers de dollars sont prévues pour les individus et les organisations qui enfreindraient la loi une première fois, le double si récidive. Au final, les individus et leurs associations s’exposent à des amendes variant entre 1000$ et 250 000$. Une menace de suspension des cotisations des associations étudiantes est aussi prévue comme mesure punitive en cas de perturbation des activités d’enseignement par les étudiants.

Il est clair que ces articles de loi enfreignent directement le droit de manifester et la liberté d’association des individus. Pour une grande majorité de citoyens et de citoyennes, cette loi est la goutte qui fait déborder le vase. Plutôt que d’agir de manière responsable et de négocier avec les étudiants, le gouvernement se dote de pouvoirs légaux lui permettant de contrôler les individus. Le but de cette loi est clair : c’est briser la grève et la contestation. Une telle décision est digne de certains régimes totalitaires, elle n’est pas acceptable dans une démocratie. Déjà, de nombreuses organisations et personnalités publiques sont intervenues sur la place publique pour dénoncer la manœuvre du gouvernement libéral, appelant les citoyens agir pour faire invalider la loi 78.

Pour le respect de nos libertés d’expression et d’association,

Ensemble, bloquons la loi 78 !

CLASSE

Coalition Large de l’ASSÉ, 2012

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