Édition du 10 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

« Le Québec, terre des fausses promesses… »

« Pour moi le Québec représentait une page blanche où je pouvais commencer une nouvelle vie, un nouveau départ »…C’est du moins ce que pensait Maria1 avant d’arriver au Québec. En ce 7 octobre, la Vigile en santé et sécurité au travail de l’Estrie profite de cette Journée internationale pour un travail décent pour dénoncer les abus de trop nombreux employeurs québécois envers les travailleuses et les travailleurs migrants

Tiré du Journal Entrée Libre

Date : 1 novembre 2024
| Chroniqueur.es : Vigile en santé et sécurité au travail

Crédit image : PxHere

Comme Maria*, nombreux sont les immigrants permanents ou temporaires à qui les employeurs québécois font miroiter une meilleure vie. Malheureusement à leur arrivée, ils sont plongés dans un affreux cauchemar… Conditions de travail en deçà des normes du travail, salaire moindre que promis, instabilité d’emploi, fausses promesses de statut de résidence permanente, conditions d’hébergement insalubres, harcèlement, menaces, abus… La situation est telle que l’ONU a qualifié la situation des travailleurs ayant des permis de travail fermés au Québec et au Canada d’esclavagisme moderne !

Plusieurs migrants se sont présentés aux différents organismes pouvant leur venir en aide dont Illusion Emploi qui soutient les personnes victimes du non respect des normes du travail :

Juan* témoigne de son expérience personnelle : « On riait de mon accent hispanophone et on m’imitait pour se moquer de moi. Je me sentais humilié et mis à l’écart. Nous [les travailleurs migrants] étions insultés chaque jour. On nous traitait d’incompétent et on nous sacrait après. L’employeur nous a même déjà lancé des objets lorsqu’il n’était pas satisfait de la rapidité à laquelle nous effectuions les tâches. C’était un environnement extrêmement stressant et toxique. Ça m’a beaucoup affecté psychologiquement. »

« L’offre d’emploi indiquait 19 $/heure avec des conditions de travail intéressantes : 40h/semaine, 2 semaines de congé par année, etc. Une fois arrivé ici, je réalise que tout ce qu’on m’a promis était des mensonges. Je travaille 50h/semaine par semaine pour 400 $ clair ce qui équivaut à 8 $ de l’heure. » nous dit Mohamed*.

Pour sa part, Adira* nous rapporte « J’ai eu un accident sur mon milieu de travail et on a refusé de m’amener à l’hôpital. Je n’avais pas de moyen de me déplacer et j’étais à 45 minutes de voiture de l’hôpital. J’ai pris quelques jours de repos non rémunérés. J’avais tellement mal au dos que je n’arrivais pas à dormir. Rapidement, on m’a mis de la pression pour revenir au travail. Je suis revenu après deux jours. Mon dos me faisait extrêmement mal, mais je n’avais pas le choix de travailler si je voulais être payé. »

« Le gouvernement du Canada annoncent des mesures de protection pour prévenir les abus et en cas d’urgence offrir, entre autres, aux travailleurs/travailleuses migrants temporaires ayant un permis de travail fermé, qui les oblige à un seul employeur, à obtenir un permis ouvert… Une démarche de 5 jours sur papier mais qui en réalité peut prendre de 3 à 4 mois avant d’être traité par les services appropriés. » déplore l’équipe des Services de soutien aux travailleurs étrangers temporaires de l’organisme Actions interculturelles.

De son côté, le Comité des travailleurs et travailleuses accidentés de l’Estrie (CTTAE) critique sévèrement la CNESST, qui fait très peu d’efforts, en cas d’accident de travail, pour mettre en place des moyens d’informer et de soutenir les travailleurs migrants qui n’ont aucune connaissance de nos lois, de leurs recours, qui sont isolés par la barrière de la langue ou la méconnaissance de nos codes culturelles. « Les cas de harcèlement et d’abus sont de plus en plus nombreux mais la plupart du temps refusés faute de preuve alors que les victimes peinent à s’exprimer et se faire comprendre et que les autres travailleurs migrants témoins de la situation n’osent s’avancer par craintes de représailles ou sous les menaces des employeurs », mentionne Patrick Morin du CTTAE.

Au cours des derniers mois, François Legault a souvent accusé les travailleurs migrants d’être la cause de la crise du logement, de la surcharge des services gouvernementaux ou encore des ratés de notre système de santé alors que se sont, en grande partie, les décisions, les coupures et la mauvaise gestion de son gouvernement et de ceux du passé qui en sont responsables. Les travailleurs migrants représentent une force de travail importante au Québec acceptant souvent des emplois jugés trop ardus, trop dangereux ou n’offrant tout simplement pas des conditions de travail appropriés à nos yeux de québécois. Plusieurs entreprises agricoles, hôtelières, manufacturières et autres seraient grandement affectées sinon en péril si tous ces travailleurs migrants venaient à disparaître.

Pour être à la hauteur de notre réputation de Terre accueillante, citoyens, employeur, syndicats, nous avons tous un rôle à jouer et nous devons nous impliquer et dénoncer les abus tant pour les travailleurs migrants que pour l’ensemble de nos collègues. Soyons vigilants, à l’écoute et n’ayons pas peur d’aller au–devant et de soutenir les travailleurs migrants pour les aider à comprendre le Québec, à s’y installer et participer pleinement à la société québécoise car nous avons toutes et tous droit à un travail décent…

* Par craintes de représailles les noms ont été modifiés

La Vigile est un regroupement de centrales syndicales et d’organismes communautaires qui ont à coeur la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs. Le rôle de la Vigile est de donner une voix aux travailleurs et travailleuses afin de faire entendre aux gouvernements et aux employeurs que la santé et la sécurité en milieu de travail doivent passer avant les profits et les bénéfices…

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