Édition du 3 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Retraites

« Le capitalisme à la retraite, Les jeunes au turbin, les vieux au jardin ! »

Du monde, beaucoup de monde place de la République. Pas que des presque ou nouveaux retraités : des jeunes aussi, des familles. 80.000 manifestants selon la préfecture, plus de trois fois plus, 270.000, pour la CGT. Au moins les deux décomptes s’accordent-ils sur un point : la mobilisation est supérieure à celle du 24 juin au même endroit (130.000 personnes selon la CGT, 47.000 selon la police).

14 heures, la manifestation s’ébranle derrière François Chérèque, Bernard Thibault, et une banderole « les retraites, l’emploi, des enjeux de société ». Affluence oblige, elle se dédouble en deux branches compactes, l’une avenue de la République, l’autre boulevard du Temple. Direction Nation.

A l’arrière, sur la place, on piétine tranquillement. « Ah bon, devant ils sont déjà à Bastille ? », s’étonne une dame un peu perdue. En attendant le mouvement, opération collage d’autocollants « je lutte des classe », ravitaillement en merguez-frites et vuvuzelas (8 euros pièce pour un volume sonore qui ne dépasse pas nécessairement celui des sifflets), et concours de pancartes. Deux écoles en la matière : les fatalistes – « metro boulot caveau », « travailler (pour eux) tue », « dis papy, c’était quoi la retraite ? » – et les allusions à l’affaire Bettencourt – « défendons nos retraites, parce que nous le valons bien ». Hors catégorie, la double face à message : « Nicolas je t’aime pas » (recto) « Je t’aime pas je t’aime pas je t’aime pas » (verso). En fond musical, Zebda et Renaud à plein tubes contre Arcade Fire sur sono défaillante.

Sur un bout de trottoir, Bastien, Kevin et Benjamin. Levés à quatre heures du matin pour faire la route depuis Dijon. Ils sont jeunes, entre 21 et 26 ans, mais « on peut être jeune et penser à la retraite ». « Les jeunes résignés, c’est trop facile », s’élève Benjamin, souriant salarié dans l’économie solidaire et en RTT pour la journée. « Si on gagne de la durée de vie, c’est pas pour travailler plus. Notre génération, on commence plus tard à travailler, et encore quand on y arrive. C’est pas une raison pour y être encore à 68 ans. »
Une camionnette et un stand enfumé plus loin, Gérard, 58 ans, et Suzanne, 54 ans. Casquettes orange CFDT, lunettes de soleil, pas loin de 60 ans d’ancienneté à eux deux chez l’équipementier Zodiac aérospace. « Place au jeunes ! », s’énerve le premier. Non qu’il ne « veuille pas travailler » mais il voudrait bien « qu’on (lui) explique » : « On a d’un côté des seniors mis sur la touche ou qui ne demandent qu’à partir, de l’autre des jeunes bardés de diplômes, il y a quelque chose qui ne va pas là. »

« Il faut changer les mentalités avant de changer la loi », abonde Nathalie, 57 ans, ancienne cadre dans l’industrie chimique. Licenciée il y a cinq ans, elle n’a jamais retrouvé d’emploi stable. « Je ne me vois pas faire deux ans de plus comme ça. »

« Pas envie de continuer »

Une réforme « mal goupillée », « pas efficace », « court-termiste », « qui répond à des problèmes immédiats de trésorerie mais pas aux question de fond », déroulent les manifestants. « Injuste » aussi. A l’égard des femmes notamment, « qui n’ont pas toujours le choix d’arrêter de travailler », rappelle Monique, chercheuse en biologie venue avec sa fille de 28 ans.

Envers ceux qui ont commencé tôt aussi, comme Anne, bientôt 50 ans et déjà 34 ans de métier. « Je n’ai pas envie de continuer jusqu’à 62 ans. 46 ans de cotisation, ça ferait beaucoup », s’émeut cette salariée de Thalès. « Personne ne devrait être obligé de travailler plus de 40 ans, quel que soit l’âge auquel il a commencé », ajoute Monique, ex-médecin salariée de l’assistance publique.
Tous s’accordent à dire qu’« il faut une réforme », d’accord, mais « pas celle-là ». Tonalité générale : « Il y a de l’argent à prendre ailleurs. » Où ? « En taxant les transactions financières », répondent les uns. « En alignant les cotisations patronales sur l’évolution du PIB », propose un autre. « Ça suffit de nous faire passer pour des profiteurs, on s’appelle pas Bettencourt, non plus ! », peste une troisième. Sans doute trop en bout de cortège pour avoir vu François-Marie Banier, à l’avant, expliquer l’air le plus sérieux du monde à I-Télé combien il trouve ça « très beau, ce rassemblement populaire, avec des gens qui veillent, qui disent la vérité ».

À Lyon, le nombre de manifestants a grossi entre le 24 juin et la réunion de ce mardi. Selon la police, les rangs sont passés de 11.000 à 16.000 personnes. Et selon les organisateurs, de 25.000 à 35.000, malgré les trombes d’eau qui tombent sur la ville.

Le long défilé est précédé d’un ruban de fumigènes qui plonge parfois la foule dans un épais nuage. Sur les pancartes, l’affaire Wœrth-Bettencourt dispute la place aux retraites. « Il n’y a pas d’affaire Wœrth, Il n’y a qu’une affaire Sarkozy », assure l’une d’elle, accrochée sur un chien. Une autre réclame : « Affaire Bettencourt : Sarkozy destitué pour fraude au financement électoral ».
Et côté slogans ? « Ils mentent et se partagent les richesses de la République », ou encore celui-ci, scandé en cœur : « De l’argent pour les salaires et les retraites, pas pour les actionnaires ». Plus silencieux, un homme tire un cercueil sur lequel il a écrit : « Ma retraite avant d’être dedans ».

À Marseille, ils sont 200.000 manifestants selon les organisateurs, 27.000 selon la police. Où se trouve la vérité ? Entre les deux, peut-on affirmer sans grand risque de se tromper. Une certitude : les chiffres sont en hausse par rapport au 24 juin, où les syndicats avaient annoncé 120.000 personnes et la police 14.500.
Au porte-voix, ça ne lésine pas : « Y en a marre de se faire défoncer la gueule par tous les privilégiés », crie la CGT. Et tout le monde chante : « Tout est à nous, rien n’est à eux. » Un homme brandit une pancarte : « Sarko, voleur de retraite ! » Une femme a écrit sur son débardeur « Maintenant ou jamais ! » D’autres, enfin, crient : « Le capitalisme à la retraite ! »

À Rennes, entre 21 000 personnes (police) et 40 000 (syndicats) ont défilé ce midi. Tous les secteurs professionnels étaient à peu près représentés, du personnel hospitalier à l’industrie automobile, des enseignants aux métiers du bâtiment, même si la fonction publique a encore apporté la majeure partie des troupes, bien rangées derrière les banderoles syndicales.

À Orléans, 11.500 manifestants selon la police, 30.000 selon les organisateurs, ont défilé ce matin dans les rues d’Orléans, pour marquer leur hostilité à la réforme des retraites. Des jeunes, des retraités, des agents de la fonction publique, des salariés du privé, tous se sont retrouvés place du Martroi vers 10h30 pour entamer une grande boucle dans les rues de la ville.

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