Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Premières Nations

Le gouvernement canadien et les Autochtones, un gouvernement raciste ?

Les mobilisations autochtones ont recommencé à faire parler d’elles. Pourtant elles n’avaient pas arrêté depuis celles qui ont enclenché le mouvement Idle No More. Rien n’est réglé pour les communautés autochtones.

Les communautés autochtones

En les présentant comme les Indiens, l’histoire nie la diversité culturelle des nations autochtones. Il fut donc connaître ces réalités culturelles. Qui sont-elles les communautés autochtones ?

« Les 58 communautés autochtones au Québec sont divisées en 42 commu-nautés appartenant aux 10 Premières Nations (Mohawks, Innus, Cris-Eeyou, Algonquins, Atikamekw, Mi’gmag, Hurons-Wendat, Abéna-quis, Naskapis et Malécites) et 16 communautés appartenant aux Inuit. Les Métis sont des groupes de descendants des autochtones et premiers européens officiellement reconnus par le gouvernement et se retrouvent principalement dans les provinces de l’Ouest canadien. » [1]

« De manière générale, les onze nations autochtones du Québec sont sédentaires. Elles se composent de près de 91 700 Autochtones 5, soit plus de de 80 300 Amérindiens et quelque 11 300 Inuits. Ensemble, les Amérindiens et les Inuits représentent plus de 1 % de la population du Québec. C’est une population jeune, plus de la moitié ayant moins de 30 ans. » [2]

« À l’échelle nationale, 4,4 % de tous les Canadiens ont des ancêtres autochtones (aux États-Unis, ils ne représentent que 1 % de la population). » [3]

« En 1985, 29 % des Indiens inscrits vivaient hors des réserves. En 1991, ce sont 40 % des Indiens inscrits qui vivaient hors des réserves. » [4]

« Le pays compte environ un million d’autochtones sur une population totale de plus de 30 millions d’habitants. Le Québec est proportionnellement la province dont la population autochtone est la moins nombreuse. » [5]

« Environ 10 % des autochtones du pays vivent au Québec. Parmi ces personnes, 65 % vivent dans des réserves, un pourcentage plus élevé que la moyenne nationale.
La population inuite du Québec (8300 personnes) est la deuxième en importance au pays (données de 1996). » [6]

Cette diversité culturelle reconnue, il nous faut voir la réalité sociale et économique. Là, rien n’est réglé : la pauvreté, le manque de conditions décentes, l’exploitation se perpétuent sans améliorations tangibles de la situation.

« Une autre étude réalisée à cette époque par le sociologue Pierre Drouilly, et comparant la situation dans les réserves indiennes et villages nordiques avec la situation dans l’ensemble du Québec, concluait à « des conditions économiques désastreuses » qui contribuent à détériorer les rapports sociaux. [7]

Même si l’étude de Drouilly date de plusieurs années, elle a le mérite de nous offrir de nombreuses données sur une base comparative sur chacune des nations autochtones d’abord, où des disparités importantes apparaissent, et aussi à l’échelle de l’ensemble des nations autochtones en comparaison avec l’ensemble du Québec. On y apprend notamment ceci :

 Les familles de cinq personnes ou plus « sont quatre fois plus nombreuses dans les communautés autochtones que dans l’ensemble du Québec ».
 La moitié seulement des élèves amérindiens complètent des études secondaires.
 La « quasi-inexistence d’un marché du travail dans les réserves et, comme corollaire, des taux d’activité économique très faibles ».
 Même durant l’été où les activités saisonnières battent leur plein, le chômage est deux à trois fois plus élevé que dans l’ensemble du Québec.
 Le revenu total moyen des hommes dans les communautés autochtones représente 57,5 %du revenu total des hommes au Québec. Pour les femmes autochtones, il est de 74,1 % comparativement aux femmes du Québec.
ª Un fort niveau de pauvreté augmenté par un taux de fécondité élevé. Avec un revenu per capita de 4 874 $ (contre 11 302 $), les réserves se situent à un niveau de revenu de l’ordre de 40 % de celui de l’ensemble du Québec. » [8]

« Des données : Source : gouvernement du Canada

 Espérance de vie : L’espérance de vie des membres des premières nations est inférieure de six ans à la moyenne canadienne.
 Suicide : Le taux de suicide chez les jeunes autochtones est de cinq à huit fois supérieur à la moyenne nationale.
 Mortalité infantile : Le taux de mortalité infantile de la population autochtone est presque le double de la moyenne canadienne. (Le taux de mortalité infantile chez les nourrissons des premières nations est de 14 pour mille naissances vivantes, alors qu’il est de 7 pour mille chez les non-autochtones (1996).
 Les enfants et les adolescents autochtones présentent des taux plus élevés de blessures et de décès accidentels.
 Pauvreté : La majorité des autochtones atteignent à peine le seuil de pauvreté ou vivent en dessous.
 Chômage : Le taux de chômage des Canadiens autochtones est le double de celui des Canadiens non autochtones. Dans les réserves, le taux de chômage frôle les 29 %, soit presque le triple de la moyenne canadienne.
 Les taux d’échecs scolaires et de dépendance à l’égard de l’aide sociale sont plus élevés dans les collectivités des premières nations.
 Taux d’incarcération : Chez les autochtones, ce taux est de cinq à six fois supérieur à la moyenne nationale. » [9]

Pour comprendre cette triste toile de fonds, nous devons revisiter les politiques envers les autochtones. Les politiques fédérales puisque les peuples autochtones sont sous juridiction fédérale. Mais ce bref exercice va aussi faire ressortir le caractère raciste du gouvernement canadien.

La Loi sur les Indiens

Qui perpétue le Loi sur les Indiens de 1876 ?

« La plupart des autochtones doivent se soumettre à la Loi sur les Indiens, une loi qui a ses racines dans le passé colonial et qui perpétue les politiques colonialistes d’assimilation, de domination et de contrôle des communautés. Cette loi donne le pouvoir au gouvernement de déterminer tous les aspects de la vie des autochtones, à partir de la naissance en décidant qui a le droit d’obtenir le « statut d’Indien » jusqu’au droit de révoquer un testament après la mort d’un autochtone. Ce régime limite grandement les possibilités de développement des peuples autochtones qui doivent s’adapter aux politiques restrictives du Ministère des affaires autochtones et du Nord Canada. » [10]

En plus cette loi est particulièrement discriminatoire envers les femmes :
« Les femmes autochtones ont été les principales victimes des effets de la discrimination contenue dans la Loi sur les Indiens. Ainsi, jusqu’en 1985 une femme autochtone qui se mariait avec un homme non autochtone de-vait quitter sa communauté parce qu’elle perdait son statut d’Indienne ainsi que le droit de vivre dans sa communauté. Cette disposition a été modifiée à deux reprises mais conti-nue d’être discriminatoire envers les descendants de ces femmes. » [11]

Le gouvernement canadien pourrait au moins changer le titre de la loi et respecter davantage les noms que les autochtones se donnent eux-mêmes. Mais non, la base du racisme c’est l’étiquetage.

Déclaration des Nations-Unis sur les droits des peuples autochtones
Qui a signé, de peines et de misères et après maintes pressions internationales et maintes mobilisations des Autochtones au Québec et au Canada,le rapport des Nations Unis sur les autochtones ?

« Dès 2007, Québec solidaire s’engageait aussi à « faire adopter, sans condition, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par l’Assemblée nationale et à l’appliquer ».

Cette déclaration internationale, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2007 et à laquelle le Canada a finalement accepté d’adhérer du bout des lèvres, après des années d’hésitations, spécifie à l’article 27 : « Les États mettront en place et appliqueront, en concertation avec les peuples autochtones concernés, un processus équitable, indépendant, impartial, ouvert et transparent prenant dûment en compte les lois, traditions, coutumes et régimes fonciers des peuples autochtones, afin de reconnaître les droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, territoires et ressources, y compris ceux qu’ils possèdent, occupent ou utilisent traditionnellement, et de statuer sur ces droits ». [12]

Le gouvernement canadien ne voulait pas s’engager dans un processus de reconnaissance des droits des peuples autochtones. Voilà la vérité. Jusqu’à la fin, il a refusé de signer. Et il a signé pour ne pas être le seul à ne pas le faire. Comment blesser davantage ces communautés en lutte pour leurs droits.

La Commission Vérité

La Commission Vérité a permis de briser le secret sur une des plus grande politique de d’assimilation menée par le Canada. L’ampleur de ce désastre n’est pas beaucoup connue. Nous devons le faire connaître en solidarité avec toutes les victimes de ce génocide et montrer comment le gouvernement canadien en maltraitant les peuples autochtones développe le racisme.
« L’histoire des pensionnats (1800-1996) est un épisode qui à lui seul, est responsable de nombreuses modifications graves des communautés et de leur mode de vie. Les enfants, arrachés à leur famille, éduqués en français ou en anglais toute leur enfance et adolescence, séparés par sexe, affublés d’un numéro, tête rasée, portant l’uniforme, en sont ressortis humiliés, désorientés, coupés du mode de vie semi-nomade de leurs parents, coupés de leur âme autochtone et ne parlant plus la langue, n’ayant jamais connu de modèle positif de relations filiales, etc. »
 [13]

« Pendant plus de 100 ans, ce sont plus de 150 000 jeunes Autochtones qui ont été enlevés à leurs familles pour être placés dans des institutions religieuses afin d’être « éduqués et civilisés » ; entre 70 000 et 80 000 Autochtones, Inuits et Métis qui ont vécu l’expérience des pensionnats sont toujours vivants aujourd’hui au Canada et parmi ceux-ci nombreux témoignent de leurs expériences d’assimilation aux auditions de la Commission. » [14]

Mais des excuses à la Chambre des communes est-ce suffisant pour réhabiliter les malheurs causés à ces personnes ?

Le profit des sables bitumineux avant les droits

Maintenant le gouvernement Harper assujetti diktat du grand capital des sables bitumineux bafoue de nouveaux les droits des autochtones.
« L’adoption récente de la loi C-45 est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Cette loi élimine les protections environnementales pour des milliers de lacs, rivières et cours d’eau. Déjà, avec l’adoption de la loi C-38, la construction de pipelines et de lignes électriques n’est plus régie par la loi qui protège les voies navigables. Le gouvernement Harper veut clairement faciliter l’exploitation pétrolière au détriment de toute règle environnementale. Maintenant, avec C-45 le processus de consultation des Premiers peuples quant aux projets qui les concernent est dramatiquement réduit. Cela heurte de plein fouet la souveraineté des Premiers peuples. » [15]

Le profit avant la souveraineté des territoires des nations autochtones.

Les revendications

Les demandes les peuples autochtones doivent être prises en considération. Aux prochains États généraux du mouvement des femmes, la table sur l’autodétermination énonce des pistes intéressantes :

« Il faut rétablir une relation d’égalité dans laquelle il y a une véritable écoute des voix autochtones et briser la relation asymétrique imposée par un gouvernement hautement autoritaire. »…

 · Réparer les lacunes de l’histoire
 · Un mois pour l’histoire autochtone.
 · Réformer le programme d’histoire.
 · Deux lignes du temps, côte à côte, sur une même plateforme

C’est pourquoi nous encourageons toute institution à réfléchir à comment mettre à la disposition des Autochtones des espaces ou des plateformes pour rééquilibrer les rapports de force et transformer la dynamique propre au changement social.

 · Langues autochtones

La protection d’une culture doit nécessairement passer par la protection de sa langue distincte. C’est fondamental que de chercher à protéger ces langues en déclin et nous pensons que c’est un des vecteurs important de la reconstruction culturelle dans une perspective de réparation et de guérison collective.

 · Formation continue et entente de collaboration.

Nous pensons qu’il est nécessaire de multiplier les tactiques et les ressources ma-térielles et budgétaires, pour former et sensibiliser les professionnels de l’intervention, et de la relation d’aide (police, travail social, personnel enseignant, employés du système de santé…) aux réalités autochtones.

 · Ouvrir plus d’espaces à un large public sur la question autochtone.
Dans la perspective où nous cherchons à joindre le plus grand public possible, l’appel s’adresse plus particulièrement aux médias de masse et alternatifs qui devraient accorder plus d’espace à la question autochtone, offrir de nombreuses tribunes sur le sujet. Il faut encourager les gens à ouvrir leur micro et leur radio, et donner la parole aux Autochtones. » [16]

Les peuples autochtones sont un exemple de courage devant le bafouement et le racisme du gouvernement canadien mais ils sont aussi un exemple de patience et de tolérance. Notre colère doit comme eux et elles se transformer en détermination pour lutter. Solidarité avec eux et elles.

Chloé Matte Gagné

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