Édition du 12 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

alimentation

Le jour où le monde a marché contre Monsanto

Ce samedi 25 mai 2013 restera une journée marquée d’une pierre blanche dans le mouvement international de lutte contre la compagnie de semences agro-chimiques Monsanto : près de 2 millions de personnes, à travers 436 villes de 52 pays, ont pris la rue pour déclarer leur refus des organismes génétiquement modifiés et du modèle d’agriculture industrielle que cherchent à imposer la firme de St Louis et ses consœurs Syngenta, Bayer, Dow et Dupont !

Les revendications ne sont pas nouvelles et les luttes nombreuses sur tous les continents, mais ce 25 mai est unique car des millions de personnes se sont levées ensemble pour défendre leur droit à une alimentation saine, à la protection de l’environnement et au respect de la santé ! Toutes ces personnes unies pour réclamer que leur patrimoine commun, la terre, les semences, et tous les savoirs séculaires paysans, ne soient pas accaparés par une poignée de multinationales avides de profit.

A l’initiative de la Marche Mondiale contre Monsanto, il y avait seulement une poignée de citoyens américains consternés par la mise en place en avril 2013 du « Monsanto Protection Act », un amendement scélérat qui place Monsanto au dessus des tribunaux américains et des citoyens pour décider de la mise en culture de ses produits transgéniques.

Pour Tami, l’une des initiatrices américaines, « l’enjeu était de protéger mes deux filles car Monsanto menace la santé de toute leur génération. Je ne pouvais plus rester assise à rien faire en attendant que d’autres agissent à ma place. »

En l’espace de deux mois, ces initiateurs de la marche ont lancé un mot d’ordre sur la toile et ses réseaux sociaux : unissons nous contre Monsanto ce 25 mai !

La manif à faire soi même

Rapidement l’initiative d’Occupy Monsanto a trouvé des relais dans le monde à travers des mouvances habituées de l’horizontalité et à la décentralisation, dans la lignée des Indigné(e)s. Seule bannière de ralliement : la volonté de s’organiser et de rassembler ! C’est la première manifestation à faire soi même, du pur Do it Yourself dans l’esprit et dans l’action !

Pour Ben, co-animateur de la marche de Bruxelles : « la manif s’est faite toute seule, d’ailleurs j’étais en retard, mais pour nous tous s’était naturel de se prendre en main. Il s’agissait de lancer une impulsion de départ, pas d’offrir une manif clé en main ! »

Estelle, l’une des co-animatrices du sit-in parisien témoignait aussi dans ce sens samedi : Louise, Amande et moi-même avons pris connaissance de ce projet sur les réseaux sociaux et nous nous sommes proposées de le développer de manière spontanée et solidaire. Nous ne nous connaissions pas, nous nous sentions impuissantes seules, chacune de notre côté, nous étions novices, mais au final tout cela a pu se faire !

Un sentiment d’impuissance vite surmonté grâce aux personnes venues spontanément proposer de partager leurs savoirs, les uns leur sens artistique et la maîtrise du graphisme, d’autres leur sens de la communication chaleureuse, la maîtrise d’éléments de fond sur le sujet Monsanto et ses alternatives ou bien encore la mise à disposition de matériel et de bras.

La même chose s’est produite dans plusieurs villes de France et jusqu’en dans les Dom-Tom les plus lointains. Si certains volontaires ne se retrouvaient pas assez nombreux pour faire un rassemblement, un tract co-rédigé en opensource était à leur disposition pour aller sensibiliser les citoyens de leur localité.

Dans cette manif ouverte, chacun pouvait donner un coup de main dans la mesure de son possible, sans pression, ni obligation de résultat, mais avec la ferme intention de participer pour faire entendre sa voix. Bien évidemment il y a eu des maladresses, des erreurs de communication et des tentatives de récupération, mais ici chacun apprend en faisant et l’imperfection devient un signe de fabrique.A voir les efforts de créativité déployés pour les pancartes, les chansons, sketchs et autres photographes amateurs saisissant cette foule bigarrée et volontaire, il est indéniable que tous partageaient cet esprit commun du faire ensemble !

La volonté de faire ensemble

Pour tous, une unique motivation : quels que soient les moyens à disposition, quelque soit le degré de connaissance du sujet, quelque soit l’ancienneté dans ce combat, nous citoyens allions agir, nous réunir et prendre nos responsabilité en participant à la lutte internationale contre Monsanto. Il s’agissait également de revendiquer de nouveaux droits pour tous et permettre l’avènement d’un modèle alternatif d’agro-écologie respectueux du vivant !

Il n’y avait plus ni structure hiérarchique ni encadrement du discours si ce n’est le respect du citoyen, de son droit à la parole et à une information indépendante. Un mot d’ordre repris par la foule amassée sur la parvis du Trocadéro à Paris qui ponctuait toutes ses revendications d’un « nous, citoyens responsables et vigilants » suivi de :

« exigeons la mise en place d’un moratoire sur les importations et les cultures OGM ; exigeons la prise en compte des études indépendantes sur les impacts sanitaires de l’agro-chimie et l’attribution de budgets publics permettant l’indépendance totale de la recherche sur ces sujets ; exigeons la cessation immédiate des brevets sur les graines et la monopolisation du vivant ; exigeons l’attribution d’aides publiques aux agriculteurs pour faciliter leur conversion vers l’agroécologie ».

Se réapproprier la vie collectivement

Le collectif informel initateur du mouvement français a volontairement choisi un positionnement non partisan afin d’éviter toute « appropriation » mais aussi pour permettre qu’élus comme citoyens soient interpellés sur « ce sujet essentiel et universel pour l’avenir de la terre ».

Il fut aussi demandé aux citoyens présents de poursuivre quotidiennement le combat, en agissant là où ils le peuvent et comme ils le peuvent : en diffusant les informations indépendantes, en mangeant si possible bio, local et de saison » tout en « prenant les responsabilités qui sont les leurs dans l’espace public. »

Les membres du collectif d’ajouter que c’est en se réappropriant son alimentation et son environnement que le citoyen sera acteur du changement !

Finalement, il s’agit tout simplement de se réapproprier le vivant pour se réapproprier la vie. Pour Tami, la maman américaine, « la véritable beauté de cette marche mondiale contre Monsanto réside finalement dans le fait que pour une journée nous étions tous citoyens du monde, mettant pour une fois de côté ce qui nous divise habituellement... »

Un goût d’universalité qui ne peut qu’encourager cette nouvelle citoyenneté globale, les animateurs parisiens se faisant déjà l’écho d’une potentielle action en Octobre ou avant selon les volontés. D’ici là, tous les « citoyens responsables et vigilants » sont encouragé à s’organiser en collectif pour réapprendre à faire de la politique une chose publique et s’assurer que « le monde de Monsanto ne soit jamais le notre ! »

Benjamin Sourice

Blogueur pour Médiapart.

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