Édition du 23 avril 2024

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Économie

Réponse au directeur du FMI

Le pic de la crise est-il vraiment derrière nous ?

" Le pic de la crise est peut-être derrière nous " a déclaré le 13 octobre le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, alors que les marchés boursier reprenaient du tonus ( + 11% en moyenne) après les baisses catastrophiques subies la semaine précédente. Ces baisses, inédites depuis la Grande Dépression de 1929, laissaient planer le danger d’un effondrement du système financier global.

Mais le pic de la crise est-il vraiment derrière nous ?

L’instabilité financière est loin d’être conjurée

Pourtant les documents du Fonds monétaire international lui-même démontrent qu’on est loin d’être sorti du bois. Ainsi dans son "Rapport sur la stabilité financière dans le monde", publié pas plus tard que la semaine dernière, cet organisme nous apprenait qu’il fallait s’attendre à ce que les pertes sur les actifs bancaires et financiers aux États-Unis continuent d’augmenter pour atteindre 1,400 milliard de dollars, soit prés de 3 fois l’estimation mentionnée en avril dernier [1]. Et ceci ne tient même pas compte des pertes sur les actifs non américains, pertes qui elles aussi seraient considérables, comme le laissent entrevoir les plans de sauvetage des banques européennes et britanniques.

À ce sombre tableau, il faut ajouter le "trou noir" que constituent les " Hedge Funds", ces énormes fonds d’investissements privés à haut risque, non-règlementés et souvent établis off-shore. Selon un spécialiste de la question, Donald Coxe, stratège en chef des porte-feuilles d’investissement à la Banque de Montréal, ils constituent le prochain point faible du système car ils seraient très fortement endettés et donc fragilisés par la crise actuelle [2]. Il faut savoir que les "Hedge Funds" engagent jusqu’à 50 fois leur capital réel alors que les banques d’investissement de Wall Street (Goldman Sachs, Morgan Stanley, Lehman Brothers, Meryll Lynch, Bear Sterns) n’engageaient, elles, que 20 à 30 fois leur capital. Pourtant elles ont presque toutes sombrées. Il ne faut point oublier qu’en 1998, la faillite de Long Term Management Capital, un "Hedge Fund" qui avec 2,3 milliards de capital en propre avait acquis 125 milliards de titres, a tellement ébranlé Wall Street que la Federal Reserve Bank avait dû intervenir pour éviter le "krach". Qu’arriverait-il dans la situation d’extrême fragilité financière actuelle, si l’un ou plusieurs des grands "Hedge Funds" venaient à faire faillite ? Poser la question c’est y répondre.

Voilà la raison pour laquelle les grands décideurs financiers et politiques de la planète ont consentis à engager des sommes mirobolantes au sauvetage des banques, 700 milliards aux USA et 1,700 milliards en Europe [3], ouvert la porte à la nationalisation partielle des grandes banques américaines et anglaises, en plus d’annoncer leur volonté de re-réglementer le secteur financier. C’est le prix à payer pour tenter de stabiliser temporairement la situation et éviter l’irréparable. Mais la menace est loin d’être conjurée car les facteurs d’instabilité du système financier sont toujours présents.

La crise de l’économie réelle s’en vient

Les conséquences sociales de cette crise financière commencent à peine à faire surface. Et pourtant, elles risquent d’être terribles. Régimes de retraite amoindris ou évanouis. Ralentissement économique et chômage. Dislocations industrielles. Hypothèques menacées et maisons reprises par les banques. Emprunts plus difficiles ou carrément inatteignables. Sans parler des salaires et programmes sociaux que les grands maîtres de l’économie voudront sabrer pour payer les programmes de sauvetage des banques. L’affaiblissement du pouvoir d’achat des classes populaires risque de prolonger le marasme économique. Déjà, les économistes spéculent sur la longueur et la gravité de la crise : récession ou dépression ? Un an ou deux ? Chômage massif ou difficultés conjoncturelles ?

Ce qui est évident, c’est que le néo-libéralisme est au bout du rouleau ; que l’intervention étatique dans l’économie, les nationalisations et la régulation sont de retour. S’agit-il pour autant d’une défaite du capitalisme comme titrait le Wall Street Journal dernièrement ? D’une forme de capitalisme, oui. Du système lui-même, non. Car le capitalisme "régulé" par l’état reste prédateur, anti-écologique et porteur de guerres. Par contre, une brèche idéologique s’ouvre. Aux socialistes d’en profiter pour avancer, non seulement des programmes de luttes et des réformes immédiates, mais aussi le besoin vital d’une rupture fondamentale avec ce système en crise.


Pour la déclaration de Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, voir le site web Le point www.lepoint.fr/actualites-economie/
le-pic-de-la-crise-peut-etre-derriere-nous-selon-le-fmi/916/0/281981


[1FMI, Rapport sur la stabilité financière dans le monde, Résumé analytique, pg VII et VIII), oct. 2008.

[2Voir The Gazette du 19 sept. 2008, "Hedge Funds Could Be The Next Victim".

[3Voir le siteweb Le Point ,13/10/08 "L’Europe annonce ses chiffres : près de 1.700 milliards pour les banques".

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