Édition du 16 avril 2024

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États-Unis

Les critiques de Bernie Sanders disent qu’il est trop vieux, trop blanc et trop socialiste pour être candidat à la Présidence en 2020. Ils ont tort

Est-ce qu’il sera le candidat démocrate à la Présidence des États-Unis, en 2020 ? Est-ce que se sera le Bernie Sanders qui est arrivé 2ième en 2016 ? Un nombre croissant de voix s’élève autant chez les « libéaux.les » que chez les conservateurs.trices, pour rejeter cette perspective. « Je pense qu’il a fait son temps », déclare M. Daiky Kos, fondateur de Markos Moulitsas. Le Weakly Standard, quelques semaines avant que ce média néoconservateur ne ferme, titrait : « Bernie Sanders perd de l’audience ». The Economist pense que le Parti démocrate va bientôt se rendre compte que Bernie Sanders est une gâterie qu’il ne peut se permettre.

Mehdi Hasan, The Intercept, 19 décembre 2018
Traduction, Alexandra Cyr

Les arguments que ces divers critiques émettent contre une nouvelle candidature de B. Sanders dans les élections de 2020 peuvent sembler, soit une répétition, soit sans objet ou platement fausses. Examinons 5 des critiques les plus courantes envers le Sénateur du Vermont :

Il tire de l’arrière dans les sondages
(N.B. l’article date de décembre dernier n.d.t.)

C’est Joe Biden pas B. Sanders qui mène dans les sondages jusqu’à maintenant. (C’est encore vrai en ce moment. N.d.t.) Un de ces sondages administrés en Iowa place l’ancien vice-président largement en tête avec 30% d’appuis à l’intérieur du Parti contre 13% pour B. Sanders suivi de près par Beto O’Rourke (qui n’a pas encore annoncé sa candidature) avec 11%.

D’autre sondages vont dans le même sens, mais pas tous. Un de ceux-là, chez les progressistes et conduit par Democracy for America met B. Sanders à 21 points devant J. Biden. La question reste : est-ce que les sondages sont pertinents à cette étape ? Les élections auront lieu dans (21 mois maintenant) (…).

Par exemple, en décembre 2014, 23 mois avant l’élection, un sondage CNN mettait Jeb Bush à 24% devant son plus proche rival, Chris Christie. Ted Cruz, qui sera le 2ième dans la course à la candidature républicaine en 2016, n’était qu’au 8ième rang avec 4% au point de départ. Le nom de Donald Trump m’apparaissait même pas dans la liste.

Il est trop blanc

En 2016, un sondage du Wall Street Journal à la sortie des urnes (lors de la convention démocrate) stipulait que « M. Sanders est arrivé à un fil de Mme Clinton chez les blancs.hes. Elle a gagné avec plus de 50 points chez les noirs.es ».

C’est bien connu, il y a un discours persistant qui dit que B. Sanders a un problème avec la population noire. Sauf que ce n’est pas tout-à-fait vrai. Un grand nombre de figures éminentes afro-américaines dont, Keith Ellison (joueur de football noir et représentant du Minesota accusé de violence familiale), Cornel West (philosophe et spécialiste des religions noir, prof. de religion et de l’histoire des noirs.es à l’Un. de Princeton), Ta-Nehisi Coates (écrivain et journaliste noir très critique) et Spike Lee (cinéaste noir américain) parmi d’autres, ont soutenu B. Sanders en 2016. L’ex Sénatrice de l’Ohio, Nina Turner et la secrétaire de presse de l’époque, Mme Symone Sanders ont été ses substituts.

Le problème du Sénateur du Vermont en 2016 avec la population afro-américaine se situait spécifiquement avec les personnes âgées pas avec cet électorat globalement. Selon un sondage de YouGov, M. Sanders « a battu Mme Clinton chez les 18-44 ans noirs.es ». Et selon un autre sondage de GenForward, « la majorité, (54%) des jeunes adultes afro-américains.es qui déclaraient avoir participé aux primaires, ont aussi déclaré avoir voté pour B. Sanders ».

Depuis 2016, il a travaillé avec vigueur ses liens avec les communautés afro-américaines en aidant à renforcer les campagnes des candidats.es non conventionnels.les de politiciens.nes noirs.es dans leur démarche à la candidature, comme Andrew Gillum (maire de Talahasee et candidat battu au poste de gouverneur de la Floride en 2018). La semaine dernière un sondage de CNN mettait en évidence un appui de 58% à B. Sanders dans la population autre que blanche. C’était plus que tout autre candidat possible. Donc, ces sondages plus récents devraient mettre fin à la légende du rejet du Sénateur Sanders par la population noire. Ce sera le cas ? J’en doute. Mais comme le dit ma collègue Briahna Gray : « Bernie Sanders n’a pas de problème avec la population afro-amricaine. Il en a un avec les commentateurs.trices ».

Il est trop vieux

Lors de l’élection de 2020, il aura 79 ans. Il deviendrait donc le plus vieux Président au moment d’arriver à la Maison blanche.

Pour le moment, son opposant républicain probable sera D. Trump qui était le plus vieux des Présidents à entrer à la Maison blanche en 2017. Il avait 70 ans en 2016 et donc en aura 74 en 2020. Oui, c’est ce Président qui est en surpoids, mange des cochonneries, ne fait pas d’exercices et qui refuse de rendre public son dossier médial.

Pour ce qui est des Démocrates, M. Sanders aura 79 ans en 2020, mais M. Biden (vice-président sous B. Obama) 77 et la Sénatrice Élizabeth Warren 71. Et est-ce que vous savez que la Présidente de la chambre des représentants, Mme Pelosi et son adjoint, M. Steny Hoyer sont tous les deux plus vieux que le Sénateur Sanders. Alors, pourquoi brandir son âge comme un obstacle à son projet.

Il n’est pas démocrate

Et alors ? Il est indépendant mais agit en caucus avec les Sénateurs.trices démocrates. Il est même président de l’organisation de leur programme destiné à informer les personnes défavorisées de leurs droits. Il a obtenu 13 millions de votes dans les primaires démocrates en 2016.

Malgré qu’il ait refusé de devenir membre du Parti démocrate en 2016, la base du Parti l’adore. En octobre dernier, (2018), il atteignait le score de 78% d’approbation dans l’électorat démocrate.

Il est socialiste

Encore une fois, et alors ? Même si ça peut lui nuire dans la présidentielle parce qu’une majorité déclarée des Américains.es déclarent ne pas vouloir voter pour un « socialiste », ça ne le défavorisera certainement pas dans les primaires démocrates. Selon un sondage Gallup, une majorité des Démocrates a une opinion favorable du socialisme. En fait ils et elles ont une vision « plus positive du socialisme que du capitalisme ».

Je soupçonne que dans la course présidentielle, les Républicains.es auraient un peu de difficulté à diaboliser M. Sanders à cause du mot en S (socialisme). Ils l’ont tenté pour défaire le centriste Obama pendant 8 longues années, (avec le succès que l’on sait). Si on oublie le mot lui-même, on observe que la politique de gauche au programme de B. Sanders, est extrêmement populaire dans l’électorat, même chez des Républicains.es bon teint.

Permettez-moi de reprendre quelque chose que j’ai écrit dans un commentaire récent à propos de la représentante E. Warren et l’élection de 2020 : je ne soutiens pas B. Sanders à la Présidence ni déclare qu’il est le candidat parfait pour battre D. Trump. Les Républicains.es vont lui lancer un paquet d’immondices et il se peut que les attaques contre le « socialiste » aient un certain effet chez les indépendants.es. Certains.es des candidats.es qu’il a soutenu durant les élections de mi-mandat ont récolté des victoires impressionnantes, mais beaucoup d’autres ont perdu.

Il a aussi fait bon nombre de gaffes et de mauvais jugements spécialement à propos de la question raciale et des enjeux d’identité. Il lui faudra faire beaucoup plus pour s’assurer du vote des noirs.es dans le sud. Il a été beaucoup trop hésitant à s’attaquer au fanatisme et au racisme de D. Trump. Il était beaucoup trop préoccupé d’attribuer la victoire du Président à l’anxiété économique (dans l’électorat). Il s’est positionné plus à gauche que Mme Clinton en politique étrangère. Dans cet affrontement, il a tranquillement redessiné la politique étrangère démocrate à sa propre image mais on est loin du compte ; il a encore un énorme travail à accomplir.

Devant le racisme et le sexisme de D. Trump qui s’affiche depuis 2 ans, des candidatures d’une femme, d’une personne de couleur ou les deux seraient un atout certain.

Néanmoins, celle de B. Sanders est aussi forte qu’elle était en 2016, si non plus. Son nom est plus connu, il dispose d’une armée loyale de militants.es aguerris.es, une présence sans comparaison sur les médias sociaux, une authenticité qui ne peut être ni importée ni enseignée et un certain nombre de politiques importantes gagnées grâce à lui. Elles vont de Medicare pour tous et toutes avec l’appui de bonzes du Parti démocrate à la loi Stop Bezos jusqu’à l’historique vote du Sénat sur la guerre au Yémen la semaine dernière.

Est-ce qu’il gagnera ? À l’ère Trump, les prédictions sont un sport pour les fous. Les primaires démocrates vont avoir à décider entre plus d’une douzaine de prétendants.es à la Présidence, de grand talent, ambitieux et ambitieuses et expérimentés.es, issus.es d’un petit groupe de sénateurs.trices, de gouverneurs jusqu’à un ex vice-président populaire.

Ne tenez pas compte des sondages et des arguments tordus contre lui. Que vous l’aimiez ou non, Bernie Sanders est en tête de liste en ce moment.

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