Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Les œillères de la pensée économiste

Dans sa chronique du 3 juin publiée dans le journal Métro, distribué gratuitement à Montréal, le conseiller d’orientation Mario Charette s’enthousiasme pour les revenus prodigieux et la manne d’emplois que créerait l’exploitation de l’or noir au Québec. Et il se désole que la province n’ait pas encore de programmes de formation qui permettraient de former les techniciens et les ouvriers spécialisés dont ce secteur aura besoin.
Il semble malheureusement que le chroniqueur ne voie le monde que par le prisme étroit de son domaine d’expertise : il y aura une offre d’emplois, il faudra donc former la main-d’œuvre pour y répondre.

Mais cela dénote une vision un peu courte de ce qu’est l’intérêt de l’État et, par le fait même, de la population. Outre que les chiffres avancés sur les retombées économiques et la création d’emplois soient fortement contestés (et pas seulement par de fervents gauchistes anticapitalistes [1] [2]), il faudrait aussi tenir compte des perspectives d’avenir à long terme de l’industrie des hydrocarbures, et celles-ci ne sont pas nécessairement prometteuses [3].

En outre, pour que ces milliers d’emplois promis se concrétisent, il faudrait d’abord hérisser l’île d’Anticosti et la vallée du Saint-Laurent de centaines et de centaines de puits de forage, et donc détruire un joyau environnemental du Québec et risquer de polluer à jamais la grande majorité de ses terres agricoles. Et cela les citoyens et les citoyennes n’en veulent pas. Ils ne cessent d’ailleurs de le signifier clairement à leurs représentants par tous les mécanismes que le gouvernement met à leur disposition (BAPE, ÉES, etc.), et par leurs actions, marches et manifestations de toutes sortes.
Il faudrait aussi. à une échelle plus vaste, signaler qu’un nombre de plus en plus élevé de scientifiques et d’organismes internationaux (GIEC, NASA, FMI, Banque mondiale) considèrent qu’il est aujourd’hui irresponsable d’exploiter les nouvelles sources d’énergies fossiles compte tenu du dérèglement du climat de la planète. Les changements climatiques risquent en effet d’avoir des répercussions économiques, sociales et géopolitiques catastrophiques si l’on continue à exploiter les hydrocarbures au rythme actuel et à ne rien faire pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Et quant à créer des emplois et à former de la main-d’œuvre spécialisée, pourquoi ne nous tournerions-nous pas plutôt vers des secteurs moins polluants et plus prometteurs ? Pourquoi n’investirions-nous pas davantage dans les ressources renouvelables comme l’hydroélectricité, l’éolien, la géothermie et le solaire, dans le recyclage, les économies d’énergie, l’électrification des transports, et l’innovation dans les procédés industriels et les techniques de construction ?

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