Édition du 26 mars 2024

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Politique québécoise

Lettre à Régis Labeaume - La guerre d'usure que mène un maire

Par tout le brouhaha qu’a produit votre volonté d’expulser les Indignés de Québec, vous avez confirmé la nécessité des débats que nous exigeons, ainsi que la justesse de notre cause. Notre liberté d’expression bafouée (fait dénoncé par la Ligue des droits et libertés dans un communiqué datant du 3 novembre) et l’irrespect de notre droit fondamental à l’indignation montrent l’état de décrépitude dans lequel se languit la démocratie dans une ville où l’on ne peut espérer se faire défendre par feu l’opposition officielle.

Nous constatons une fois de plus à quel point vous restez sourd aux demandes des citoyens, tout fier que vous êtes d’appliquer ce précepte énoncé par Louis XIV en 1655 : « L’État, c’est moi ! » Vous n’accordez pas la moindre place à la discussion et à l’exercice de la démocratie, principes fondateurs qui rassemblent et unissent les sympathisants de ce mouvement inclusif, pacifique et démocratique qui ne mérite en aucun cas d’être traité avec le mépris et la condescendance que vous lui avez réservés.

Souvent, vous vous plaisez à manipuler la loi selon votre humeur du moment, comme vous en donnez l’exemple ces temps-ci lorsque vous luttez envers et contre tous pour faire descendre le nombre de conseillers municipaux en deçà du seuil réglementaire. À l’inverse, lorsqu’il s’agit d’un campement pacifique inscrit dans un courant d’indignation internationale, vous semblez incapable de faire preuve de la moindre tolérance et démontrez une fermeture peu répandue dans la jeune histoire de l’occupation citoyenne en n’acceptant aucun écart aux règlements municipaux, que vous appliquez à la lettre et même plus, comme nous le verrons plus loin.

Jouer sur deux tableaux

Il est étonnant d’observer votre avis changeant si soudainement qu’il en donnerait le tournis à une girouette. Pas plus tard que le 27 octobre dernier, vous disiez approuver les Indignés et le mouvement Occupons Québec. Heureusement, les détenteurs plébiscités de la raison que sont quelques commentateurs de radio-poubelle vous ont vite rappelé à l’ordre, vociférant sur leurs ondes des injures aux étudiants, aux itinérants, aux gens « paresseux », à ces « parasites » qui se « pognent le cul ».

Fin renard, vous avez immédiatement saisi le message et vous êtes plié à l’avis de ces médias qui veillent à votre popularité. Vous avez donc dès lors demandé le départ des Indignés de la place de l’Université-du-Québec, tout en continuant de jouer hypocritement sur les deux tableaux, approuvant d’un côté nos revendications et, de l’autre, affirmant que le terrain que nous occupons ne doit pas servir à du « camping ». Et ce, parce qu’il a été payé avec l’argent de tous les citoyens, citoyens qui réclament précisément leurs droits sur ce qui leur revient. Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas ici de simple « camping », mais de protestations si primordiales qu’il devrait aller de soi qu’elles transcendent ces arguments fallacieux que sont les questions de sécurité prétendument menacée.

Sous prétexte de sécurité, vous avez abusé des règlements municipaux, vous nous avez confisqué non seulement tout ce qui nous tenait au chaud par ce temps glacial (c’est-à-dire chandelles, bois, brûleurs à gaz, lampes, bâches — vous poussez même l’insulte jusqu’à interdire leur remplacement par quoi que ce soit), mais aussi d’autre matériel n’ayant rien à voir avec les incendies (comme le système de son, plus dangereux pour vous que pour nous).

Tout cela prouve la volonté de la ville de nous voir plier bagage en nous confisquant arbitrairement nos biens, en nous intimidant et en lançant contre nous une guerre d’usure, une guerre froide. Si nous bravons le froid et la peur en refusant de partir, c’est parce que nos revendications et nos espérances d’obtenir un monde plus juste nous fournissent une énergie inépuisable qui n’a d’égal que notre indignation et à laquelle votre mauvaise volonté ne saurait se mesurer.

Motif de plus à indignation

Parfois, Monsieur Labeaume, nous vient l’idée que vous avez peur de nous, pacifiques manifestants que nous sommes. En effet, vous tentez par tous les moyens de nous éviter et de nous tenir à l’écart d’une ville que vous aveuglez en lui jetant comme de la poudre aux yeux vos déclarations à l’emporte-pièce. Vous avez longtemps refusé de rencontrer les gens d’Occupons Québec ; vous avez envoyé les forces de l’ordre nous intimider sur notre campement, lesquelles forces n’ont pas daigné s’exprimer par la bouche de votre porte-parole, Jacques Perron. Vous nous avez tenus dans l’ombre et la frayeur en ne vous exprimant non pas en personne, mais toujours à travers le filtre sécurisant des médias.

Comble de votre despotisme dont les nombreuses critiques ont finalement eu raison : votre décision de réduire le temps de parole des citoyens de 30 à 10 minutes, spécialement pour le conseil municipal du 7 novembre, où se sont exprimés les Indignés. Cela en dit long sur votre malhonnêteté, mais aussi sur les limites de celle-ci, limites qui nous redonnent espoir.

Monsieur Labeaume, votre attitude à l’égard des Indignés a été rien de moins que totalement déplorable et purement antidémocratique. Voilà un nouveau motif à notre indignation.

Ces propos n’engagent que les deux signataires de ce texte et ne reflètent pas nécessairement la pensée des Indignés de Québec.

Alice Guéricolas-Gagné

Indignées de Québec

Alexis Ross

Indignés de Québec

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