Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Lettre ouverte des camionneurs portuaires des États-Unis à propos de Occupons les ports

Nous sommes les travailleurs en première ligne qui transportons tous les jours des containers, remplis de produits d’import et d’export, à partir et vers les docks et les entrepôts.

Traduction : Shelly D’Cruz
12 décembre 2011
tiré de http://cleanandsafeports.org/blog/2011/12/12/an-open-letter-from-america%E2%80%99s-port-truck-drivers-on-occupy-the-ports/

Nous avons été élus par un comité composé par nos collègues du Port de Los Angeles, de Long Beach, d’Oakland, de Seattle, de Tacoma, de New-York et du New Jersey pour vous raconter notre expérience collective. Nous avons accepté l’honneur de parler au nom de nos frères et sœurs de nos conditions de travail, en dépit des risques de représailles encourus. L’une des nôtres est une mère et le reste, des pères. Entre nous cinq, nous avons 11 enfants et un bébé sur le chemin. Nous représentons 46 années d’expérience pendant lesquelles nous avons transporté des cargos de nos ports pour le compte des établissements commerciaux américains.

Nous sommes inspirés par le fait qu’un mouvement démocratique non-violent défendant le principe de base de l’équité économique, est en train de capturé les cœurs et les esprits de tant de travailleurs. Merci à vous, les « 99% » d’écouter nos appels à plus de justice. Nous sommes touchés et impressionnés par cette récente attention. D’habitude, nous sommes invisibles.

La manifestation d’aujourd’hui aura un impact sur nous. Bien que nous ne puissions parlé officiellement au nom de chaque travailleur partageant notre occupation, nous pouvons utiliser cette occasion pour vous révélez notre expérience quotidienne, pour les 110 000 de nous aux .États-Unis qui occupons la profession de camionneurs portuaires. Il serait sans doute tentant pour les média de poser une question sur notre soutien quant aux fermetures, mais il n’y a aucune réponse facile. A place, nous vous demandons, êtes-vous prêts à nous écouter et à apprendre pourquoi une réponse d’un seul mot est impossible ?

Nous aimons être derrière le volant. Nous sommes fiers du travail que nous effectuons afin de garder l’économie américaine dynamique. Mais nous nous sentons humiliés lorsque nous recevons une paye qui suggère que nous ne travaillons qu’à temps-partiel à la caisse d’un fast-food. Encore plus lorsque nous travaillons en moyenne 60 heures ou plus par semaine, loin de nos familles.

Il y a tant de questions en jeu dans notre industrie. C’est une des professions les plus dangereuses de notre nation. Nous ne pensons pas que chauffer des camion devrait être une voie impossible aux États-Unis. Ce devrait être un bon emploi avec une paye de classe moyenne comme c’était le cas il y a 10 ans.

Nous voulons désespérément conduire des véhicules propres et sécuritaires ou transporter des marchandises qui ne remplissent pas nos poumons de produits toxiques mortels ou encore polluer l’air des communautés que nous traversons.

La pauvreté et la pollution sont comme la peste dans nos ports. Nos conditions économiques ont mené à cette crise environnementale.

Vous, le public avez payé le prix fort tout comme nous.

Pourquoi ? Tout comme Wall Street n’a pas à obéir aux règles, notre industrie n’est pas obligée à suivre des régulations. Alors les marchés sont dirigés par des escrocs. Les compagnies pour lesquelles nous travaillons nous qualifient de contractants indépendants, comme si nous étions nos propres boss, mais c’est eux qui nous donnent des ordres. Nous recevons des salaires des pays du Tiers-Monde et transportons des ateliers dans nos camions. Nous ne pouvons pas négocier nos taux. ( Normalement, nous ne sommes même pas autorisés à les voir). Nous sommes payés par chargements et non par heures. Alors quand nous nous retrouvons à attendre dans les longues files des terminaux, ou lorsque nous sommes coincés dans le trafic, nous faisons du bénévolats en donnant de notre temps aux entreprises des transports. C’est une manière sympathique de le dire. Nous avons tous entendus l’expression « l’esclave des temps modernes » aux pauses déjeuners.

Il n’y a pas de toilettes pour les chauffeurs. Nous gardons des bouteilles vides dans nos cabines, des sacs plastiques aussi. Nous avons l’impression d’être des chiens. Un chauffeur d’Oakland a récemment été banni du terminal parce qu’il s’est fait surprendre en train de se soulager derrière un container. Ni le port, ni les opérateurs de la plateforme ou quiconque de ce secteur ne s’est demandé s’il n’était pas de leurs responsabilité de fournir des installations d’hygiène et humaine pour nous. C’est absolument horrible pour les conductrices qui risquent des infections en se retenant le temps qu’elles trouvent un endroit où aller.

Les entreprises exigent que nous prenions des raccourcis pour être plus compétitifs, ce qui rend nos routes moins sécuritaires. Lorsque nous tentons de dénoncer le non-suivi des inspections, les équipements défectueux ou encore la falsification des registres, nous sommes alors éliminés. Cela signifie que nous sommes soit licenciés sur le champs ou plus susceptibles de ne plus jamais être envoyé en mission de transport.

Il peut être difficile de comprendre la complexité des enjeux et de la nature de nos emplois. Pour nous aussi. Quand le business déguise les travailleurs comme nous en des contractant, le Département du Travail y voit une classification. Pour nous, c’est illégal. Ceux qui profitent du commerce mondial et de la mobilité des marchandises s’en tirent sans problèmes puisque tout le monde le fait. Un journaliste a pris le temps de nous parler en fin de semaine et l’explique parfaitement pour les « outsiders. » Nous espérons que vous lirez l’article « Comment Goldman Sachs et les Autres Entreprises Exploitent les chauffeurs de camions des ports. »

Mais la réponse courte à la question : pourquoi les entreprises comme SSA Marine, la plateforme mondial basé à Seattle qui dirige l’une des majeures compagnies de camions de transport de la côte ouest, Shipper’s Transport Express, le font ? Pourquoi est-ce que la méga-riche entreprise Maersk, un grande conglomérat Danois de transports maritimes et terrestres qui veut faire des forages avec Exxon Mobil sur la côte américaine du Golfe, veut diriger ses affaires de cette même manière ?

Pour tricher sur les impôts, réduire les coûts de productions et dénier le droit de se syndicaliser, voilà pourquoi !

Les arrangements typiques fonctionnent comme suit. Tout sort de nos poches ou est déduit de nos salaires, le camion ( ou sa location), l’essence, l’assurance, l’immatriculation, n’importe. Nos employeurs n’ont pas à payer les coûts pour se conformer aux normes d’émissions polluantes, ça c’est notre fardeau. Un camion propre coûte à peu près quatre à cinq fois plus que ce que nous gagnons au bout d’un an. (A few of us haul our company’s trucks for a tiny fraction of what the shippers pay per load instead of an hourly wage.) Une minorité d’entre-nous transportons les marchandises pour une fraction de ce que l’expéditeur paie plutôt que d’obtenir un salaire horaire.

Et toujours, ils nous qualifient de propriétaire/contractant et nous donne un 1099 plutôt qu’un W-2.

Nous nous sommes jamais remis de la perte de nos droits de base en tant que salariés aux États-Unis. Chaque année, cela va littéralement de mal en pis à l’inimaginable. Nous étions le point de départ dans la première grande expérience du gouvernement de laisser plus de rênes aux grandes entreprises. Puisque cela a si bien marché pour les dirigeants des grandes entreprises de transport, pourquoi pas le tenter dans les secteurs bancaire et des prêts hypothécaires aussi ?

Même les rares d’entre-nous qui sont embauchés en tant que salariés légitimes, se voient régulièrement nier l’exercice de nos droits sous ce système. Demandez juste à vos collègues qui transporte des vêtements de marques comme Guess, Under Armour et Ralph Lauren. Le transporteur pour lequel ils travaillent tous à Los Angeles s’appelle Toll Group et son siège social se trouve en Australie. A la période la plus achalandée des vacances ( celles des achats), 26 chauffeurs ont été congédiés pour avoir portés des T-shirts Teamster sur leur lieu de travail. Ceux-ci manifestaient contre le manque d’accès à des toilettes propres avec de l’eau courante. La compagnie a embauché un consultant anti-syndical pour intimider les conducteurs. Down Under, la même entreprise qui négocie avec 12 000 de nos homologues de bonne foi.

Malgré nos grandes difficultés, plusieurs d’entre-nous ne peuvent ou refusent - comme certaines personnes pleines de bonnes intentions le suggèrent- d’abandonner. D’abord, nous voulons travailler et nous n’avons pas se filet de sécurité. (Many of us are tied to one-sided leases.) Plusieurs d,entre nous devons payer les frais reliés à l’acquisition de notre camion. Mais encore plus important, pourquoi devrions nous partir ? Chauffer des camions c’est ce que nous voulons faire et nous le faisons bien.

Nous sommes les professionnels qualifiés, titulaires d’une licence spéciale, qui garantissons que les Target, Best Buy et Wal-Mart obtiennent leurs stocks avec à la livraison juste à temps pour les consommateurs. Regardez à tous ce que vous avez chez vous et les choses que vous voyez dans les publicités à la télé. Y a de fortes chances que ce soit un camionneur portuaire qui vous a apporté ce présent des fêtes à votre magasin et que vous l’avez acheté.

Nous préférons plutôt rester ensemble et transformer notre secteur de l’intérieur. Nous méritons de nous faire justement récompenser et valoriser. C’est pourquoi nous nous sommes rassemblés pour organiser des convois, garer nos camions, manifester contre notre employeur et même fermer ces ports.

C’est comme notre héros de Dutch Prior, un chauffeur de Shipper/SSA Marine, qui a dit tôt le matin sur CBS ce mois-ci : Si tu ne te bats pas pour quelque chose, tu tomberas pour ???

Plus nous coulons, plus notre agitation grandit. Nous sommes en train de réfléchir sur la meilleure façon de nous organiser et sur ce qui est à faire pour gagner notre dignité, le respect et la justice.

De nos jours, les multinationales cupides sont considérées comme des « personnes » alors que les politiciens qui sont sur leur feuille de paie, qualifient de brutes, les membres syndicaux qui tentent d’améliorer leur conditions de travail.

Mais nous avons foi dans la puissance et le potentiel derrière une vraie union des 99%. Nous admirons la force et la persévérance des débardeurs. Nous nous battons comme des fous pour mettre fin à notre exploitation, alors s’il vous plaît, soutenez-nous pour encore bien après ce 12 décembre. Nos amis dans la Coalition pour un Port propre et sécuritaire ont créer un nantissement que vous pouvez signer afin de soutenir notre action ici.

Nous, chauffeurs avons un dicton, « Nous n’avons peut-être pas de syndicat pour le moment, mais rien ne nous empêchera d’agir comme tel. »

Les frères et soeurs de Teamster nous appuient. Ils nous aident à faire entendre nos voix. Mais nous avons besoin de votre aide également pour parvenir au jours où nous brandirons nos poings ensemble et déclarerons : « Personne ne peut nous empêcher de former un syndicat. »

Merci.

Solidairement,

Leonardo Mejia

SSA Marine/Shippers Transport Express

Port de Long Beach

chauffeur depuis 10 ans

Yemane Berhane

Ports de Seattle et Tacoma

chauffeur de port depuis 6 ans

Xiomara Perez

Toll Group

Port de Los Angeles

chauffeur depuis 8 ans

Abdul Khan

Port de Oakland

chauffeur de port depuis 6 ans

Ramiro Gotay

Ports de New York & New Jersey

chauffeur de port depuis 15

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...