Édition du 16 avril 2024

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Québec

Mon ami blanc

En tant que minorité visible, j’en profite pour faire connaître, à mes pairs, la campagne « Moi j’ai un ami blanc ! » puisque les blancs ne sont pas tous pareils, combattons les préjugés.

tiré de : Journal Entrée Libre , le 2021-02-11
8 FÉVRIER 2021 | FANIE LEBRUN

Du latin praejudicare, préjuger c’est de juger, décider d’avance avant d’avoir tous les éléments d’information nécessaires. Les préjugés sont une opinion adoptée sans examen par généralisation hâtive d’une expérience personnelle ou imposée par le milieu, l’éducation.

Tu danses bien pour un Blanc ! que j’ai dit un jour à mon mec. C’était un compliment. J’essaye de prendre soin de mes amis Blancs en me rappelant que « La connerie, c’est la décontraction de l’intelligence » – Serge Gainsbourg.

L’humain, ce profond paradoxe…

La beauté des préjugés c’est qu’ils font grandir par en-dedans. Je devrais remercier les Blancs pour leur inestimable contribution à mon humour et à me rendre émotionnellement plus intelligente. «  J’ai une blague de noirs, est-ce que je peux te la conter  ? » à quoi je réponds : Si elle est drôle, oui. L’humour, c’est comme l’esprit critique, c’est un muscle qui se développe. Face à la connerie t’as intérêt à t’entraîner. « Te sens-tu plus blanche ou plus noire ?  » Dure à dire. Je suis née au Québec, avec un père trop noir (à mes yeux) pour être mon père dans une famille toute blanche. La réponse : je me sens plus blanche parce que sinon j’aurais pas eu de crayon de couleur… peau !

Aimer sa couleur se justifie. Je m’entretiens en mangeant du chocolat. Mon amie blanche – Myriam –, elle aime aussi le chocolat avec son horloge en tablette croquée. Donc, nous sommes amies parce qu’on aime le chocolat, même si elle reste blanche, elle.

« Moi j’ai un ami blanc ! »

Aux allures caritatives, cette campagne est un superbe prétexte aux échanges interculturels en inversant les rôles et très utile pour se mettre à la place des autres (incluant les groupes étiquetés gais, pauvres, etc.) !

Avec des citoyens racontant comment la rencontre de leur ami blanc a provoqué une prise de conscience cela nous rappelle qu’ « au-delà de sa couleur de peau, chaque Blanc est avant tout une personne ! »

Coscénarisé par huit artistes de cultures diverses : atikamekw, anishnabe, haïtienne, tunisienne, congolaise, camerounaise et québécoise, ce projet satirique est délicieux.

Leur humour requiert une ouverture d’esprit plus large que le chas d’une aiguille. Comme dirait Julien Lorcy : «  La meilleure preuve que l’humour est une forme d’intelligence c’est que ça énerve les abrutis. » Chose qui pourrait arriver en jetant un oeil à la campagne.

Une trousse haute en couleurs

Cinq capsules vidéo (de 90 sec.) avec le témoignage de gens ayant surmonté leurs préjugés, il y a aussi une banque d’amis blancs pour le jumelage et pour se s’quizzer, des tests de connaissances sur la culture blanche.

Le test avancé – Comment faire pour garder ton ami blanc ? – m’annonce qu’avec mon score, mon ami blanc risque de couper les ponts et on me conseille de faire plus d’efforts pour l’accommoder.

Pire encore, au niveau débutant mon score démontre une ignorance certaine à l’endroit des blancs. L’invitation est lancée «  à démystifier la réalité des Blancs… ou plutôt LES réalités des Blancs. Souvenez-vous, ils sont tous différents les uns des autres ! ». Volte-face, je ne pensais pas manquer d’ouverture, moi !

Elle a bien visé mon amie blanche Myriam de me faire découvrir monamiblanc.org. Il faut que j’apprenne à connaître les Blancs. Message – le chocolat est insuffisant pour souder notre amitié.

Myriam sera enseignante de français langue seconde en classe d’accueil. En couple avec Danny – un autre de mes amis blancs qui a grandi à Montréal-Nord – lui, organise des Séjours d’échange entre les futurEs enseignantEs d’histoire de l’UQAM avec les étudiantEs de l’Institution Kiuna pour l’amorce d’un changement de paradigme dans l’enseignement des Premières Nations (je le soupçonne d’amener les Blancs là-bas pour que les gens apprennent à les connaître.). Aurais-je peut-être la grâce de leur indulgence ?

De toute façon Myriam – la blanche faite en Or dans C’est quoi être Québécois.e – m’en doit une ! Si ce n’était pas de ma couleur, elle serait passée inaperçue à Sofia ratant sa chance d’être repérée pour passer à la Tivi bulgare.

Clin d’oeil coquin

La FAQ nous signale que « le terme “blanc” n’est pas tant utilisé ici pour désigner une couleur de peau que pour évoquer une position dans la pyramide sociale. (…) aussi un clin d’oeil coquin à ces raccourcis sémantiques qui sortent souvent de la bouche des Blancs : “culture autochtone”, “culture latino”, “culture asiatique”, etc. »

Aussi que «  des Blancs pourraient être déstabilisés par l’inversion des rôles, montrés comme une masse de personnes anonymes, alors qu’ils sont montrés d’habitude comme des individus distincts ». En ajoutant que « cette perte de privilège est certainement déstabilisante. L’auteur afro-américain Michael Harriot utilise des mots semblables pour expliquer comment de nombreux Blancs se sentent devant les mouvements tel que Black Lives Matter et Idle No More : « [Le racisme inversé ressenti par les Blancs] n’est que l’érosion de ce que j’appelle le “privilège de l’individualité”. Les Blancs ne sont pas habitués à être regroupés et définis par les actions des autres. Bienvenue dans le club ! ».

C’est l’intérêt particulier de ce projet qui « renverse les codes et plonge la majorité dans une situation où c’est à son tour d’être analysée, étiquetée et simplifiée. Les Blancs deviennent ainsi un bloc monolithique, (…) ce qui peut être perçu comme un projet un peu… insolent envers les Blancs est au contraire une forme de cadeau. Ils ont enfin la chance d’expérimenter pendant quelques minutes ce que les personnes racisées vivent toute l’année. »

Prise de conscience

Au-delà du fait que la ‘’majorité blanche’’ a une grande influence (économique, politique et culturelle), ce n’est pas juste une question de crayons de couleur dont on devrait parler mais aussi de « plasters » rose pâle face à une grande partie de la planète avec une peau foncée !

J’ai appris à rire des préjugés. Même si j’aurais préféré faire l’École de l’humour (de la vie) par choix et non pas par nécessité. Quand tu es une minorité visible, ta couleur te prive d’une part d’identité. C’est le plus difficile face à l’ignorance, tu n’es pas légitime de critiquer. «  Si t’es pas contente, retourne dans ton pays !  » Ouin, cela va être difficile, on a manqué les deux référendums et je fais partie, comme dirait Falardeau, d’«  un peuple vassalisé, un peuple inféodé à un autre ».

Même si « la culture blanche produit depuis des siècles une quantité phénoménale de blagues et de termes péjoratifs sur les autres cultures. Celles-ci ne pourront jamais contre-attaquer avec un niveau de production qui rivalise avec la machine à blagues des Blancs. Et même si elles le pouvaient, elles auraient sûrement mieux à faire… » Bien qu’on ne serait pas à l’abri que…

«  L’intelligence a été inventée il y a très longtemps par un type vachement malin. La connerie, c’est autre chose, c’est une création collective. » – Philippe Geluck

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