Édition du 16 avril 2024

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Féminisme

Manifestations contre la culture du viol : les prises de parole de la FFQ

La FFQ était présente lors des manifestations organisées contre la culture du viol qui eurent lieu mercredi 26 octobre ! Voici les interventions d’Élisabeth Germain à Québec et de Julie Gingras à Montréal.

Tiré du site de la FFQ.

Discours d’Élisabeth Germain à Québec

Anne-Christine, Nestora, Camille, Donna, Ingrid, Lorena, nous vous avons écoutées et nous nous souviendrons.

Ça fait des siècles que vous et d’autres femmes nous parlez. Depuis la nuit des temps, les silences des femmes éclatent.

Vous nous parlez du monde entier. De Québec et de Val d’Or, de l’Allemagne et des États-Unis, du Congo, du Mexique et de l’Argentine, de l’Inde et de la Syrie.

La culture du viol, basta ! C’est assez. Partout, les femmes disent non. Sans oui, c’est non ! C’est un mouvement mondial des femmes, nous marchons ensemble, nous résistons ensemble !

Nous avons aussi des alliés masculins ; à eux de jouer leur rôle.

Ce soir, nous allons rentrer chez nous, plus conscientes, plus audacieuses, plus solidaires !

Et plus intolérantes que jamais envers la violence.

Discours de Julie Gingras à Montréal

D’abord, je souhaite souligner que nous sommes aujourd’hui réunies sur un territoire mohawk non cédé. Conséquemment, je souhaite en appeler à la prise de conscience que nous utilisons quotidiennement des territoires colonisés et que nous avons une responsabilité collective et individuelle à nous engager dans la décolonisation de nos pensées en vue de créer des relations égalitaires entre les peuples.
 
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Bonjour à toutes ! Je m’appelle Julie Gingras et je m’adresse aujourd’hui à vous au nom de la Fédération des femmes du Québec. Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est d’abord pour exprimer notre colère, mais surtout notre solidarité avec toutes les personnes touchées par la culture du viol, et plus spécifiquement les survivantes d’agressions sexuelles, qu’elles aient décidé ou non de dénoncer leur agresseur. Autant dire que c’est pour exprimer notre solidarité envers toutes puisque, d’une manière ou d’une autre, ce sont toutes les femmes qui vivent, au quotidien, les conséquences de cette culture dévastatrice.
 
En effet, la culture du viol est omniprésente dans nos sociétés. On la trouve partout. Dans les commentaires des chroniqueurs qui croient que la sexualité et le corps des femmes, ça doit se barrer comme des voitures ;

 dans la rue, où des hommes ne se gênent pas de siffler les femmes, leur rappelant que leur corps est public ;

 dans l’intimité, où un amant ou un conjoint se donne le droit de se rassasier, faisant passer son plaisir avant le consentement de la femme ;

 dans les couloirs des lieux de pouvoirs, où les hommes en position d’autorité s’autorisent à enlacer celles qui passent (c’est bien connu, semble-t-il, séduction et politique iraient ensemble) ;

 dans la musique, où est souvent romantisée la transgression de la volonté des femmes (des artistes au cœur de loup qui chantent que la victime est si belle et que le crime est si gai)

Des exemples, vous le savez toutes, nous pourrions en nommer jusqu’à demain matin et nous n’aurions que mentionné la pointe de l’iceberg de cette culture du viol. Ainsi, il faut LA dénoncer et LA combattre partout, tout le temps. Je nous souhaite cette force collective de ne pas baisser les bras devant les murs d’ignorance et de mépris que dressent ses défenseurs.

Je l’ai dit, cette culture a un impact sur nous toutes, sur notre estime de soi, sur notre sexualité, sur le choix de nos vêtements, sur notre sentiment de sécurité, etc. La culture du viol est inscrite dans nos corps, à force de petits et grands coup de violation de notre intégrité. Toutefois, cette culture, il faut le souligner, frappe plus fort certaines femmes que d’autres, parce que soutenue par divers systèmes d’oppressions, dont le colonialisme, le racisme, la lesbophobie, la bi-phobie, le capitalisme, le capacitisme et le cis-sexisme.

Je pense entre autres aux femmes autochtones, particulièrement celles qui ont dénoncé les agressions policières à Val-D’Or, que plusieurs refusent encore d’entendre ou de prendre au sérieux malgré les témoignages révoltants.

J’ai en tête les femmes racisées, qui, en plus de voir leurs corps trop souvent érotisés, sont jugées comme étant des victimes de moindre valeur qu’une femme blanche, surtout si, dans le cas d’une survivante blanche, l’agresseur est un homme racisé.

Je suis révoltée par la marginalisation de celles qui s’identifient comme travailleuses du sexe ou comme prostituées. Elles sont au front du marché de la sexualité, mais elles sont constamment effacées ou discréditées, certains allant jusqu’à nier la possibilité de violer une travailleuse du sexe ou une prostituée puisqu’elle est, nous dit-on, ‘payée pour’.

Je songe aussi aux femmes trans, aux personnes intersexes, aux femmes en situation de pauvreté, d’itinérance, d’handicap, aux femmes sourdes, immigrantes, sans statut, lesbiennes, bi-sexuelles, assexuelles, queers ou non binaires, à celles qui ont des limitations intellectuelles ou des troubles de santé mentale.

À toutes ces personnes, j’ai envie de vous dire que je suis solidaire avec vous, au-delà de l’oppression patriarcale qui nous est commune, mais je sais que plus souvent qu’autrement, il y a des fossés à remplir entre les femmes privilégiées et les femmes qui vivent à l’intersection des oppressions. Je souhaite donc profiter de cette mobilisation quasi nationale pour faire un appel à toutes les féministes présentes afin travailler collectivement nos solidarités dans une démarche d’ouverture et de critique de nos privilèges, et ce malgré la douleur qui nous habite toutes lorsque nous nous révoltons face à une culture aussi inacceptable et violente que celle du viol.

Si la culture du viol est omniprésente, elle n’est pas intouchable. Collectivement, nous avons le pouvoir de changer cet état de fait par l’éducation et l’engagement au quotidien. Aussi, et ici je m’adresse particulièrement aux hommes présents, afin que les femmes ne soient pas seules à porter le fardeau de la lutte, aidez-nous à sensibiliser la population, cessez de tolérer des propos ou des blagues dégoulinants de mépris dans les vestiaires et responsabilisez-vous face à la culture du viol.

De plus, s’il est temps que toutes et tous agissent, ne laissons pas le gouvernement se complaire dans son inaction. Je vous invite à joindre votre voix à celle des groupes de femmes qui exigent depuis plus de deux ans une Stratégie provinciale en matière d’agressions sexuelles.

Finalement, je souhaite vous dire que malgré la douleur et la colère, je suis fière de cette forte mobilisation portée par les féministes du Québec. Gardons la tête haute, combattons ensemble la honte qu’on souhaite nous imposer et exigeons une société féministe et solidaire ! Nous sommes fortes, voire indestructibles et, à toutes les survivantes, nous vous croyons !

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