Tiré du Journal des alternatives.
Un cri né d’un drame
Au cours des deux derniers mois, plusieurs femmes ont perdu la vie après des césariennes à l’hôpital public Hassan II d’Agadir. Pour beaucoup, ces drames ne sont plus vus comme des cas isolés, mais comme le signe d’un système de santé à bout de souffle.
Depuis des années, la population marocaine dénonce les failles du système de santé et la dégradation des services publics. Les écoles manquent de moyens, les soins sont souvent inaccessibles et les jeunes peinent à trouver un emploi stable. Le taux de chômage chez les 15 à 24 ans dépasse les 35 %, un chiffre qui alimente la frustration et la perte d’espoir.
À cela s’ajoute un sentiment d’injustice. Beaucoup reprochent à l’État de mettre l’accent sur les grands chantiers visibles, comme les routes, les stades et les projets liés à la Coupe du monde 2030, alors que la santé et l’éducation restent délaissées. Ainsi, derrière les images de modernité, la vie quotidienne de millions de jeunes reste difficile.
GenZ 212 : « Nous voulons des hôpitaux, pas des stades »
GenZ 212 est un collectif jeune, informel, sans tête unique clairement identifiée. Le mouvement s’est répandu très vite grâce aux réseaux sociaux : Discord, TikTok, Instagram.
Les manifestations viennent de partout au Maroc, des grandes villes comme Casablanca et Rabat, mais aussi de villes plus petites, rurales ou éloignées. Elles sont composées de différents milieux : étudiant, du monde du travail, mais aussi des cadres et de jeunes en situation de chômage.
Dans un manifeste publié en ligne, le mouvement GenZ 212 a énoncé plusieurs revendications précises. Les jeunes demandent avant tout un accès égal à une santé publique de qualité, partout au Maroc et sans discrimination. Le manifeste réclame aussi une éducation publique plus performante et véritablement accessible, avec de meilleures conditions pour les élèves comme pour le personnel enseignant.
L’emploi figure également parmi leurs priorités : ils veulent plus d’opportunités, de formations et de soutien, surtout pour celles et ceux qui vivent dans les zones rurales. À cela s’ajoute une exigence de justice sociale et de transparence dans la gestion publique, ainsi qu’une lutte réelle contre la corruption. Enfin, les manifestants et manifestantes appellent au respect des libertés publiques, notamment la liberté d’expression et le droit de manifester pacifiquement. Leur mot d’ordre résume bien l’esprit du mouvement : « Nous voulons des hôpitaux, pas des stades ».
Déroulement des manifestations : mobilisation, tensions et arrestations
Les manifestations ont débuté le 27 septembre dans plusieurs villes du pays, notamment à Rabat, Casablanca, Agadir, Marrakech et Tanger.
À l’origine, le mouvement GENZ 212, s’inscrivait dans une démarche résolument pacifique. Les rassemblements se tenaient en journée, dans les lieux publics, avec des revendications claires et légitimes. Ces jeunes manifestaient avant tout leur désir de changement dans le respect et la non-violence.
Cependant, au fil des soirées, la tension est montée dans certaines villes, et la réponse des autorités s’est durcie. Des interventions policières ont été signalées, accompagnées d’arrestations arbitraires, d’actes de répression et d’un usage disproportionné de la force. Face à ces pressions, quelques débordements ont eu lieu, mais ils restent marginaux et ne sauraient masquer l’esprit initial du mouvement, fondé sur la justice et la détermination citoyenne.
Selon les chiffres officiels, les autorités ont procédé à 409 arrestations, et 286 personnes ont été gravement blessées. Plusieurs jeunes sont aujourd’hui poursuivis en justice : à Salé, certains ont été condamnés à des peines allant de 15 à 20 ans de prison pour des actes qualifiés de vandalismes, à Agadir, un jeune homme a écopé de quatre ans de prison et d’une lourde amende pour « incitation via les réseaux sociaux ».
Entre attentes sociales et réponses politiques limitées
Le gouvernement est resté longtemps silencieux, malgré l’ampleur croissante des manifestations. Lors de son discours d’ouverture du Parlement, le roi Mohammed VI a rappelé l’importance des prochaines élections et le rôle central que devra y jouer la jeunesse. Un message perçu comme une invitation au renouvèlement politique, tandis que beaucoup regrettent l’absence de réponses concrètes du gouvernement aux attentes de réformes sociales et économiques.
GenZ 212 rappelle que beaucoup de jeunes ressentent un sentiment d’abandon. Ils estiment que les politiques publiques n’écoutent pas leurs besoins réels. Ils veulent un État plus proche, qui soit là pour les soins, pour l’école, et pour l’équité. Ce sont des revendications de dignité.
Le mouvement montre combien les nouvelles générations peuvent s’organiser en ligne, avec rapidité, sans structure hiérarchique visible. Leur capacité à se mobiliser de manière autonome traduit une conscience citoyenne en pleine affirmation, une énergie collective dont le pays semblait avoir besoin pour se battre pour ses droits.
Une génération consciente de ses droits
Le mouvement GenZ 212 n’est pas qu’un simple éclat de colère. Il exprime un besoin urgent de justice sociale, de rééquilibrage des priorités nationales, et de soin aux plus vulnérables. Il rappelle que les promesses politiques doivent se concrétiser. Le Maroc traverse une période décisive. Le gouvernement a devant lui une possibilité : répondre aux attentes, et restaurer la confiance. Ou au contraire, laisser la frustration grandir, avec toutes les conséquences que cela pourrait entrainer.
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