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Le Monde

« Nous ne nous reposerons pas tant que nous n’aurons pas libéré tous nos prisonniers politiques » affirme Via Campesina

tiré d’Entre les lignes, entre les mots 2016 - 36 * 3 septembre

Lors de la Rencontre sur les Droits de l’Homme de Via Campesina qui s’est tenue du 18 au 20 août à l’École Nationale Florestan Fernandes (ENFF) dans la commune de Guararema, État de São Paulo, les Avocats populaires, les Mouvements ruraux et les organisations ont débattu de la criminalisation des luttes des mouvements sociaux dans le monde et ont fait émerger de nombreuses propositions d’actions dans l’objectif de renforcer l’activité du Collectif des Droits de l’Hommes de la Via.

Publié le 2 septembre 2016

Dans l’interview pour la Page du MST Leandro Scalabrin, avocat populaire du Mouvement des personnes subissant les nuisances des barrages (MAB) expose quelques-unes de ces propositions et met en avant l’importance de réaliser une action de cette nature dans la conjoncture actuelle.

« La Rencontre a été positive, nous en sortons très motivés, le Collectif a été renforcé et augmenté. Nous avons réussi à approfondir le thème de nos Campagnes Internationales pour les mettre en œuvre dans chaque pays et nous avons identifié l’enjeu commun de la criminalisation des luttes sociales dans le monde. Ce travail sera diffusé sur tous les continents et nous allons construire un réseau de protection pour nos défenseurs des droits de l’homme. Nous ne nous reposerons pas tant que nous n’aurons pas libéré tous nos prisonniers politiques » affirme-t-il.

Environ 60 militants de 18 pays d’Afrique, Asie, Europe et Amérique ont participé à cette activité qui a également abordé les Traités Internationaux qui concernent les droits des paysans et ce qui lie les Entreprises et les Droits de l’Homme.

À ce sujet Scalabrin fait remarquer que la Via dénonce « la structure de l’impunité qui fait en sorte que les entreprises du capital privé contrôlent l’État et approuvent les lois, créent des institutions pour répondre à leurs intérêts, au détriment des biens communs et des droits humains ». C’est-à-dire qu’il est nécessaire que les États établissent une « responsabilité légale des entreprises pour leurs actions ou leurs omissions quand elles violent les droits de l’homme dans les pays ».

Ci-dessous l’intégralité de l’interview

Page MST : Un des centres du débat a été la criminalisation des mouvements. Quelles actions ont été prévues pour assurer la coordination internationale à partir de la Via ?

Leandro Scalabrin : Les informations apportées par les participants à la Rencontre montrent qu’il existe un grand nombre de paysans et paysannes emprisonnés, et aussi de nombreux cas de disparitions, d’exils involontaires, de violences et de processus criminels sur tous les continents. Il s’agit d’une vague de criminalisation des personnes et des mouvements qui font partie de la Via Campesina. Des emprisonnements politiques de personnes qui s’organisent pour réclamer leurs droits et qui sont traitées comme des criminels.

Face à cela nous avons débattu de la nécessité de renforcer le collectif des Droits de l’Homme de la Via Campesina et de construire un Réseau des Droits de l’Homme International qui puisse coordonner les dénonciations de violations des droits des peuples ruraux et s’assurer que des actions effectives ont un appui et une divulgation large, en plus de se coordonner avec les réseaux et organisations déjà existantes qui agissent dans ce secteur.

Pouvez-vous citer quelques exemples de cette vague de criminalisation ?

Au Brésil il y a 44 prisonniers politiques : 10 paysans et 34 indigènes. On a déjà utilisé la loi de sécurité nationale contre les mouvements sociaux et maintenant on utilise la Loi 12.850 qui se réfère aux organisations criminelles. C’est le cas du MST dans l’État de Goias. Valdir Misnerovicz et Luis Batista Borges sont détenus depuis avril et mai sur le fondement de la loi des organisations criminelles alors qu’ils défendent et revendiquent la réforme agraire au Brésil.

Il y a des personnes criminalisées en France, en Espagne. La situation est très difficile au Paraguay, en Argentine et au Honduras. Les situations se ressemblent beaucoup : violences en manifestations, violences policières, emprisonnements, procès. Au Honduras Berta Càceres a été assassinée. Au Brésil Elton Brum dos Santos a été tué par la police d’un tir dans le dos.

Après discussion, sur quelles mesures s’est-on mis d’accord pour s’assurer que des actions rapides de dénonciation soient mises en place dans les cas de violations ?

Pour faire front à cette difficile réalité, nous proposons de coordonner un réseau international des Droits de l’Homme de la Via et des organisations alliées pour ensemble établir des mécanismes d’autoprotection, de défense juridique et de dénonciation publique dans les instances internationales de Droits de l’Homme. Cet ensemble d’actions porte le nom de « Système d’Alerte ». Un des principaux objectifs est d’assurer l’autoprotection des défenseurs des droits humains.

La Via agit au sein de campagnes de coordination pour des mobilisations et des dénonciations sur divers sujets. Dans le cas des prisonniers politiques, quelles sont les propositions à mettre en place dans ce sens ?

La proposition de construction du Réseau au sein du collectif des Droits de l’Homme de la Via et le Système d’Alerte sont des actions qui visent cette mobilisation autour des emprisonnements politiques. Cependant en se basant sur d’autres campagnes, nous allons faire une campagne pour la libération de ces prisonniers politiques. L’idée est que, à partir de cette initiative, nous puissions donner une visibilité à ce mouvement d’offensive et de criminalisation des Mouvements de la Via.

Un autre sujet fondamental de la rencontre fut celui des Traités Internationaux. Quelles furent les initiatives prises pour élargir la diffusion de ces processus ?

Nous allons réaliser des séminaires pour diffuser les propositions et nous réunir avec les gouvernements nationaux de chaque pays afin de présenter des projets de loi sur la base des propositions contenues dans la Déclaration des Droits des Paysannes et Paysans et dans le Traité liant Entreprises et Droits de l’Homme.

Dans chaque pays nous revendiqueront pour que le gouvernement vote en faveur d’une part de la Déclaration des Droits des Paysans et d’autre part pour la création du Traité liant Entreprises [et Droits de l’Homme].

La Via était présente lors de la mobilisation internationale à Genève en 2014, pendant la 26e réunion du Conseil des Droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies, lorsqu’on a réussi à faire approuver une résolution qui responsabilise les multinationales pour les violations des droits de l’homme commises dans le contexte de leurs activités. Ce fut un vote serré : 20 pays pour, 14 contre et 13 abstentions dont celle du Brésil. Maintenant l’ONU a créé un groupe de travail intergouvernemental pour établir des normes contraignantes.

La Via est présente dans les deux processus. Quels sont les principaux points défendus par les mouvements paysans dans ces Traités ?

Nous dénonçons la structure de l’impunité qui fait en sorte que les entreprises du capital privé contrôlent l’État et approuvent les lois, créent des institutions qui répondent à leurs intérêts au détriment des biens communs et des droits humains. Cela se passe ainsi lors de la construction des barrages, du financement des campagnes électorales, dans la contamination de notre nourriture par des poisons, dans l’appropriation privée du territoire et du travail.

Les États doivent instituer la responsabilité légale des entreprises pour leurs actions ou leurs omissions quand elles violent les droits humains dans leur pays. Un exemple est celui de Samarco – Vale/BHP au Brésil avec plus de 200 000 personnes victimes de violations des Droits de l’Homme.

Comment la Via évalue-t-elle la Rencontre et quelles sont les attentes par rapport au travail du Collectif des Droits de l’Homme pendant la période à venir ?

La Rencontre a été positive, nous en sortons très motivés, le Collectif a été renforcé et augmenté. Nous avons réussi à approfondir le thème de nos Campagnes Internationales pour les mettre en œuvre dans chaque pays et nous avons identifié l’enjeu commun de la criminalisation des luttes sociales dans le monde. Ce travail sera diffusé sur tous les continents et nous allons construire un réseau de protection pour nos défenseurs des droits de l’homme. Nous ne nous reposerons pas tant que nous n’aurons pas libéré tous nos prisonniers politiques.

22 août 2016

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