Édition du 3 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Opposons un autre modèle de développement au pillage de nos ressources esquissé dans le Plan Nord

C’est avec un sans gêne inouï que Jean Charest se fait le spoliateur en chef des richesses naturelles du Québec.

Il n’hésite pas à piger dans le trésor public pour favoriser l’exploitation des ressources minières par les compagnies privées. Il ambitionne même d’aller chercher les capitaux en Europe, en Chine et en Inde pour trouver des investisseurs en leur promettant qu’ils pourront faire au Québec des affaires juteuses tout en recevant un soutien financier substantiel dans l’accaparement à peu de frais des ressources du Québec.

Les intentions du gouvernement Charest sont de mieux en mieux connues. Différentes compagnies minières ont déjà fait inscrire leurs lobbyistes auprès du gouvernement du Québec pour pouvoir participer au dépeçage du Nord du Québec au profit d’affairistes d’un peu partout sur la planète.

Le gouvernement construit une route aux frais de la population québécoise pour la minière Stornoway Diamond Corporation

Ce n’est pas un bout de chemin. Le gouvernement a entrepris de financer une route de 243 kilomètres au coût de 331,6 millions de dollars. Où va se rendre cette route ? Elle va se rendre directement au site du gisement à Renard où la compagnie exploitera une mine de diamants. Quel pourcentage de la facture le gouvernement Charest nous fera-t-il payer pour cette entreprise privée ? 85 % des coûts de la route ! Quelle est la valeur brute des diamants que l’entreprise espère réaliser de cette exploitation ? 5 milliards de dollars. Avec des redevances de l’ordre de 16 %, défalquées des mesures d’adoucissement fiscal que reçoivent les entreprises au nom de la concurrence, il restera peu de choses pour le Québec. Le gouvernement Charest refuse toute hausse des redevances. Pourquoi ? Elles sont concurrentielles et à la hauteur du marché ? Des redevances concurrentielles dans le discours néolibéral, cela signifie tout bonnement qu’elles sont suffisamment basses pour allécher n’importe quelle minière à se précipiter au Québec pour se partager l’assiette au beurre. Et que le Québec perdra tout contrôle sur le développement de ces ressources au profit du grand capital.

Le développement durable de l’uranium

Le gouvernement Charest aime se présenter comme un gouvernement respectant l’environnement. Mais quand on y regarde de près, son développement durable n’est pas loin de ressembler au discours du gouvernement Harper sur le développement durable des sables bitumineux ! C’est ainsi que le gouvernement Charest s’apprête à soutenir financièrement la société Strateco spécialisée dans l’exploitation d’uranium. Voilà que l’on veut exploiter le Nord pour favoriser l’exportation par le Québec d’un minerai qui servira à développer une filière dangereuse pour l’avenir de l’humanité, celle de l’énergie atomique... Après Fukushima, il faut vraiment être aveuglé par une cupidité plus que malsaine pour refuser tout débat sur cette question et permettre des décisions citoyennes sur ces choix essentiels.

D’autres minières veulent passer à la caisse...

Golden Corp veut aussi l’aide de Québec pour développer le secteur aurifère. Cette entreprise a aussi besoin qu’on finance des routes et le transport des énergies nécessaires au développement du projet minier Éléonore sur les rives du réservoir Opinaca. Ce sont des centaines de millions de dollars que le gouvernement du Québec devra dépenser pour cette entreprise. Au prix où se retrouve l’or en ce moment, on évalue que la valeur brute que pourrait tirer l’entreprise de son projet d’exploitation aurifère est de 6,4 milliards.

Et ce sont 11 projets miniers que le gouvernement s’apprête à subventionner de ce qui apparaît comme la plus grande braderie des biens publics jamais réalisée au Québec.

Opposer un autre modèle de développement au pillage de nos ressources esquissé dans le Plan Nord

La logique de Charest c’est d’occuper un créneau qu’il trouve porteur. Il souhaite faire du Québec une économie exportatrice de produits de hautes technologies, d’énergies et de matières premières pour l’économie américaine et pour les différentes puissances émergentes dans l’économie mondiale. Pour faire du Québec une colonie exportatrice, il faut donner toute la place au privé. C’est ainsi que le premier ministre affirme clairement que le Plan Nord s’appuiera sur des partenariats publics privés où le gouvernement du Québec sera appelé à partager les coûts d’implantation et d’entretien des installations des entreprises privées non seulement dans le domaine minier, mais aussi les les domaines forestier, faunique, énergétique et récréotouristique.

Le développement des richesses naturelles et le choix des richesses naturelles à développer doivent être des choix démocratiques et citoyens. Et cela ne sera possible que si ce développement passe par le débat démocratique... et reste sous le contrôle public. Le modèle de croissance défendu par le gouvernement Charest relève de la logique folle du pillage caractéristique de la nouvelle frontière des derniers siècles où tout était permis.

À ce modèle de spoliation et de pillage, le Québec doit opposer un modèle de développement centré sur la satisfaction des besoins, en organisant la production des biens, le transport, l’agriculture et la construction du cadre bâti dans la perspective de la protection de l’environnement... Et l’élaboration de ce modèle, ne sera pas le résultat de la quête des capitaux à laquelle s’active Jean Charest et ses compères, mais sera le résultat d’une véritable démarche de démocratie citoyenne.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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