Édition du 3 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Négociations du secteur public

Pour une grève créative et combative

Les signataires proviennent de syndicats affiliés à la CSN, la FIQ, la FAE, l’APTS

Chers collègues, travailleuses et travailleurs des services publics,

Nous voterons bientôt une grève - une grève cruciale pour l’avenir des services publics. Nous faisons face à un gouvernement austéritaire qui charcute les services à la population, qui s’attaque à nos professions à coups de compressions et qui cherche encore une fois à nous appauvrir. Notre grève pourrait bien être le meilleur moyen dont nous disposons pour l’arrêter, puisqu’elle permettrait de mobiliser simultanément plusieurs centaines de milliers de personnes contre ses politiques antisociales. Nous pouvons la faire - nous devons la faire.

Pour que cette grève soit massive, dynamique, inspirante et victorieuse, il faudra faire en sorte que cette grève soit notre grève - la grève des préposé.e.s à l’entretien, des professeur.e.s, des infirmiers et infirmières, des employé.e.s de bureau... La grève ne pourra prendre vie que si elle est prise en charge par les syndicats locaux et par leurs membres - autrement dit par la base. Pour cela, elle doit être un moment de créativité, d’expression politique, populaire, citoyenne voire artistique. La grève doit nous ressembler.

Si la grève étudiante de 2012 a été aussi vigoureuse, c’est entre autres par la place laissée aux associations étudiantes locales et par l’organisation d’actions autonomes. Voilà tout un défi pour le mouvement syndical, qui n’a plus, ou presque plus, l’habitude d’agir de telle manière. Cela est d’autant plus difficile que les directions nationales sont très hésitantes à soutenir des initiatives combatives autonomes des syndicats locaux, comme l’expérience de la grève sociale enseignante du 1er mai 2015 l’a démontré. Mais la journée d’actions du 1er mai dernier nous a aussi appris que nous pouvions, le moment venu, avoir confiance dans le dynamisme, la colère et l’appétit de justice des travailleuses et travailleurs du secteur public.

Former des conseils de grève

Lorsque nos journées de grève approcheront, pourquoi ne pas nous réunir localement dans des conseils de grève intersyndicaux ? Ceux-ci seraient ouverts à tous les membres et se réuniraient sur une base régulière, pour nous permettre de débattre de la conjoncture, de la stratégie à prendre et des actions à organiser dans nos lieux de travail, nos quartiers et nos villes. Travailleurs et travailleuses de différents corps de métier et de différents milieux pourraient y bâtir des liens de solidarité. Ce serait l’espace idéal pour que les grévistes partagent des informations sur ce qui s’organise dans leur secteur, créent leurs propres bannières et élaborent leur propre discours. La grève ne peut pas se limiter au piquetage : elle doit être une occasion d’élargir l’éventail des actions organisées en appui à nos revendications.

Lors de ces conseils de grève, nous pourrons discuter de la mise sur pied d’actions conjointes avec d’autres groupes qui se battent contre les politiques d’austérité (étudiant.e.s, groupes communautaires, femmes, parents, patient.e.s, retraité.e.s). Ces groupes pourraient profiter de l’espace politique ouvert par nos journées de grève pour faire avancer leurs propres revendications. Après tout, leurs luttes ne sont pas opposées aux nôtres, au contraire : elles contribuent à la construction de la société que nous voulons.

Se préparer à un décret

Pour que cette grève soit victorieuse, il faut aussi nous préparer à l’éventualité d’un décret ou d’une loi spéciale. Toutes les négociations du secteur public depuis 35 ans se sont effectuées sous la menace d’une telle loi : soit le gouvernement met fin aux négociations, met fin au droit de grève et impose une convention collective, soit les centrales syndicales recommandent une entente par crainte qu’une loi spéciale soit décrétée. Pour sortir de l’impasse, nous devons faire en sorte que l’adoption d’une loi spéciale soit risquée pour le gouvernement. Sans nécessairement défier frontalement une telle loi, il est possible d’organiser des perturbations économiques, des manifestations de tout genre et de multiplier les moyens d’action pour obtenir un soutien de la population. Si les étudiant.e.s ont pu vaincre la loi spéciale qui leur était imposée en 2012, c’est parce qu’ils et elles ont su rallier un large appui populaire, composé de centaines de milliers de personnes prêtes à manifester sur des trajets improvisés à chaque soir. Mais pour parvenir à cela, ou à d’autres actions de ce type, il faut dès maintenant planifier notre réaction et il faut en débattre entre nous dès maintenant.

Nous croyons que les conseils de grève intersyndicaux seraient des lieux importants pour avoir ce genre de discussion et préparer des éléments de plan d’action en cas de loi spéciale. Mais nous pouvons également déjà faire adopter, dans nos assemblées générales, une résolution prévoyant la convocation d’une assemblée générale d’urgence dès que le gouvernement annoncera un décret. Une telle résolution aurait une double utilité : d’une part, cela nous assurerait d’avoir un lieu de débat pour mesurer concrètement jusqu’où nous sommes prêt-es à aller. D’autre part, cela enverrait un message clair au gouvernement : nous ne resterons pas passifs devant ses menaces. Nous pouvons également établir dès maintenant un plan d’action à réaliser dès l’annonce d’un décret ou d’une loi spéciale par le gouvernement.

Personne ne sait si cette grève sera victorieuse. Nos adversaires ont montré leur rapacité et leur obstination. Y aura-t-il décret ? Y aura-t-il un règlement qui aura tout d’une capitulation ? Personne ne le sait. Mais s’il est une chose que nous sommes certains de pouvoir nous approprier, c’est bien la grève elle-même. Parce que la grève, c’est justement la reprise de contrôle par les travailleurs et des travailleuses de leurs lieux de travail, de leur temps et de leur propre parole.

C’est à nous de faire en sorte que cette grève soit vivante et dynamique. Fabriquons nos propres pancartes, écrivons nos propres slogans, organisons nos propres actions. Peu importe l’issue de cette grève, nous pouvons y insuffler de l’enthousiasme, de l’imagination et de la combativité !

Si cet appel vous interpelle, appuyez-le ! Ajoutez votre nom à la liste. Faites-le circuler dans votre milieu de travail. Mieux encore, amenez-le en assemblée générale pour qu’il soit appuyé par votre syndicat ! Plus nous serons nombreux et nombreuses, plus le mouvement de grève risque d’être stimulant et inspirant.

Signataires

Ajoutez votre signature ici

Philippe de Grosbois, enseignant au Collège Ahuntsic
Jean Demeule, préposé à l’entretien ménager à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Julie Dionne, enseignante au Cégep de Sherbrooke
Frédérique Godefroid, enseignante au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue
Marjolaine Goudreau, militante et travailleuse au CSSS Ahuntsic - Montréal-Nord
Bertrand Guibord, professeur au Collège Marie-Victorin
Véronic Lapalme, directrice au syndicat des professionnels de la santé au CSSS Cavendish
Vincent Leclair, travailleur au Centre jeunesse de Montréal - Institut universitaire
Steve McKay, enseignant au Cégep de Sherbrooke
Louis-Raphaël Pelletier, professeur au Collège Marie-Victorin
Marie-Hélène Plourde, secrétaire médicale à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Benoît Renaud, enseignant en formation générale des adultes à Gatineau
Jean-Pierre Roy, infirmier à St-François d’Assise - CHU de Québec
Alain Savard, doctorant à l’Université York
Charles Ste-Marie, magasinier au CHUM
Guylaine Vignola, enseignante au Cégep de St-Jean sur Richelieu

Les signataires proviennent de syndicats affiliés à la CSN, la FIQ, la FAE, l’APTS

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