Édition du 16 avril 2024

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Le mouvement des femmes dans le monde

Pourquoi la microfinance s’intéresse-t-elle autant aux femmes ?

Les Institutions de la microfinance (IMF) s’intéressent aux femmes. Au niveau mondial, elles représentent environ 70 % de la clientèle des IMF. Par ailleurs, 75 % des adultes gagnant moins d’un dollar par jour n’ont pas de compte en banque et le pourcentage est encore plus élevé pour les femmes. Si le microcrédit a pour objectif de donner un accès à des produits financiers aux populations qui en sont exclues, les femmes sont effectivement prioritaires.

Cet article est extrait du magazine du CADTM : Les Autres Voix de la Planète

Par ailleurs elles sont réputées mieux rembourser que les hommes, mieux à même de faire profiter de leurs gains l’ensemble de leur famille et l’accès aux services financiers leur permettrait de mieux se faire reconnaître au sein de leur entourage et de leur communauté. C’est pourquoi, franchissant allègrement le pas, le microcrédit affirme vouloir émanciper les femmes.

De nombreuses études ont été réalisées pour savoir quel était l’impact réel des microcrédits en terme de lutte contre la pauvreté et d’émancipation des femmes. Les conclusions de certaines sont sans appel.

Les IMF restent cantonnées dans une approche purement financière, sans prendre en compte le contexte néolibéral, ni le contexte patriarcal de l’oppression des femmes. Elles fonctionnent sur la base de multiples illusions : de l’auto-emploi et de la viabilité de la microentreprise dans des régions sinistrées et dans un monde en crise ; de l’accès à la consommation comme critère de sortie de la pauvreté ; de l’accès à la finance sur l’empowerment des femmes.

Le microcrédit permet très rarement à ses « bénéficiaires » de créer des activités génératrices de revenus et il crée au contraire plus de problèmes qu’il n’en résout. Au renforcement de la spécialisation des femmes dans des secteurs peu rémunérés, à l’allongement de leur journée de travail, s’ajoute la spirale de surendettement dans laquelle le microcrédit plonge les femmes. Tout cela se traduit alors par une exacerbation de la violence conjugale, une surcharge de travail, de stress, de fatigue et dans bien des cas la déscolarisation des enfants, la prostitution et des suicides ou tentatives de suicide. L’outil microcrédit apparaît à l’évidence comme non adapté pour atteindre les buts qu’il s’assigne.

Même s’il avance masqué derrière des expériences populaires de type tontines, le microcrédit est bien un avatar du néolibéralisme. En effet, celui-ci a massivement poussé les femmes à s’insérer dans le marché de l’emploi, notamment dans les secteurs tournés vers l’exportation (zones franches, textile, agriculture sous serre) profitant de leur inexpérience du marché et du monde du travail, du manque d’acquis concernant leurs droits, de leur analphabétisme. La crise de la famille élargie et la crise de la famille tout court, exacerbée par un chômage structurel de masse, ont transformé les femmes en chefs de foyer et actrices de premier plan dans la lutte pour la survie.

Par ailleurs, lutter contre la pauvreté, émanciper les femmes constitue un discours qui donne de la légitimité au projet. La notion d’ « équité » est mise en avant, réduite à une non-discrimination par rapport au crédit, l’accès au crédit devient un droit humain et l’inclusion financière serait la clé de l’inclusion sociale.

Cela a permis de dépolitiser la question féministe en prétendant offrir des solutions techniques et individuelles à l’oppression que vivent les femmes, évacuant son caractère capitaliste et patriarcal. À chaque personne de créer son emploi, même s’il n’en a pas le statut : une activité qui génère des revenus, cela permet de faire l’impasse sur les notions de salaire, de protection sociale, de temps de travail, d’hygiène, etc. C’est un travail atomisé, de sous-traitance à domicile, de commerce informel sur le trottoir. C’est le travail précaire par excellence et le degré zéro de l’emploi, au nom d’un développement-bidon qui provoque des souffrances accrues pour les femmes.

Le microcrédit permet aussi de faire main-basse sur la valeur créée par ce travail informel. En effet, n’étant pas reconnu, c’est un travail qui n’est pas imposable, dont les bénéfices, aussi maigres soientils, tombent dans la poche de l’auto-employé. Financer cet auto-emploi et imposer des taux d’intérêt

usuriers est de toute évidence une façon de récupérer une part – voire toute – de la plus-value créée par ce travail. Sans passer par le truchement du patron et de l’entreprise, le capital financier va récupérer, par le mécanisme de l’endettement, la valeur créée par le travailleur.

Dans la pratique on constate que bien souvent, les microcrédits servent à payer l’école privée du gamin, les soins de santé d’un des membres de la famille. Les services publics sont devenus payants, mais les pauvres n’ont pas les moyens de payer, et il faut bien assurer les profits des nouvelles entreprises privées assurant ce service en endettant les populations.

L’argent a disparu des budgets publics et se transforme en dette privée...

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