Tiré de Entre les lignes et les mots
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Ce programme, qui s’inscrit dans un effort plus large visant à renforcer l’autonomie économique des femmes rurales, a été salué comme une initiative prometteuse. Mais pour des femmes comme Anita Patel, petite agricultrice de Varanasi, dans l’Uttar Pradesh, la réalité est plus complexe.
« Je suis une petite agricultrice qui doit subvenir aux besoins de sa famille », explique Anita. « Lorsque mon mari est tombé malade, j’ai dû trouver un travail qui me permettait de m’occuper de lui et de nos enfants tout en continuant à gérer notre ferme. Devenir Drone Didi m’a semblé être une bonne opportunité. »
Anita est l’une des premières femmes à participer à ce programme, soutenu par le groupe Mahindra, Garuda Aerospace et l’IFFCO (Coopérative indienne d’engrais agricoles). Grâce à une formation de 10 jours dispensée à l’Institut national de formation professionnelle d’Hyderabad, Anita a appris à piloter des drones, une compétence qu’elle utilise désormais pour pulvériser des biopesticides dans sa propre ferme biologique et des produits agrochimiques dans les fermes voisines.
« Utiliser le drone, c’est mieux que de porter chaque jour 10 litres de pesticides sur mon dos », explique-t-elle. « Mais ce n’est pas facile. La batterie ne dure que 30 minutes et je n’ai pas reçu les batteries supplémentaires promises par le gouvernement. »
Un programme plein de promesses et d’embûches
Le programme Namo Drone Didi s’inscrit dans le cadre d’une initiative plus vaste visant à moderniser le secteur agricole indien, qui emploie près de la moitié de la population active du pays. Les femmes, souvent payées 25% de moins que leurs homologues masculins, assument une part disproportionnée des travaux agricoles. Le programme vise à remédier à ce déséquilibre en offrant aux femmes de nouvelles compétences et de nouvelles possibilités de revenus.
« L’idée est de réduire la charge physique pesant sur les femmes tout en augmentant leurs revenus », explique Gargie Mangulkar, représentante de MAKAAM, un forum national pour les droits des agricultrices. « Mais il y a d’importants défis à relever, qui vont des limites technologiques au risque accru d’endettement. »
Le programme offre une subvention de 80% sur le coût des drones, avec la possibilité de contracter des prêts via le Fonds d’infrastructure agricole pour couvrir les 20% restants. Cependant, l’accès à l’électricité, nécessaire pour recharger les batteries des drones, reste un obstacle majeur dans les zones rurales.
« Dans l’Inde rurale, l’approvisionnement électrique n’est pas fiable », explique Gargie. « En l’absence d’infrastructures adéquates, ces drones pourraient devenir un fardeau plutôt qu’un avantage. »
Les liens troubles avec les multinationales
Le programme Namo Drone Didi est étroitement lié aux intérêts des grandes entreprises. Garuda Aerospace, une startup basée à Chennai, fabrique le Kisan Drone, le principal outil utilisé dans le cadre du programme. De son côté, l’IFFCO et d’autres producteurs d’engrais proposent des formations et des incitations, notamment des scooters électriques gratuits pour les « Drone Didis » enregistrées.
« Ce programme est une contradiction en soi », explique Gargie. « D’un côté, le gouvernement promeut l’agriculture naturelle. De l’autre, il s’associe à des géants de l’agrochimie pour diffuser des pesticides. »
Anita, qui pratique l’agriculture biologique sur ses propres terres, voit bien les deux aspects. « J’utilise des biopesticides dans ma ferme, mais lorsque je suis engagée pour pulvériser dans d’autres fermes, j’utilise les produits chimiques qu’ils me fournissent », explique-t-elle. « C’est un travail et j’ai besoin de ce revenu. »
Si le programme Namo Drone Didi a peut potentiellement autonomiser les femmes rurales, les opposants mettent en garde contre le fait qu’il pourrait également renforcer les inégalités existantes. La transition vers une agriculture numérique, facilitée par des initiatives comme celle-ci, pourrait affaiblir les pratiques agricoles traditionnelles et accroître le contrôle des entreprises sur les petits producteurs et productrices.
« Les drones collectent des données détaillées sur l’utilisation et la productivité des terres », explique Gargie. « Ces données pourraient être exploitées par les entreprises pour dicter les pratiques agricoles, donner la priorité aux profits, voire identifier et acheter les terres les plus productives. »
Pour Anita, le programme lui a offert une bouée de sauvetage, mais il n’est pas sans poser de problèmes. « Je gagne environ 600 roupies (7 dollars des États-Unis) par jour, mais je dois encore faire deux ou trois autres petits boulots pour subvenir aux besoins de ma famille », confie-t-elle. « J’espère que le gouvernement tiendra ses promesses, notamment en ce qui concerne les batteries supplémentaires. Sans elles, il est difficile de joindre les deux bouts. »
Un appel à des alternatives durables
Tandis que le programme Namo Drone Didi s’étend, des organisations comme MAKAAM plaident pour des solutions plus durables. « Les femmes rurales ont besoin de meilleures alternatives », affirme Gargie. « Nous formons les femmes à l’agroécologie, en relançant des pratiques traditionnelles à la fois durables et émancipatrices. Nous avons commencé avec 50 femmes, et, aujourd’hui, environ 300 femmes rurales pratiquent l’agroécologie. »
Pour l’instant, Anita garde espoir. « Ce programme m’a permis de subvenir aux besoins de ma famille tout en restant près de chez moi », dit-elle. « Mais nous avons besoin de plus de soutien : des salaires plus équitables et un meilleur accès aux ressources. Ce n’est qu’à ces conditions que nous pourrons vraiment nous en sortir. »
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