Édition du 23 avril 2024

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Politique canadienne

Pourquoi la version de Stephen Harper de l’histoire de la guerre de 1812, n’est pas fiable,

Au cours des quelques prochaines années, le gouvernement Harper va dépenser des millions de dollars pour célébrer le 200ième anniversaire de la guerre de 1812. (L’équipe en charge de ce projet) a même développé une application iPhone dans le but d’aider la jeune génération à devenir plus « consciente des origines du Canada et de la source de notre liberté et de notre démocratie ».

rabble.ca, 6 janvier 2012, blogue, traduction Alexandra Cyr.

Tout ce projet est en fait une opération politique tout autant à propos de 2012 que de 1812. Cela fait partie de l’implacable –parfois subtile, parfois plus évidente- marche militariste de ce gouvernement. Je ne suis pas historien et je ne peux pas me prononcer sur la validité de la version Harper de l’histoire : est-ce une complète déformation des faits ou non ? Mais la consultation du site portant sur la commémoration permet facilement de voir qu’il y a des éléments de cette guerre qui sont omis ou sous estimés.

J’ai consulté le dernier livre de Pierre Berton, The invasion of Canada, pour me faire une idée plus juste. Ce qu’il y présente est sensiblement différent de ce que présente la version du gouvernement. D’abord, Pierre Berton note que du côté canadien, à l’époque, « le mot démocratie faisait parti des gros mots et que l’armée était menée de manière autocratique par leurs supérieurs britanniques ».

Comme il se doit, les origines de la démocratie et de la liberté au Canada ne reposent évidemment pas dans la guerre de 1812 pas plus que dans la première guerre mondiale, encore plus meurtrière et sanglante, comme le laissent entendre insidieusement les discours officiels du Jour du Souvenir. Bien au contraire. Un examen honnête de l’histoire révèle que notre démocratie et notre liberté sont le résultat d’une série de luttes contre les autorités canadiennes et leurs supporters. Pierre Berton explique qu’il y a « peu de preuves pour soutenir que (…) toutes les composantes de la population du Haut Canada ont pu resserrer les rangs et combattre l’ennemi ». Cette version mythique « d’une guerre populaire » a été perpétuée au cours des années par « les dirigeants canadiens pro-britanniques ». J’encourage tout un chacun à lire ce livre en entier. P. Berton y dépeint un tableau convainquant d’une guerre qui était inutile et non voulue.

Pierre Berton montre clairement que, du côté américain, cette invasion du Canada était stupide, une bévue impopulaire, conçue par une minorité de va-t-en-guerre qui cherchaient surtout à conquérir l’Amérique du Nord en entier pour s’ajuster à leur conception de la « destinée manifeste » de leur nation. M. Harper ferait mieux de réfléchir à propos des leçons de cet événement, en lien avec son appui mal venu aux invasions américaines actuelles et à ses contributions aux trains de menaces envers l’Iran.

Ce qui m’inquiète le plus avec ce récit du gouvernement c’est que les retombées pour les Premières Nations, qui s’étaient alliées au Britanniques contre les Américains, vont être mal présentées. La lettre d’introduction du premier ministre sur le site gouvernemental, parle de l’union des autochtones avec les autres pour « sauver le Canada ». Mais un des objectifs majeurs des guerriers amérindiens qui se sont joint aux Britanniques, sous le leadership de Shawnee, Tecumseh et d’autres, était de sauvegarder l’indépendance de la confédération amérindienne. Ce rêve est mort suite à l’attaque américaine et à la trahison britannique en même temps que le chef Tecumseh en 1813.

Selon Jim Hill, directeur des opérations de conservation à la Niagara Parks Commission, « …il est généralement admis que ce sont les Premières Nations d’Amérique du Nord qui ont perdu cette guerre ».

Qui peut faire confiance au gouvernement Harper pour traiter cet aspect de la question correctement alors que le premier ministre a déjà déclaré que le Canada n’avait pas d’histoire de colonialisme ? Qui peut lui faire confiance pour expliquer avec honnêteté cette vieille trahison des amérindiens alors que les injustices actuelles à leur égard sont bien réelles et ne font que persister ?

C’est le gouvernement Harper qui a refusé de voter en faveur de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Seulement quatre autre pays ont pris cette position. Il a fini par la signer quelques années plus tard, avec beaucoup de réticences. Cette attitude honteuse aux Nations Unies se reflète ici, au pays. Ottawa joue un rôle condamnable face aux autochtones ; en violation de leurs droits et sans les informer ni les consulter, il travaille activement à l’implantation de projets industriels (sur leurs territoires).

Quelques exemples récents :

*ce gouvernement a traité la disparition de centaines d’Amérindiennes à travers le pays avec une telle désinvolture que les Nations Unies ont dépêché une équipe d’enquête ici à ce sujet.

*Devant le scandale provoqué par la situation désastreuse du logement et de la santé des habitantEs de la réserve d’Attawapiskat, il a répondu en blâmant les victimes et en mettant les administrateurs-trices de la communauté sous tutelle. Et M. Harper a personnellement refusé d’aller sur place se rendre compte de cette situation de désastre humanitaire.

*Dans l’ouest, le gouvernement défend l’extension de l’oléoduc de transport du pétrole des sables bitumineux jusqu’en Colombie Britannique. Cet ouvrage passe à travers des terres amérindiennes qui n’ont jamais été cédées à qui que ce soit.

On pourrait allonger la liste des plus récentes attaques du gouvernement canadien actuel contre les droits à leur territoire des AmérindienNEs ; mais il n’y a pas d’application qui en fasse état.

La célébration d’une guerre vieille de 200 ans cette année, est en grande partie pensée pour renforcer une fausse image de consensus au pays. Cette utilisation ne fait aussi que déplacer l’attention du public et laisse dans l’ombre la réalité des guerres politiques et celles autour des ressources naturelles qui se passent maintenant.

Il est bien dommage que nous ne puissions mettre cette célébration sous tutelle : on ne peut pas faire confiance à ce gouvernement pour ce récit historique. Et l’argent ainsi épargnée pourrait servir à construire quelques maisons à Attawapiskat.

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