Édition du 16 avril 2024

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Politique canadienne

Prestations de sécurité de vieillesse : Harper détourne la réalité

La récente annonce de Stephen Harper de limiter les dépenses concernant la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, en haussant l’âge d’admissibilité aux prestations vient d’ajouter un nouveau volet aux menaces qui pèsent sur les régimes de retraites. Harper fait la démonstration que leur avenir ne dépend pas ultimement des problèmes de capitation et de rendement mais fondamentalement de décisions politiques.

Les coupures visent aussi les jeunes

Le gouvernement Harper tente de créer une fausse crise en agitant le spectre du déficit de paiement de la sécurité de la vieillesse. Cela laisse supposer que les baby-boomers en ont plus que nécessaire et que les économies réalisées bénéficieront aux jeunes . Mais dans les faits les coupures dans les régimes de pension vont atteindre la génération vieillissante, mais encore plus particulièrement les jeunes et cela de deux façons :

D’une part, Flaherty a déjà annoncé l’année dernière des coupures dans le RPC qui seront mises en place bientôt auxquelles s’ajoutent maintenant les coupures dans la Sécurité de la vieillesse. Le gouvernement du Québec a indiqué qu’il ajusterait le RRQ selon les mêmes règles. D’autre part, les régimes complémentaires de retraite font face à une offensive patronale visant à transformer les régimes à prestation déterminée en régime à cotisation déterminée. Même Postes Canada en a fait un de ses principaux objectifs. Cela touche directement les jeunes qui seront doublement pénalisés puisque les régimes publics comme la PSV continueront d’être l’objet de coupures s’il n’y a pas de lutte unitaire pour riposter. Il est donc tout à fait indécent d’affirmer que ces coupures ont pour objectif de préserver l’avenir des jeunes.

D’ailleurs à mesure que les baby-boomers prendront leur retraite, un nombre croissant de travailleurs devront pourvoir les postes devenus vacants, dont beaucoup exigent des compétences spécialisées. Mais les priorités des gouvernements vont dans l’autre sens. Ils profitent des postes vacants pour faire encore des économies sur le dos des jeunes et diminuer les services sur le dos de la population.

La pauvreté s’accroît

Selon le CTC nos régimes publics – la Sécurité de la vieillesse (SV) et le Supplément de revenu garanti(SRG), ainsi que le Régime de pensions du canada (RPC), ou le Régime des Rentes du Québec (RRQ) selon le cas procurent un revenu sûr lors de la retraite, mais la valeur maximale de leur montant reste en deçà des 50 à 70 % du revenu antérieur à la retraite nécessaire au maintien d’un niveau de vie équivalent. Parallèlement, le volet privé de notre régime de retraite présente de sérieuses difficultés. À présent, environ une personne seulement sur quatre, qui travaille dans le secteur privé, adhère à un régime de pension de l’employeur, et celles qui n’ont pas cette option se voient obligées de compter sur des RÉER très coûteux offrant des rendements très faibles et incertains.

Contrairement aux préjugés avancés par les Éric Duhaime et cie, au moins la moitié des personnes à revenu moyen appartenant à la génération du baby-boom, nées entre 1945 et 1966, feront face à un manque à gagner d’au moins 25 % après la retraite. À l’heure actuelle, une personne âgée sur trois remplit déjà les conditions requises lui permettant de bénéficier du Supplément de revenu garanti du programme de la Sécurité de la vieillesse. Les revenus des personnes qui touchent des prestations sont soit inférieurs, soit à peine supérieurs, au seuil de la pauvreté.

Les femmes encore plus pénalisées

Selon statistique Canada, en 2007, 98 % des Canadiennes et 95 % des Canadiens de plus de 65 ans ont reçu des prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) et un pourcentage moins grand de femmes (86 %) que d’hommes (96 %) ont touché des prestations du RPC ou du RRQ.
Un nombre plus élevé d’hommes que de femmes ont touché un revenu provenant d’un emploi ou d’un régime privé de pension et de REER : 27 % des hommes, comparativement à 13 % des femmes, touchaient un revenu d’emploi, et 72 % des hommes, comparativement à 63 % des femmes, avaient un revenu provenant d’un régime privé de pension ou de REER. Un pourcentage légèrement plus élevé d’hommes (60 %) que de femmes (59 %) avaient un revenu de placements.

Pour toutes ces sources, le revenu des femmes était en moyenne inférieur à celui des hommes, à l’exception des prestations de SV. C’est le revenu de régimes privés de revenu d’emploi des hommes et des femmes qui affichait l’écart le plus important : 14 400 $ pour les hommes et 9200 $ pour les femmes.

L’accroissement de l’âge pour bénéficier des prestations de SV touchera donc plus durement les femmes parce qu’elles sont soit moins présentes sur le marché du travail et ne bénéficient pas de régimes complémentaires de retraite ni du RPC ou RRQ et/ou ont des salaires plus bas et bénéficient de prestations moins généreuses de ces mêmes régimes. Dans ce cas elles risquent de devoir travailler plus longtemps. Comme l’a indiqué la FADOQ, « la proposition avancée par M. Harper ne fait que pénaliser des femmes et des hommes qui n’ont pas les moyens de se retirer du marché du travail avant 65 ans. Mais est-ce que les employeurs vont vouloir garder ces travailleurs jusqu’à cet âge-là ? »

Des choix politiques

Selon un groupe d’économistes de l’Université Laval, la part des pensions de vieillesse dans le PIB canadien qui est actuellement de 2,4% en 2012 n’augmenterait, en corrigeant l’effet de l’inflation et en tenant compte de la croissance prévisible de l’économie canadienne, que de 0,7% d’ici 2030. Il faut également considérer que l’augmentation des paiements pour la SV atteindra un sommet en 2030 mais se stabilisera et ira en décroissant par la suite. En 2015, les dépenses publiques du fédéral représenteront 14,6 % du produit intérieur brut (PIB), le niveau le plus faible jamais observé depuis 1960. Selon le professeur de fiscalité de l’Université Sherbrooke, Luc Godbout. « Si le gouvernement fédéral est en déficit actuellement, ce n’est pas parce que ses dépenses publiques sont élevées »

Les dépenses de la Défense nationale quant à elles ont augmenté de 9,6 % en un an entre 2008 et 2009. Le gouvernement prévoit en plus l’achat d’une flotte de nouveaux chasseurs à réaction F‐35 d’un coût approximatif de 29 milliards de dollars sur 30 ans. Harper entend dépenser de 130 à 150 milliards $ dans les 18 prochaines années, au titre de l’accroissement du budget militaire.

À cela il faut ajouter la politique de réduction d’impôt qui bénéficie majoritairement aux grandes entreprises. Sous le gouvernement conservateur, le taux d’imposition des entreprises est passé successivement de 22,12 % à 18 %, puis à 16,5 % en 2011, et à 15 % en 2012. Le taux d’imposition canadien des entreprises est maintenant de 25 % inférieur à celui des États-Unis. À terme, ces réductions amputeront plus de 6 milliards de dollars chaque année aux revenus du gouvernement fédéral, sans compter les évasions fiscales.

C’est un choix de société ; la guerre, les diminutions d’impôt aux grandes entreprises ou une qualité de vie équitable à la retraite.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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