Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Quels sont les enjeux de la grève à Postes Canada

Les Canadiens ont fait leur une légende urbaine selon laquelle les postiers font la grève régulièrement, généralement à Noël et, ce pour obtenir toujours plus d’argent. Cela est aussi loin de la vérité que de croire que Stephen Harper est un féministe. La dernière grève pancanadienne menée le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) s’est déroulée en 1997.

Le STTP a entamé des négociations de son unité de négociation en Octobre 2010. Dans les heures suivants le dépôt des revendications du comité de négociation du syndicat, les représentants de la direction ont rencontré des employé-e-s sur leurs lieux de travail afin de promouvoir les politiques de Postes Canada dans une campagne bien coordonnée visant à semer la confusion et la division parmi les membres. Postes Canada a l’intention de détruire les acquis de décennies de progrès et d’introduire une nouvelle catégorie de travailleurs et de travailleuses plus exploités chez les employé-e-s. La Société des postes a ouvertement encouragé les employé-e-s actuels à sacrifier leurs futurs collaborateurs au nom de la modernisation du système postal.

Partout où nous regardons, nous pouvons voir comment les entreprises et les gouvernements tentent d’arracher des concessions aux travailleurs-euses et attaquent les principes fondamentaux liés à la sécurité au travail, à la sécurité d’emploi et à la sécurité économique. Ils visent à réduire les salaires et les avantages sociaux à un niveau inacceptable. Ce qui se produit à Postes Canada ne fait pas ne fait pas exception. L’employeur veut soustraire les nouveaux travailleurs et travailleuses des postes à l’application de notre convention collective et cherche à préparer un avenir où les travailleurs verront leurs droits, leurs protections, leurs avantages sociaux et leurs droits diminués.

Après seize années rentables consécutives de la Société canadienne des postes (SCP), les exigences du STTP sont simples. Elles tournent autour des thèmes du respect, de l’égalité et du droit de partager les avantages de la technologie. En revanche, la SCP, depuis les années 1970, veut se défaire des pans entiers de notre convention collective.

La SPC veut depuis longtemps remplacer notre système de congé de maladie par un programme contrôlée par la Financière Manuvie. Déjà imposé à d’autres unités de négociation de la SCP, ce plan a généré de nombreuses plaintes et des complications médicales. La SCP prévoit pénaliser les travailleurs blessés en réduisant leur rémunération à 75% de leurs revenus tout en installant de nouvelles méthodes et de nouveaux équipements, ce qui conduira à augmenter les blessures liées aux conditions de travail des postiers.

Un autre objectif important de la SCP est de modifier la convention collective afin que les employé-e-s embauchés après la signature d’un nouveau contrat soient rémunérés à un taux beaucoup plus bas et qu’ils soient obligés de travailler sept ans pour atteindre le même taux maximal que les employé-e-s déjà en emploi gagnent actuellement. Les nouveaux employé-e-s devront également travailler plus longtemps avant d’avoir une augmentation du nombre de leurs congés annuels, et auront un régime de pension inférieur. La SCP prévoit aussi réduire le montant maximal de jours de vacances pour les travailleurs et les travailleuses de postes de sept semaines à six semaines pour ceux et celles ayant 28 années de service. Ces concessions violent du principe fondamental de l’égalité du STTP.

Les enjeux sont importants pour le STTP, le mouvement syndical et l’avenir des services publics, y compris pour le service postal. Durant les années où les gouvernements conservateurs minoritaires se sont succédés, les ministres de Stephen Harper ont dit qu’ils n’avaient pas l’intention de privatiser la poste, mais ils ont permis la déréglementation partielle afin de préparer l’avenir. Le sérieux du STTP dans leur travail avec les communautés a été une stratégie importante pour s’opposer aux tentatives des lobbies capitalistes qui voulait diminuer l’importance du service postal. Maintenant que les Conservateurs ont la majorité, nous verrons ce qu’ils veulent vraiment faire avec les services postaux.

La modernisation mise de l’avant par la SCP vise d’abord à servir les grandes sociétés commerciales. L’objectif du STTP est d’assurer au peuple du Canada et du Québec accès à un service de qualité qui réponde à leurs besoins diversifiés. La "modernisation de la Société canadienne des Postes" signifie l’introduction de nouveaux équipements, de nouvelles méthodes de livraison et la réduction des coûts salariaux. Le centre de traitement de Winnipeg a été planifié pour être une exemple pour la Société, le premier centre à concentrer toutes les dimensions des transformations proposées. Malgré les objections du syndicat, Postes Canada a imposé un modèle d’organisation du travail forçant les ouvriers à travailler dans des conditions dangereuses. Des groupes de transporteurs de Winnipeg se sont opposés à cette conversion forcée des méthodes de travail et ils ont refusé de travailler dans ces conditions le 22 novembre 2010, suscitant un esprit de résistance parmi les travailleurs des postes partout au Canada et au Québec.

Le 17 mai, la SCP a présenté une nouvelle proposition qui ne représentait rien de vraiment significatif. La SCP semble prête à parier sur le fait que les membres mettront ou non en application le mandat de grève record de 95%. Avec l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire, la direction estime peut-être qu’il s’agit d’une occasion pour atteindre leurs objectifs en ayant le parlement pour les imposer par la voie législative ?

Les syndicats sont les seules entités capables de bloquer le démantèlement de nos droits et de cette infrastructure sociale, mais pour ce faire, nous devons mobiliser nos membres pour défaire les politiques du gouvernement conservateur. Il faut dire assez c’est assez et montrer ce que cela signifie vraiment ? Il s’agit du premier affrontement syndical pan-canadien depuis l’élection du gouvernement Harper. Si la SCP obtient les concessions qu’elle recherche, quel syndicat sera la prochaine victime ? La SCP prévoit un grand nombre de départs à la retraite et parmi eux de nombreux militants des années 1980 sont déjà partis. Les dirigeants des autres syndicats soutiennent le STTP dans cette lutte, mais le test sera de voir comment ce soutien va se manifester.

Le STTP a nombreux défis à relever. La majorité des membres n’ont jamais connu une grève de longue durée, et dans de nombreux cas ils n’ont jamais fait grève. La combinaison de l’inexpérience dans les bases du syndicat, l’animosité virulente démontré par la direction de Postes Canada et un gouvernement antisyndical crée une situation imprévisible pour le syndicat. Cette ronde de négociation laissera une marque indélébile sur l’avenir de la poste. La détermination des membres sera la clé de ce que l’avenir nous réserve. •


Cindy McCallum Miller est une militant syndicale de longue date et une ancienne dirigeante nationale de la région des Prairies du STTP. Elle actuellement travailleuse des postes à Castlegar, Colombie-Britannique. Cet article est paru sur le webzine New Socialist.

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...