Édition du 23 avril 2024

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Éducation

Réforme Drainville - « Lâchez-nous avec la formation continue ! »

MONTRÉAL, le 4 mai 2023 - Après une analyse préliminaire du projet de loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique et édictant la Loi sur l’Institut national d’excellence en éducation, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) constate que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, semble vouloir faire table rase de plusieurs organismes crédibles et indépendants afin de s’arroger plus de pouvoirs pour mieux contrôler les voix discordantes dans le réseau de l’éducation, ce qui ne répond pas aux besoins les plus criants.

Plus précisément, la FAE considère que l’obligation d’imposer certaines formations continues aux enseignantes et enseignants est une attaque frontale à leur autonomie. De telles mesures dévalorisent la profession, alors que celle-ci a plus que jamais besoin de valorisation pour freiner la pénurie et pour retenir le personnel enseignant en classe qui œuvre dans des conditions de plus en plus difficiles, dont le manque de temps.

« En imposant cette nouvelle obligation de formation, le gouvernement alimente l’idée que les problèmes du système scolaire reposent en grande partie sur le dos des enseignantes et enseignants et qu’ils ne sont pas formés correctement pour assumer leur tâche. Pourtant, il est de notoriété publique que le milieu socioéconomique est le déterminant le plus important de la réussite scolaire et de la diplomation. Où sont les mesures en ce sens ? Sans politique de lutte à la pauvreté et l’exclusion, les efforts du ministre de l’Éducation demeureront fortement entravés. Bernard Drainville ratera sa cible ! Il fait fausse route en s’attaquant à notre autonomie, comme l’a fait le ministre Roberge avant lui. De plus, il se prive de la collaboration du plus grand groupe de personnes en mesure de l’aider à améliorer le réseau des écoles publiques. Monsieur Drainville, lâchez-nous avec la formation continue ! », avertit Mélanie Hubert, présidente de la FAE.

La FAE rappelle que les personnes enseignantes sont des praticiennes compétentes et diplômées, et sont les mieux à même de déterminer les approches pédagogiques qui sont appropriées pour les élèves qui leur sont confiés. Elles n’ont pas attendu ce projet de loi pour se former ! Elles sont nombreuses à suivre plusieurs nouvelles formations au cours d’une année scolaire. Malheureusement, tant la quantité, la qualité et l’accessibilité à ces activités de perfectionnement, répondant aux besoins et aux demandes du personnel enseignant, font défaut, tout comme le temps pour les suivre, notamment en période de pénurie. La FAE avertit aussi qu’elle s’opposera à toute procédure simplifiée visant à créer des formations écourtées et non qualifiantes en enseignement. Ses membres n’accepteront pas un tel nivellement par le bas.

Un « autre » institut : éviter les solutions micro-ondes

Par ailleurs, le gouvernement souhaite créer un autre institut contrôlé par le gouvernement, alors qu’il existe déjà le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ), qui est indépendant, et le Conseil supérieur de l’Éducation (CSÉ), dont les pouvoirs seront circonscrits à l’enseignement supérieur par cette loi. Ce faisant, le gouvernement laisse croire que les profs se contentent d’appliquer machinalement les mêmes gestes tout au long de leur carrière, ce qui est complètement faux. De plus, le gouvernement défend le concept d’amélioration continue des pratiques pour justifier la logique d’intégration à tout prix : mieux formée, la personne enseignante saura répondre aux besoins de tous ses élèves. Le principal problème dans le réseau des écoles publiques est la composition de la classe, qui n’a plus rien d’ordinaire. Toute autre solution à tout autre problème dans le réseau ne s’attaquera pas au cœur du problème.

La diversité de la recherche, parfois contradictoire dans ses conclusions, est en fait bénéfique au monde de l’éducation. Le problème réside dans la tendance du ministère, des centres de services scolaires et des directions d’établissement à chercher des solutions rapides et efficientes, lire précipitées et cosmétiques, à des problèmes de fonds. « Le projet d’institut du ministre Drainville pourrait venir aggraver cette tendance marquée d’appliquer des solutions « mur à mur », sans prise en considération du contexte de chacun des établissements, et même des classes, ce qui fait tant de torts au monde l’éducation », pointe Mme Hubert.

Des indicateurs objectifs, équitables et publics ?

La FAE considère que la mise en commun de données en éducation ainsi que la mise sur pied d’un tableau de bord pourraient permettre non seulement au gouvernement, mais aussi aux syndicats, d’avoir un portrait global de la situation dans le réseau des écoles publiques. Encore faut-il que le gouvernement partage de façon transparente et diligente ces informations, ce qui n’est pas le cas depuis de nombreuses années. Le ministère de l’Éducation est un cancre en matière d’accès à l’information. De plus, encore faut-il que le gouvernement ne remette pas lui-même en question des données fiables, comme c’est le cas pour le déficit du maintien des actifs, ou qu’il en fasse disparaître lui-même, comme c’est le cas de la déclaration obligatoire des cotes pour les élèves en difficulté, qu’il souhaite éliminer. Enfin, il importe que le gouvernement fasse preuve d’équité entre le réseau des écoles publiques et le réseau des écoles privées, desquelles il n’exige actuellement pas la même reddition de comptes.

« La FAE appelle à la plus grande prudence quant à l’utilisation de ces données. En aucune façon la collecte et la production de ces statistiques ne doivent servir à des fins partisanes ni à mettre de la pression, notamment les profs et les élèves, pour atteindre des cibles à tout prix. C’est typique d’une logique de gestion axée sur les résultats qui est bien présente dans le système scolaire. Ces indicateurs ne doivent pas servir à mettre de la pression pour gonfler les notes des élèves afin de bien paraître et de se donner bonne conscience », prévient madame Hubert.

Enfin, avec ce projet de loi, le ministre ouvre la porte à l’enseignement à distance. Pourtant, en décembre dernier, la vérificatrice générale a sévèrement critiqué le gouvernement pour sa gestion de l’enseignement à distance durant la pandémie, en concluant qu’il avait compromis le cheminement scolaire des élèves en difficulté et avait entraîné des retards d’apprentissage importants. Par ailleurs, le ministre de l’Éducation tente d’imposer par voie législative des dispositions concernant le télétravail et le téléenseignement qui devraient être négociées. La FAE veillera à ce que ces dispositions soient discutées et négociées aux endroits appropriés.

La FAE compte donc bien participer à la commission parlementaire sur ce projet de loi afin de défendre l’autonomie professionnelle des enseignantes et enseignants du Québec.

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