Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Éducation

ReprésentantEs étudiantEs, du culte populaire du JE à la prise de conscience individuelle et collective du NOUS

Sur les médias sociaux et dans les médias de masse, nous assistons à un débat, que je qualifierai d’emblée de fumeux, sur le rôle et le discours des porte-paroles du mouvement étudiant.

Dans un monde médiatique où le culte de la personnalité est poussé à son extrême (prenons en exemple les nombreuses téléréalités qui polluent notre espace médiatique), c’est le Je qui domine. Apparaît un mouvement qui pense, qui réfléchit autrement. En effet, Le mouvement étudiant dans son ensemble, et ce, depuis des décennies réfléchit et fonctionne selon les règles de la démocratie directe, ce qui signifie, en terme de représentation, que les porte-paroles sont là pour porter les mandats issus des votes majoritaires, point final. Ce mouvement pense et réfléchit en fonction du NOUS, d’une collectivité qui pense, réfléchit et s’exprime.

Or les médias ne réfléchissent pas ainsi, pas plus que le gouvernement, dont, pourtant, ce devrait être le rôle à titre de représentant collectif des intérêts des québécoises et québécois. En effet, le gouvernement Charest nous a démontré depuis belle lurette, non seulement dans le conflit étudiant, mais dans le népotisme des scandales de la construction, du financement du parti libéral, du Plan Nord, j’en oublie, et des meilleures, qu’il ne défend que ses intérêts partisans et ceux des amis de son régime. Pour ce qui est des médias, ils défendent les intérêts de leurs propriétaires ou bailleurs de fonds, sauf dans le cas de quelques journalistes passionnés dont je salue bien bas le courage.

La tendance est donc de faire des porte-paroles étudiantEs des vedettes ou des ennemis publics, tout dépendant qu’on soit pour ou contre la hausse.

Or, cette personnalisation des débats, quoiqu’inévitable, nous éloigne du véritable débat qui est la hausse des frais de scolarité. Loin de moi l’idée de condamner les leaders étudianEs : ils et elles font un travail magnifique et doivent, dans une certaine mesure, jouer le jeu des médias si nous voulons voir les enjeux de cette grève exposés à l’extérieur des médias sociaux. C’est justement ce qui m’interpelle et m’amène à écrire : ces jeunes, à chacune de leur prise de parole, nous convient à sortir du moule médiatique convenu, à passer du JE au NOUS.

On n’a qu’à penser au fameux débat sur la violence dont a été victime Gabriel Nadeau Dubois la semaine dernière, alors que journalistes et politiciens voulaient à toute force lui faire dire s’il était pour ou contre la violence. Pour ce porte-parole, là n’est pas la question, car ce n’est pas en son nom qu’il parle mais bien au nom de ses membres, qui doivent impérativement se prononcer sur une telle question avant que lui-même puisse prendre la parole en leur nom.

Sur la route bourrée de traquenard du grand cirque médiatique, les porte-paroles étudianEs maintiennent le cap. En cela, ils sont admirables car ils et elles résistent au plus grand mirage de notre société contemporaine, le culte du JE. Jamais ils et elles ne se sont écartés de ce chemin, malgré les apparences, car toutes les occasions médiatiques qui leur ont été fournies ont été utilisées afin de faire avancer la cause de leur mouvement, ce NOUS qui interpelle.

Dans la grande tourmente qui secoue la société québécoise actuelle, c’est ce discours qui ramène chacun et chacune à ses valeurs, qui appelle chaque JE à sortir de lui-même, à réfléchir en fonction d’une collectivité et de son avenir, qui est le plus dérangeant pour le gouvernement.

Les porte-paroles étudiantEs dérangent parce qu’il et elles nous demandent de sortir de nous-même pour commencer à réfléchir à ce que sont NOS valeurs, NOS aspirations, NOS projets, NOTRE société. Ils et elles NOUS interpellent au nom de leur mouvement afin que Nous sachions quelle société NOUS souhaitons pour nos enfants et petits-enfants, et, pourquoi pas, pour NOUS-MÊME, collectivement, en dehors de nos JE qui, trop longtemps, nous ont obnubulés.

C’est ici qu’il est admirable, ce discours qui nous sort de la bulle où nous évoluions, tranquilles, et que ce microcosme individuel, à l’abri des exactions de l’État que beaucoup s’étaient construit, indifférents au pouvoir et à ses abus, s’effrite sous la poussée de ce discours et de la violence que le gouvernement Charest y oppose... et que le NOUS assumé par les porte-paroles étudiants nous lance dans la mêlée, à la quête du NOUS collectif et québécois qui Nous représentera dans sa pluralité et sa diversité.

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