Édition du 16 avril 2024

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Le mouvement des femmes dans le monde

« Touche pas à mon porc », une morale

Publié le 25 octobre 2017 | tiré d’Entre les lignes entre les mots

supposée « guerre des sexes » – LES femmes contre LES hommes –, ces réactionnaires sont nos contemporains. Et le prouvent. Car les blagues salaces, les commentaires et pubs sexistes, le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles, les viols, les féminicides (meurtres visant délibérément des femmes) continuent à nourrir notre actualité en toute impunité et avec la complicité de la majorité.

♯touchepasamonporc. Cela pourrait être le hashtag de tous ces moralistes, réveillés en sursaut, et comme un seul homme, après le lancement de ♯denoncetonporc. Plus enclins à montrer du doigt la délation plutôt que l’agression, à faire front contre une « Ce sont les migrants qui font grimper les chiffres des agressions sexuelles », « en France, ce n’est pas comme aux États-Unis ou ailleurs », « ce sont des hommes malsains ou malades qui agissent de cette façon », « celles à qui ça arrive l’ont bien cherché », « n’ont rien fait contre », alimentent les discours sur les violences sexuelles au point de transfigurer la réalité et de transformer les agresseurs-assassins-violeurs en victimes (Cantat par exemple). Pour une fois que ces violences s’exposent en public – cela fait au moins quarante ans que des organisations féministes en parlent, les combattent –, la morale refait surface. Car il s’agit bien de cela : utiliser la grossièreté, déballer… n’est pas bien. C’est mal. Or, tripoter/harceler/initier sexuellement/violer/tuer une femme quand on est père, frère, oncle, grand-père, cousin, mari, beau-frère, patron, collègue, copain, voisin… est « normal », ou au mieux un « drame familial ».

En France, une femme sur deux, soit plus de dix-sept millions de personnes de sexe féminin, affirme avoir subi au moins une fois dans sa vie « une forme d’agression sexuelle ». Trois sur cinq chez les moins de 25 ans. Et on fait comme si on ne le savait pas. Vulgaire mensonge. Les faits sont entendus, connus, mais tus, en particulier au sein de la famille. Car la sexualité masculine hétérosexuelle se doit d’être assouvie selon des normes que la banale loi virile et pornographique dicte et sans que cela soit discutable. Le corps des femmes, propriété des hommes, comme l’indique volontiers Nietzsche – « Je le répète, on ne fonde pas le mariage sur “l’amour”, on le fonde sur l’instinct de l’espèce, sur l’instinct de propriété (la femme et les enfants étant des propriétés), sur l’instinct de la domination […]. »1 –, sert à son expression. Question d’« instinct ». Cela ne se négocie pas. Comme ne se négociaient pas les rapports des esclaves avec leur maîtres, des Noir.e.s avec les colons. Sous-humain.e.s, autant objets de haine que de convoitise sexuelle. Autant bêtes de somme que torturés, battus à mort, enlevés, vendus, humiliés, assujettis, sans voix, interdits de parole.

Alors, quand on est un homme en position de pouvoir – Baupin, Strauss-Kahn, Weinstein, Polanski, … sans compter Zuma par exemple –, la ségrégation, l’oppression, l’aliénation, qu’on exerce sur les autres, et en particulier sur les objets de son appétit sexuel, n’existent pas. Tout simplement. Elles sont un droit. La domination est à l’œuvre et avec elle l’ensemble des systèmes de hiérarchisation sociale, et en premier lieu, celle entre femmes et hommes : le patriarcat. L’autorité du père.

Alors oui ! ♯denoncetonporc ou ♯metoo sont des révoltes nécessaires. Indispensables. Très loin de ce qu’on leur reproche – dénoncer nominativement des personnes, mentir, exhiber ses humeurs, laisser libre cours à son hystérie… Plus proche d’un mouvement spontané, d’une envie d’action, d’une initiative massive, solidaire, avide de dignité, contre l’injustice et pour la liberté. Un « Non ! » à la morale dominante. Un acte de résistance. Un cri de femmes, jusqu’ici objets sans voix, désormais sujets de l’Histoire. Bravo !

Joelle Palmieri, 24 octobre 2017

https://joellepalmieri.wordpress.com/2017/10/24/touche-pas-a-mon-porc-une-morale/

1 Le Crépuscule des idoles, 1889, p. 39.

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