Quelques exemples… Cette année, Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur italien, à l’adresse d’une militante de gauche : « Écarte bien les jambes, merde antifasciste », « Toi qui es une pute de gauche, tu te donnes gratis aux immigrés, pas vrai ? »…
Le chef de la Ligue (extrême-droite) ira en 2016 jusqu’à transformer le patronyme de son opposante politique, Laura Boldrini, alors présidente de la Chambre des députés et aujourd’hui députée de la gauche radicale, dans le but de la ridiculiser tout en fustigeant des migrants : « Une fille a été kidnappée et violée pendant une nuit ¿[…] par trois immigrants nord-africains. Trois ressources boldriniennes qu’il faut castrer chimiquement […] ».
Ou encore : « Voilà quelqu’un qui ressemble à Laura Boldrini », désignant une poupée gonflable (objet sexuel masculin) hissée sur la tribune où il était en train de prononcer un discours. De son côté, Boris Johnson, nouveau Premier ministre britannique, a qualifié les gays de ce qui peut être traduit par « hommes de la jaquette en débardeur » (« tank-topped bumboys »). Plus tôt, en 1996, l’homme politique conservateur et journaliste écrivait dans les colonnes du Telegraph à propos d’une rencontre du Parti travailliste : « de temps à autre, le « pénismètre » baisse quand une jeune déléguée monte sur le podium »(“Time and again the ‘Tottymeter’ has gone off as a young woman delegate mounts the rostrum »).
Dans un registre similaire, avant qu’il ne soit élu président des États-Unis, en 2005, Donald Trump se lâchait lors d’un enregistrement sur la NBC : « Quand vous êtes une star,elles vous laissent tout faire, [même] les attraper par la chatte » (« When you’re a star, they let you do it. You can do anything… Grab ’em by the pussy »).En 2006, le droitiste faisait sans vergogne allusion à l’inceste : « Si Ivanka n’était pas ma fille, je pourrai sortir avec » (« If Ivanka weren’t my daughter, perhaps I’d be dating her »). Jair Bolsonaro n’a rien à lui envier. Il s’adressera en 2014 à une députée du Parti des travailleurs (PT) en ces termes : « je ne te violerai pas parce que tu ne le mérites pas [et que…] tu es moche ». En 2011, dans un entretien accordé au magazine Playboy, l’actuel président brésilien d’extrême-droite disait du parti socialisme et liberté (PSOL) qu’il était « un parti de connards et de pédés ».
Comme en Afrique du Sud, les rhétoriques utilisées sont sexistes, homophobes, implicitement antiféministes, c’est-à-dire explicitement dirigées contre l’égalité hommes/femmes et les revendications féministes et ouvertement favorables à « la femme », perçue comme mère, reproductrice d’enfants.
Comme en Afrique du Sud, elles témoignent d’un masculinisme politique emprunt de traditionalisme et de violences de genre. L’usage de la vulgarité, la mise à distance du « politiquement correct », vise à ce que l’électeur ou l’électrice lambda s’identifie tout en restant figé dans la situation où il se trouve (pauvre, non éduqué, mal soigné, discriminé…). Il renforce plus particulièrement la légitimité des hommes (pauvres…) : dans un contexte de crise économique et politique, il est nécessaire d’être fort et être fort c’est se montrer viril.
Être viril c’est exprimer une sexualité « normale », de façon décomplexée. Valoriser les masculinités fait alors partie de l’exercice du pouvoir et traduit une idéologie conservatrice, s’attachant à transmettre des traditions, des croyances et des valeurs supposément consacrées par le passé et donc éprouvées, alors qu’elles sont mystifiées par des hommes politiques pour se maintenir au pouvoir.
Comme en Afrique du Sud, ces vocabulaires sexualisés, imprégnés de jugements de valeur relatifs au sexe, à la sexualité et à l’appropriation du corps des femmes, trahissent leurs auteurs, avides de pouvoir politique, cupides, opportunistes, dogmatiques, mégalos, possédants.
Joelle Palmieri
23 aout 2019
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