19 août 2025 | tiré d’europe solidaire sans frontières``
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Les partenaires de la coalition noir-rouge commencent ainsi à mettre en œuvre ce qui avait déjà été convenu dans l’accord de coalition. Déjà, peu après les élections fédérales, lorsque les dirigeants de l’Union et du SPD sont apparus devant la presse pour présenter leur accord de coalition, il était évident que les seuls à se réjouir du résultat des négociations étaient les représentants du capital. En effet, la réponse du gouvernement fédéral à la multicrise capitaliste est une politique de classe offensive conduite d’en haut. Sous le mot d’ordre de restructuration budgétaire, les membres de la coalition, encouragés par les médias, les instituts économiques et les associations patronales, planifient la plus grande attaque contre l’État social depuis l’Agenda 2010 du gouvernement rouge-vert d’alors.
Seules les organisations patronales ont de bonnes raisons de se réjouir du résultat des négociations pour la formation de la coalition gouvernementale. Photo : Wikimedia Commons/Sandro Halank, CC BY-SA 4.0
Pendant la campagne électorale, le SPD et l’Union chrétienne-démocrate (CDU) s’étaient déjà livrés à une compétition aussi acharnée que sordide en matière de dénigrement des bénéficiaires d’aides sociales. C’est la la lutte contre les prétendus « réfractaires au travail » qui était au cœur de cette campagne. À y regarder de plus près, ils et elles n’existent que dans la tête des gens qui les dénoncent : l’Agence fédérale pour l’emploi a recensé, pour les onze premiers mois de 2023, parmi les 5,5 millions de bénéficiaires de prestations, à peine 14 000 cas où un emploi proposé a été refusé. Mais la haine des pauvres, associée à la crainte de bientôt en faire partie soi-même, a toujours fait bouillonner les humeurs du peuple allemand. La diabolisation des prétendus « réfractaires en bloc » est devenue un grand thème à succès de la campagne électorale.
Bien que ceux et celles qui triment pour le salaire minimum ou vivent d’une pension de pauvreté ne gagnent pas un euro de plus lorsque des bénéficiaires du revenu citoyen sont sanctionnés pour avoir manqué un rendez-vous, le « sentiment de justice » tant invoqué est, lui, satisfait. Le fait qu’environ 800 000 bénéficiaires du revenu citoyen soient ce que l’on appelle des « complétants », c’est-à-dire qu’ils travaillent mais gagnent si peu qu’ils doivent demander un revenu citoyen en supplément, ne joue cependant aucun rôle dans la perception publique.
Sanctions et flicage des chômeurs
Après que la coalition tricolore était déjà revenue, l’année dernière, au régime kafkaïen de sanctions de Hartz, et avait annulé les petites améliorations cosmétiques dans la législation sur la pauvreté qu’elle avait adoptées au début de la législature précédente, le revenu citoyen devrait désormais définitivement disparaître. On veut « vraiment toucher s’attaquer au cœur du système », menace le secrétaire général de la CDU Carsten Linnemann. Concrètement, cela signifie la réduction du montant du patrimoine autorisé, l’augmentation de l’éloignement « raisonnable » du lieu de travail et des sanctions et contrôles plus sévères pour soumettre les chômeurs, jusqu’aux limites de la légalité et, en cas de doute, au-delà.
Ainsi, les garanties minimales devraient être complètement supprimées si quelqu’un « n’est fondamentalement pas prêt » à accepter un travail. Si une personne refuse un travail raisonnable sans raison valable, il faudrait en conclure qu’elle n’est pas dans le besoin et – selon la logique sous-jacente – donc qu’elle n’a pas besoin des prestations de l’État. Par exemple, si une personne manque plus d’une fois un rendez-vous à l’agence pour l’emploi, elle ne recevra plus d’allocation. Au vu de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle fédérale sur la garantie de ressources minimales, il s’agit là d’une violation délibérée de la Constitution. Le président du groupe parlementaire CDU, Jens Spahn, avait donc déjà appelé, pendant la campagne électorale, à une modification de la Constitution dans la mesure où « une radiation totale n’est pas couverte par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale ».
Un autre élément central de l’offensive de classe menée tambour battant par les organisations patronales est l’attaque systématique contre les droits fondamentaux des travailleurs. La restriction du droit de grève prévue par l’Union n’a certes pas été inscrite dans l’accord de coalition, mais la loi sur le temps de travail doit être vidée de sa substance et la durée maximale quotidienne de travail de huit heures doit être remplacée par une durée maximale hebdomadaire de 48 heures. Cela signifie, si l’on tient compte des dispositions relatives aux temps de repos, qu’à l’avenir, une journée de travail de douze heures et quinze minutes sera autorisée. (Voir ak 716)
Remettre en cause les fondements des relations de travailAvec la journée de huit heures, la coalition noire-rouge s’attaque à ce qui est sans doute la plus important econquête du mouvement syndical.
Pendant des générations, la lutte pour la journée de huit heures a mobilisé le mouvement ouvrier dans le monde entier : de Melbourne à Chicago en passant par Berlin, des centaines de milliers de personnes ont régulièrement manifesté pour obtenir la limitation de la journée de travail. Même le 1er mai, jour commémoratif et férié le plus important du mouvement syndical, trouve son origine dans la lutte pour la journée de huit heures.
Arrachée lors de la révolution de novembre 1918, supprimée par les Nazis au début de la guerre et rétablie en 1945 par la Commission de contrôle alliée, elle est depuis lors considérée comme le symbole des succès du mouvement syndical et de l’intégration des travailleurs et travailleuses au sein de l’État bourgeois.
La suppression de la durée maximale quotidienne du travail ébranle les fondements des relations de travail pour l’Allemagne d’après-guerre et l’image que les syndicats ont d’eux-mêmes. Le débat sur la révision de la loi sur le temps de travail pourrait bientôt remettre encore plus de choses en question. Le capital fait par exemple pression pour supprimer le temps de repos légal d’au moins onze heures entre deux journées de travail.La loi sur le contrôle des chaînes d’approvisionnement, pour laquelle les syndicats se sont battus pendant des années, est également supprimée. Elle oblige les entreprises à respecter et à contrôler les normes minimales en matière de droits humains tout au long de la chaîne de production, ce qui, du point de vue du nouveau gouvernement fédéral, constitue apparemment une atteinte inacceptable à la liberté d’entreprise.
Les membres de la coalition se sont avant tout fixé pour objectif d’élargir l’accès du capital à la marchandise que constitue la force de travail. Pour ce faire, ils ont assoupli la loi sur le temps de travail, accordé des avantages fiscaux pour les heures supplémentaires et instauré des abattements fiscaux nettement plus avantageux pour le travail rémunéré à la retraite, sous le nom de « retraite active ». À cela s’ajoute une pression accrue sur les sans-emploi pour qu’ils et elles acceptent n’importe quel travail.
Faible riposte des syndicats
Les syndicats n’ont actuellement que peu de moyens pour contrer cette attaque frontale de la coalition noire-rouge contre les droits des salarié.e.s. Depuis des années, le nombre d’entreprises affiliées à une convention collective ne cesse de diminuer, tout comme la capacité des syndicats à faire respecter les conventions collectives. Lors des dernières négociations salariales dans la fonction publique, les syndicats n’ont pas réussi à imposer leur revendication d’un temps de travail réduit et ont dû accepter que les employé.e.s puissent désormais travailler 42 heures par semaine sur la base du volontariat.
Il faut craindre que d’autres conventions collectives ne connaissent le même sort.Il serait toutefois erroné d’interpréter l’offensive actuelle du capital comme une manifestation de force. Au contraire, le « modèle allemand » est en pleine crise. Si l’Allemagne est encore sortie victorieuse de la compétition mondiale lors de la crise financière et de la crise de la dette publique, elle ne semble pas être capable de faire face aux multiples crises actuelles.
L’évolution des relations commerciales internationales et l’aggravation des conflits commerciaux ébranlent l’économie allemande, orientée vers l’exportation. Dans le même temps, les conflits entre les différentes fractions du capital s’intensifient. Les antagonismes entre une politique budgétaire sévère et les investissements dans la modernisation de l’industrie, entre la défense des secteurs industriels traditionnels et la transformation écologique de l’économie allemande, paralysent la capacité d’action politique et aggravent la crise.Le nouveau gouvernement fédéral tente de résoudre ces contradictions à l’aide d’une stratégie de sortie de crise sur laquelle les différentes fractions du capital peuvent s’accorder et qui a déjà fait ses preuves par le passé : le transfert des coûts de la crise sur les salarié-e-s par le biais de coupes dans les dépenses sociales et la remise en cause des droits acquis dans le monde du travail.
Stefan Dietl
P.-S.
• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde
Source - Analyse und Kritik n°717, 19 août 2025 :
https://www.akweb.de/politik/schwarz-roter-angriff-aufs-buergergeld-was-die-volksseele-zum-kochen-bringt/
• Stefan Dietl travaille comme journaliste indépendant et auteur de livres sur des thèmes liés à la politique sociale et syndicale.











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