Il est donc temps que Québec solidaire puisse retrouver l’élan critique qui le caractérisait à ses origines, lui qui, né en 2006, se voulait être un parti autant des urnes et de la rue, en se faisant sans concession l’écho et le soutien des luttes sociales, féministes, écologistes et altermondialistes du moment. Et ce n’était pas rien que puisse exister au Québec une telle force collective, un tel parti de gauche capable de rivaliser avec l’ADQ (l’ancêtre de la CAQ) tout en proposant une alternative solidaire aux politiques néolibérales proposées par Jean Charest. Un indéniable pas en avant !
C’est en résumé le point de vue du Parti de la rue, un regroupement très actif de membres et de militants/tes qui persistent et signent : demeurer actif et militer au sein de QS en alimentant l’idée que ce parti prenne à l’avenir un cours plus à gauche et plus en phase avec les défis qui se dressent devant lui, notamment à l’heure où la crise climatique atteint des niveaux records.
Les faux pas de QS
Il est vrai qu’à partir de 2017/2018, sans doute par empressement et par manque d’expérience, Québec solidaire a commencé à perdre la boussole qui était la sienne. Incapable d’instaurer en son sein des débats politiques sains et approfondis, peinant en même temps à gérer de manière harmonieuse les rapports entre l’aile parlementaire et la base militante, sa direction s’est peu à peu empêtrée dans des conflits interpersonnels, tout en s’orientant —tangente communicationnelle oblige— vers un recentrage électoraliste, espérant du même coup faire du parti, un parti de gouvernement à relativement court terme.
En fait, c’était aller trop vite en besogne et ne pas saisir l’importance des multiples défis de transformation sociale qui pèsent sur la société québécoise, tant en termes de transition écologique que de luttes aux inégalités sociales grandissantes ou encore de conquêtes de souveraineté et de résistances à l’autoritarisme grandissant. Surtout c’était oublier que ces transformations si nécessaires ne pourront voir le jour que si de larges secteurs de la population se remettent en mouvement, que si les mouvements sociaux du Québec, parviennent à se remobiliser ensemble autour d’un grand projet politique capable de rassembler tous ces enjeux socio-politiques de fond.
Un virage en profondeur
Les défis sont donc considérables, et d’abord au sein même de QS. Ils exigent que le parti loin des formules toutes faites s’interroge de manière transparente sur ses bons coups et moins bon coups passés. Ils exigent aussi que le parti effectue un virage en profondeur autour de la mobilisation sociale et de la lutte contre le désordre établi actuel, lui permettant d’être, dans cette conjoncture si difficile et inquiétante, ce parti des urnes et de la rue qui redonne au peuple du Québec le goût de l’audace et de la lutte collective, et pourquoi pas dans la conjoncture actuelle, d’une indépendance plurielle, inclusive et authentiquement populaire.
Il est vrai que Québec solidaire se trouve à la veille d’un nouveau congrès qui, début novembre statuera sur un nouveau programme et lui donnera l’occasion de faire connaître quel sera son nouveau porte parole masculin. Mais c’est le constat qu’il faut faire : rien de ce qui se discute actuellement touchant à l’actualisation du programme de QS, rien non plus de ce qui se débat entre les candidats en lice, ne donne l’impression qu’un tel virage se prépare. Comme si, en dépit de tout, l’électoralisme communicationnel continuait à coller à la peau du parti. Et qu’on ne voulait pas prendre la mesure des défis posés par la conjoncture ainsi que des changements de fond à effectuer.
Comme pour la marche mondiale des femmes
Certes, c’est là un problème qui n’est pas propre au Québec, mais à la gauche en général et quel que soit le pays où elle se trouve. Il reste que devant la montée si préoccupante de la droite et de la droite-extrême, c’est tout à la fois à travers un positionnement beaucoup plus radical et ferme en termes de grandes orientations stratégiques, et une grande souplesse dans les formes de luttes à encourager et à relancer que la gauche pourra aider au regroupement et à la remise en mouvement des forces sociales progressistes. Un peu comme l’ont fait les organisatrices de la marche mondiale des femmes le 15 octobre dernier, qui sans rien céder sur leurs revendications propres n’en ont pas moins tenu un discours tout à la fois radical et rassembleur. Avec le réconfort et l’allégresse que l’on sait !
Aussi, contrairement à ce laissent sous-entendre bien des chroniqueurs emportés par le vent de droite, [1] c’est justement en osant prendre un cours plus à gauche, que QS pourra retrouver son élan du passé, regagner bon nombre des militants/es perdus, et partant remonter dans le sondages ainsi que mieux se positionner pour les élections provinciales à venir. Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste












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