| 1. L’hégémonie pétro-gazière du Canada et à son Quebec bashing | l’indépendance nationale tenant compte du droit à l’autodétermination autochtone. |
On aurait tort de croire que pour aboutir à une société de soin et du lien basée sur la décroissance matérielle la lutte pour l’indépendance nationale y arrive comme un chien dans un jeu de quilles. Contrairement aux nouvelles nations étatsunienne, haïtienne, qui l’a cependant payé très cher, et latino-américaines, tombées dans l’orbite de l’impérialisme britannique puis étatsunien, la nation québécoise a échoué dès le départ à se libérer du conquérant anglais. Par là son sort s’apparente à celui des nations autochtones même si elle participe à leur oppression comme nation « blanche ». D’où la nécessité stratégique de s’associer à ces nations tant pour se déblanchir que pour augmenter son rapport de forces. Idem avec le peupletravailleur canadien souhaitant le même projet de société. Elle ne peut plus désormais pour sa survie compter sur la « revanche des berceaux » sur le dos des femmes à l’encontre de la nation canadienne adossée à une forte immigration.
Une nation périclitant démographiquement, déconsidérée et bafouée au point qu’une partie de sa jeunesse a honte de sa langue nationale considérée comme ringarde est incapable de marquer l’histoire si ce n’est en se folklorisant. Elle est incapable de rompre ses liens de dépendance et de subordination avec la nation canadienne dont la matrice économique est l’axe financier-pétrolier-gazier plus que jamais liée à l’impérialisme étatsunien qui va jusqu’au rejet de son projet de capitalisme vert sauf l’extractivisme minier. Lors de la « révolution tranquille », le projet de société qui l’animait était celui d’une société de bien-être ce qui l’a projeté dans la modernité au-delà de celle canadienne mais sans parvenir à rompre sa soumission nationale. En a découlé, dans un contexte mondial de recul néolibéral, le présent recul national qui ne peut être renversé que par un renouveau de la lutte indépendantiste prenant à bras-le-corps le grand défi du XXIe siècle soit la lutte pour une société du soin et du lien basé sur la décroissance matérielle.
| 2. La crise du logement | le collectif logement social écoénergétique pour tout le monde et pas seulement pour les pauvres. |
Dans l’actuelle conjoncture, la crise du logement, au cœur de la crise du coût de la vie, est le grand marqueur de la crise sociale auquel n’échappe aucun pays urbanisé. Tant que le logement restera une marchandise et non un droit il sera soumis la croissance exponentielle de la rente foncière dans des zones urbaines de plus en plus concentrées refoulant dans les banlieues les ménages populaires, ce qui leur inflige une pénible, coûteuse et énergivore gestion de leur mobilité. Tant que le logement sera soumis à l’idéologie du bonheur clin-clan de la « villa campagnarde » il dévorera les espaces naturelles, il enflera inutilement les services publics et il consommera une effarante quantité de matériaux per capita. Il tiendra le ménage populaire prisonnier des fins de mois, aux dépens de la fin du monde, au profit des banques et des développeurs tout en l’engonçant dans l’idéologie de la propriété privée.
| 3. logements déficients c’est | leur rapide mise à niveau écoénergétique par un programme public selon un code du logement tendant à l’énergie zéro. |
Que faire avec ces vieux logements centraux et surtout ces banlieues tentaculaires ? Il faut ici penser à une transition écoénergétique accélérant leur densification et à terme leur transformation. Il faut transiter vers un aménagement du territoire débarrassé de l’étalement urbain c’est-à-dire de l’auto solo et de la villa campagnarde. Dans ce contexte, les quartiers et villages contiennent les services de proximité dont les écoles primaires et secondaires. Beaucoup de quartiers centraux des grandes villes contiennent déjà bon nombre de services de proximité malgré la plaie de la circulation automobile parce qu’il n’y a pas de maisons unifamiliales et même peu de maisons en rangée.
Pour les banlieues et villages il faudra une politique de densification (dés)incitative qui se pratique déjà spontanément comme la subdivision pour loger les vieux parents ou la famille d’un enfant, la co-location ou tout simplement la vente à un ménage plus nombreux. Cette transition doit être facilité par du collectif logement social pour les gens âgés à même leur quartier, une aide au déménagement, un soutien aux rénovations écoénergétiques par ailleurs obligatoires et, dans les zones rurales, une politique de retour au village pour les habitations isolées hors ferme. (Par contre, la minimaison dans la cour arrière est cependant peu écologique, peu viable et même discriminatoire, ce qui s’applique aussi aux soi-disant « logements modulaires » pour les sans-abris.) Les banlieues faites pour l’auto solo peuvent être desservies par des minibus, éventuellement sans chauffeurs sur des circuits balisés et entretenus à cet effet, les reliant au circuit principal. Quant aux villages, il y aura un service d’autobus fréquent les reliant à la ville.
| 4. la mobilité durable | Le transport en commun gratuit, partout, fréquent, confortable et électrique, et un complément d’autopartage communautaire |
Entre un système de transport adossé au véhicule privé électrique et celui adossé au transport actif et en commun public, il faut choisir. Le premier qui change tout pour que rien ne change nécessite que s’y superpose un dispendieux système souterrain et/ou aérien afin de rendre viable la congestion urbaine dans des villes de plus en plus centralisées. Le deuxième remplace à bon marché et rapidement l’auto solo par le transport actif et en commun quitte à être complété, dans la période transitoire, par un service collectif d’autopartage genre Communauto.
| 5. transport marchand c’est | La souveraineté alimentaire, les trajets courts, la sobriété et la durabilité de la consommation et le transport électrifié par rail. |
| 6. Le gaspillage | La garantie de la réparation accessible ou du remplacement, du bannissement de la publicité et de la mode commerciale. Produire moins, échanger plus. |
Le transport des marchandises doit d’abord être drastiquement réduit. L’alimentation carnée accapare 80% des terres. L’alimentation végétarienne permet de maximiser la souveraineté alimentaire et par là les trajets courts. Idem pour les cultures maraîchères urbaines. L’interdiction de la villa campagnarde et de l’auto solo sape les fondements de la consommation de masse. L’obligation de durabilité et de réparabilité sur fond d’interdiction de la publicité et de la mode commerciales en détruit les moyens. Il faut pouvoir recycler par l’échange ce dont on n’a plus besoin. On imagine des pôles de quartier et de villages d’échanges et de réparations assumant les garanties légales aux frais des entreprises quitte bien sûr à référer ce qui est plus complexe. Le train (et le navire) électrifié transportera ce qui reste, et les petits véhicules électriques se chargeront du « dernier kilomètre ». |
7. La ville infernale et dangereuse | La ville piétonnière et cyclable, de services de proximité, d’agriculture urbaine et de parcs nature. Repeuplement des régions. Plus de petites fermes collectives |
L’agro-industrie comme le développement des communications et des transports a non seulement vidé la campagne de sa population mais l’a aussi urbanisée. Une société du soin, de la terre comme des gens, et du lien, autant avec la terre qu’avec les gens, intègre la campagne dans la ville. Elle le fait en transformant ces déserts biologiques que sont les pelouses en jardins communautaires tout comme les toits qui peuvent l’être. Elle le fait en transformant les friches, une fois dépolluées, en parcs nature y compris en forêts urbaines. Elle le fait aussi en initiant la jeunesse aux soins de la nature et à l’agriculture maraîchère jusqu’à à mobiliser les urbains pour faire des corvées agricoles ce que facilitent les trajets courts. Pour accomplir ces tâches, il faudra lever l’obstacle de la propriété privée foncière qui bloque tout. (Voir le point 10 pour le repeuplement des campagnes.)
| 8. L’étalement et à la congestion urbains envahissant la campagne | c’est l’interdiction de l’auto solo privé et de la maison « campagnarde ». Avant d’interdire l’auto solo il faut établir un système de transport en gratuis, fréquent et efficace. Voir plus bas. |
Il va de soi que pour le peuple-travailleur, ou le « 90% », aucune mesure pénalisante ne peut lui être imposé sans qu’une solution plus écologique, non plus dispendieuse et non moins commode soit disponible. Cela vaut tant pour le transport que pour l’habitat. En ce moment, pour la majorité des banlieusards et des gens en région, l’auto solo et la « villa campagnarde » sont incontournables. La pénalisation et éventuellement l’interdiction de ces deux cancers, à la fois écologiques et mamelles de l’endettement des ménages, supposent la disponibilité du transport en commun mur à mur et du collectif logement social et écoénergétique.
| 9. La crise de l’embonpoint | l’alimentation surtout végétarienne cultivée biologiquement et disponible en produits frais et peu transformés. Services dont écoles à distance de marche |
L’embonpoint est la conséquence d’une stratégie de l’industrie alimentaire misant sur la transformation du lent repas convivial en une rapide bouffe individualiste compatible avec la compétitivité s’accroissant sous le néolibéralisme et la stressante généralisation de la précarité. Comme compensation, l’industrie produit une alimentation carnée, sucrée, grasse et salée tout en étant ultra-transformée pour en faire une marchandise qui puisse circuler longtemps. Une urbanité sans villa campagnarde et sans auto solo, en rapprochant les gens et en diminuant la production matérielle, crée les conditions de la convivialité et de la lenteur en autant que le but de la production ne soit plus la maximisation du profit mais le soin et le lien pour maximiser le temps libre créatif.
| 10. Les croissantes pandémies dues au zoonoses | la préservation des forêts et zones humides d’où en finir avec l’expansive agriculture carnée. Diminuer de financer les grosses fermes industrielles. Augmenter le financement de petites fermes bio et collectives |
L’agriculture comme la foresterie écologiques sont plus intensifs en travail que l’agriculture et la foresterie industrielles parce qu’elles prennent en compte la productivité des sols à maintenir si ce n’est à améliorer sans compter les impacts environnementaux des engrais, surtout artificiels, de l’usage de l’eau et de la déforestation. Il devrait s’ensuivre un repeuplement relatif des zones rurales surtout si la politique agricole inclut une politique de conditionnement alimentaire (et non pas d’ultra-transformation) sur place.
Quant à la propriété et gestion des fermes, l’échec des fermes-usines des exéconomies collectives (URSS, Chine, Cuba) a démontré qu’il faut maintenir une forte liaison organique entre l’agriculteur-trice et sa ferme. Il y a nécessité d’une planification indicative, mélange d’incitatifs et de pénalités, laquelle de facto existe déjà tellement l’État capitaliste est interventionniste en agriculture. La formation comme l’interventionnisme étatique seront axés cependant sur l’agro-écologie végétarienne. Comme forme de propriété on pense à la ferme familiale et à celle coopérative mais dont la distribution foncière sera encadrée pour éviter spéculation et perte du foncier agricole (voir le point suivant).
L’ouvrier-ère agricole, nécessaire lors des périodes de travail intensif peut être associé-e comme coopérant à la ferme si ces heures annuels de travail très intenses à certaines période de l’année équivalent à celles normalement réparties également sur l’année. Cette solution suppose une politique de revenus du travail assurant un revenu et des conditions de travail viables et des droits du travail identiques pour toustes les travailleur-euse-s à la ferme et alignés sur ceux urbains, y compris l’accès à la syndicalisation, et débouchant automatiquement sur la citoyenneté. Il faut aussi miser sur la participation de la jeunesse urbaine pour certains travaux.
| 11. Les monocultures de l’agro-industrie épuisant les sols | l’agriculture biologique sans additifs d’origine fossile et liée à l’urbain par des trajets courts. Voir les 6 changements structurant demandés par l’Union paysanne. Socialiser l’alimentation |
En toute démocratie, on ne peut pas être d’accord avec le monopole syndical de l’UPA quoique la recherche de l’unité du monde agricole, très minoritaire dans notre société urbanisée, est fort compréhensible pour avoir un bon rapport de forces quoiqu’il faille distinguer les intérêts des grandes fermes mi-capitalistes des petites fermes. L’Union paysanne est rébarbative au modèle agricole québécois (quotas, plans conjoints) qu’elle rend responsable de la disparition des fermes et de la crise de la relève. Le problème de fond est plutôt l’endettement des fermes, au profit des banques, pour faire face à la cherté du fond de terre et à celle des quotas dues à leurs quantités fixes ce qui génère une rente que s’accapare la banque par les intérêts dont le paiement est garanti par l’État.
Pour résoudre les problèmes soulevés, on n’échappe pas à la nécessité d’un organisme démocratique agriculteurs-trices / consommateurs-trices / gouvernements ventilé régionalement qui soit propriétaire-locateur de l’ensemble des terres agricoles. Cet organisme cèderait à bon compte les terres, en tenant compte de l’héritage pour ne pas nuire au lien organique séculaire de la famille ou celui collectif avec la terre, en retour d’un contrat social précisant les droits et devoirs du locataire à long terme dans le cadre des politiques agrobiologiques nationales qui n’auraient rien de banales.
| 12. La mauvaise santé et le stress | le plein emploi, le contrôle ouvrier des cadences, la baisse du temps de travail, le revenu et services minimum garantis. L’État capitaliste, ni un gouvernement social démocrate ne peuvent pas réaliser ces 5 objectifs. Travailler à augmenter les entreprises collectives à but non lucratif fait diminuer les profits et surtout confie les gestion à plus de travailleurs. |
| 13. L’inflation | la totalité de la société du soin et du lien, le contrôle des loyers et des prix des aliments de base, et la gratuité de l’électricité de base. Pas réalisable en système capitaliste. Le but des entreprises et des gouvernements c’est l’augmentation du PIB |
| 14. L’austérité des services publics | leur ample bonification quantitative et qualitative et la resocialisation des pans privatisés. |
Ici se pose l’éternel débat entre lutte pour les réformes et le réformisme ce que résout théoriquement le concept trotskyste de « revendications transitoires » dont l’application exige toutefois sens stratégique et souplesse tactique. Rejeter la lutte pour les réformes afin de lutter contre le capitalisme est gauchiste ce qui isole ce type de militantisme le condamnant à une existence groupusculaire. Limiter son horizon aux réformes sans perspective anticapitaliste est opportuniste à savoir c’est s’adapter par facilité à l’idéologie dominante. Il en résulte soit à s’illusionner en cas de victoire, habituellement partielle ou toujours temporaire, soit à se décourager et à démissionner en cas, fréquent dans la conjoncture actuelle, de défaite.
Toute l’histoire des luttes du Front commun est une souque à la corde entre le mouvement syndical et le gouvernement du Québec afin de déterminer les paramètres de la politique salariale publique laquelle influence celle générale tout comme l’encadrement de la politique sociale par l’entremise des conditions de travail. La dernière ronde, loin d’être victorieuse, a quand même empêché la CAQ d’infliger d’importants reculs que prépare la loi 89. Il y a au Québec un certain contrôle des loyers même s’il est biaisé en faveur des propriétaires. Le parachèvement de la nationalisation de l’électricité dans les années 1960 a valu aux ménages une « subvention interne » de leurs tarifs aux dépens des entreprises que même la CAQ n’a pas osé remettre en question : « Les entreprises paient en moyenne un tarif de 3,9 % supérieur au tarif résidentiel, mais les demandes d’augmentation de 3,3 % pour les entreprises et de 3,3 % pour les industries sont prévues pour 2025 et 2026, tandis que l’augmentation sera de 3 % pour les ménages en 2025 et 2026. » (IA de Google).
Les entreprises autogérées dans un cadre capitaliste sont, à cet égard, une arme à deux tranchants. Elles peuvent certainement être un moyen de sauver ou créer son emploi ou encore de s’accorder des conditions de travail plus correctes. Mais elles doivent s’insérer compétitivement dans le marché ce qui bien souvent exige de s’auto-exploiter d’autant plus qu’elles ne sont pas généralement soutenues par la Finance (nécessaire simplement pour le crédit de roulement), les organisations spécialisées ou les gouvernements. Obtenir ce soutien, allant de soi pour les entreprises capitalistes, devient une lutte politique.
| 15. Les hydrocarbures et à l’énergivore croissance | la sobriété inhérente à la société du soin et lien et l’électrification de l’énergie et des moteurs. Plus de sobriété, moins d’autos électriques, plus de transports en commun électriques. Réduire les camions et augmenter le transports de marchandises par le train électrique. |
Celleux qui identifient bonheur et PIB concluront que la sobriété d’une société du soin et du lien n’est qu’une malheureuse société spartiate. Pourtant cette société minimise le temps contraint de l’aliénant travail de masse pour maximiser le temps libre artistique et scientifique et celui consacré aux affaires de la cité. Loin de restreindre habitat et mobilité, cette société de décroissance matérielle en réduira le fardeau tout en répondant aux besoins raisonnables d’espace, de confort et de déplacement obligés et ludiques. Pour ce faire, il ne faut pas équivaloir bonheur à un aliénant cumul consommateur singé sur l’accumulation capitaliste quoique structurellement encouragé comme illusoire sécurité individualiste à la place de la solidarité du soin et du lien. Plus encore, cette défocalisation vis-à-vis la matérialité libère l’horizon du soin des gens et de la terre-mère, et le temps à lui consacrer, ce qui signifie une forte croissance des services publics (santé, éducation, garderies, personnes âgées).
| 16. La fausse pénurie d’électricité | la suffisante actuelle production hydraulique et éolienne plus du solaire intégré aux bâtiments écoénergétiques. Resocialisation des secteurs privatisés d’Hydro-Québec. |
Les énergies renouvelables dans le contexte du capitalisme vert sont habituellement une occasion de privatisation qu’Hydro-Québec n’a pas raté. Il ne s’agit pas d’en évincer MRC et gouvernements autochtones mais bien les « partenaires » privés dont l’expertise peut être nationalisée ce qui élimine la rente qui leur a été cédée sous forme de prix garantis exorbitants.
À souligner et à resouligner que le passage aux énergies renouvelables dans un contexte de croissance inhérent au capitalisme est un cul-de-sac. D’une part, ces énergies ne remplaceront pas celle fossiles mais s’y additionneront comme au XXe siècle le pétrole et le gaz l’ont fait par rapport au charbon. D’autre part, ces renouvelables énergies diffuses et aléatoires ont besoin par kWh d’une énorme quantité de matériel pour les capter, transformer et transporter. Il leur en faut plus que celles fossiles qui fourniront la majorité de l’immense quantité d’énergie à leur extraction, transformation et recyclage. Ajoutons-y le pourvoiement de très grands espaces pour un déploiement qui n’en finira plus.
| 17. Le financement d’une société écologique | son implicite bon marché, la socialisation de la Finance et l’imposition des profits et du capital. Est-ce ces deux solutions sont faisables en système capitaliste ? |
En plus de la réponse général en 12-13-14, j’ajouterais que la nationalisation au moins partielle du capital bancaire a déjà été le lot de gouvernements de gauche sous contrainte de crise comme au Mexique et en France au début des années 1980. Lors de la crise de 2008, les gouvernements étatsunien et britannique ont partiellement et temporairement nationalisé certaines banques. Au Canada, « [l]e taux de l’impôt général des sociétés a atteint un sommet de 47 % au cours de la décennie 1950. Il a ensuite diminué progressivement pour arriver à 21 % en 2007. Depuis 2012, le taux d’imposition des sociétés est de 15 % » (Radio-Canada, La Vérif, 4/04/25). C’est une question de rapport de forces et de conscience sociale.
| 18. la résistance du « marché » | l’expropriation des secteurs stratégiques tels la Finance, l’énergie, les communications, le transport, la santé. |
La nationalisation des hauteurs stratégiques de l’économie, généralement sous contrôle oligarchique, doit être comprise comme une mesure défensive afin d’enlever à l’ennemi capitaliste ses principaux moyens économiques non seulement de domination, pour laquelle le contrôle de l’État est essentiel, mais aussi pour orienter l’épargne nationale et les flux matériels. Ceci dit, Hydro-Québec n’a rien de socialiste ; son orientation est déterminée par le gouvernement qui est au service de Québec Inc., une composante de Canada Inc.. Les multiples entreprises étatiques chinoises, dont l’ensemble de la Finance, ne font nullement de la Chine une société socialiste ; elle est sous l’emprise d’un capitalisme bureaucratique, qui limite pour le meilleur et pour le pire la loi de la concurrence, et qui est particulièrement répressif, ce que Trump s’empresse d’imiter, et de plus en plus impérialiste.
Il ne suffira donc pas de la nationalisation du grand capital pour que la société prenne un tournant anticapitaliste soin et lien. Il faudra aussi socialiser. On a vu plus haut ce que ça pourrait signifier pour la gestion des terres agricoles. On peut imaginer une solution semblable pour Hydro-Québec, et pour d’autres secteurs. Mais la clef de la démocratie d’une société du soin et du lien, ou plus abstraitement écosocialiste, réside dans l’organique démocratie des comités en partant de la base (lieux de travail et d’étude, quartiers et villages) jusqu’au niveau mondial en passant par le national. Ces comités ne naissent pas par décrets mais se construisent et se pérennisent dans la lutte sociale surtout quand elle atteint un certain niveau de développement et de politisation.
| 19. Les divisifs sexisme et racisme | l’écoféminisme donnant la priorité aux activités du soin et du lien et aux travaux essentiels des personnes racisées. |
Le vieux socialisme échoué du XXe siècle s’appuyait sur les cols bleus mâles des usines organisées très verticalement, ce que tendaient à imiter l’organisation syndicale. En découlait une tendance à réduire la révolution socialiste à une affaire de nationalisation sous gouverne de l’unique parti révolutionnaire. Aiguisé par une situation objective désespérée, le bolchevisme lui-même a cédé à la tentation. Il a fallu la crise existentielle de ce socialisme dont ne survivent que de macabres caricatures (Corée du Nord, Nicaragua, Venezuela), des échecs bureaucratiques (Cuba) ou masqués en succès capitalistes (Chine, Vietnam) ou échecs capitalistes (Russie, Europe de l’Est) pour qu’apparaisse dans la brume de la conjoncture les signes d’un renouveau.
Depuis décembre 2010 en Tunisie, les soulèvements populaires de grande ampleur et soutenus se succèdent les uns après les autres, du « printemps arabe » à ceux de la génération Z (Sri Lanka, Bangladesh, Népal, Madagascar, Pérou, Maroc) dans lesquels se distinguent les femmes et auxquels participent les LGBTQ+. Faute d’être canalisés par une gauche encore gangrenée par le « socialisme du XXe siècle » devenu un rétrograde « campisme », ces soulèvements n’aboutissent qu’à des changements superficiels, souvent régressifs et parfois catastrophiques (Soudan). Il n’en reste pas moins que ces soulèvements annoncent une recomposition écosocialiste reflétant le riche pluralisme social et politique des peuplestravailleurs et s’inspirant des préoccupations, besoins et modes d’organisation féministes devenant écoféministes.
Rien ne dit que le syndicalisme ne saura pas se renouveler par une profonde démocratisation antibureaucratique et rien ne dit non plus que les nouveaux mouvements sociaux sauront dépasser l’horizontaliste incité par les réseaux sociaux mais peu propice à dépasser la spontanéité et facilitant à la longue une implicite direction non-redevable.
| 20. L’impérialisme génocidaire | le soutien aux peuples en lutte pour leur libération par tous les moyens nécessaires y compris par les armes s’il le faut. |
C’est une vérité de La Palice que de constater le globalisme inhérent à la crise climatique. On le constate tout autant en ce qui concerne l’économie et le mode de vie sous influence de l’American Way of Life auquel aspire l’émergente « classe moyenne » mondiale. Le mode de vie traditionnel c’est l’affaire des pauvres… une bonne moitié de la population mondiale qui n’émet que 10% des GES mondiaux (Oxfam) tandis que la classe riche (10%) en émet 50% et la « classe moyenne » (40%) le 40% restant. Cette « classe moyenne », majoritaire dans les pays du vieil impérialisme et happant une grande partie du prolétariat organisé, est prise en sandwich entre les riches s’en remettant à la gouvernance oligarchique (le 1% si ce n’est le 0,1%) et la masse des pauvres de plus en plus visible dans laquelle elle ne veut pas sombrer.
Apeurée par le néolibéralisation de plus en plus autoritaire du monde répandant la misère, cette « classe moyenne » se crispe sur ses acquis et mue en un bloc conservateur faute d’une gauche crédible en mesure de renouveler sa vision du monde. Elle devient l’otage de forces politiques brouillant la responsabilité du puissant 1% oligarchique difficile à renverser. Ces forces de droite se radicalisant de plus en plus jusqu’au néofascisme leur offrent en pâture des boucs émissaires faciles à réprimer dont l’immigration racisée est le paratonnerre. Cette crispation conservatrice s’étend au maintien du mode de vie cristallisé dans la famille traditionnelle donc aux dépens des femmes, du moins de celles voulant se libérer de ce modèle, et de la plupart des LGBTQ+ qui ne s’y reconnaisse pas. Ainsi s’explique la relative paralysie politique des pays du vieil impérialisme vis-à-vis la myriade de soulèvements des pays du Sud depuis 2010 principalement impulsés par une jeunesse instruite et sans travail.
| 21. Les migrations | une frontière ouverte avec une politique d’accueil intégrante au sein d’une société de plein emploi écologique et socialement utile. |
La polycrise mondiale, dont l’axe d’empirement est l’envenimement exponentiel de la crise climatique, se décline tant en guerres devenant génocidaires comme en misère devenant majoritaire. Comme cette polycrise frappe davantage les pays du Sud déjà affaiblis par l’impérialisme soutenant des régimes militaro-répressifs à sa solde, elle démultiplie les migrations surtout vers d’autres régions du même pays et vers d’autres pays du Sud. C’est toutefois la minorité voulant émigrer au Nord, la plus jeune et entreprenante, qui chamboule la politique des pays du vieil impérialisme. Elle est pourtant un précieux apport de renouvèlement tant démographique que socio-économique. Au lieu d’un racisme austéritaire, il n’y faut qu’une politique d’accueil et d’intégration ce qui exige à l’interne une politique de plein emploi écologique adossée à une société du soin et du lien à décroissance matérielle.
Une telle politique internationaliste unifie le peuple-travailleur tant de facto que consciemment alors que le racisme ne le fait que de facto tout en le divisant socialement et politiquement. L’impossible blocage des frontières, qui n’est pas plus dans l’intérêt des écosocialistes que du patronat, ne fait que créer une masse de prolétaires sans droits corvéable à merci. Cette masse exclue mène inexorablement à l’abaissement des conditions de travail de toute la classe. Si par contre elle est incluse par une politique internationaliste, elle unit l’ensemble de la classe dans un combat commun contre le patronat et leurs gouvernements.
Cette unité combative crée les conditions d’une politique extérieure antiimpérialiste soutenant tant les luttes de libération nationale, y compris en armes s’il le faut, qu’une politique de développement socio-économique compensatoire de l’historique pillage écologique et de la surexploitation du peuple-travailleur en commençant par l’effacement de la dette extérieure publique et privée des pays du Sud.
En réaction à ce commenté programme de combat, les réalo-réalistes objecteront qu’on a autre chose à faire que de rêver en couleurs. Pourtant le besoin d’une alternative n’a jamais été aussi pressant. Chamboulé par le trumpisme auquel, sous le masque du nationalisme canadien, s’adapte le gouvernement Libéral fédéral, la CAQ, avec le PQ qui se prépare à prendre le relais, s’enlisent dans un trumpisme soft pervertissant à droite-toute un nationalisme qui a historiquement été progressiste depuis la Révolution tranquille. Qu’on y songe, la cause indépendantiste risque d’y périr corps et âme que ce soit à la suite de l’effondrement du bluff péquiste ou de sa troisième et dernière prise référendaire, ou pire encore, d’une improbable victoire d’un Québec indépendant réduit à une satrapie à la remorque du trumpisme.
Urgentes, certes, sont les luttes socio-économiques pour le logement et contre la vie chère tout comme l’impérieuse nécessité des luttes démocratiques contre le néofascisme anti-immigrant et anti-autochtone et ses guerres génocidaires. Ce n’est pas une excuse, ce que souhaitent patronat et gouvernements, pour balayer à l’arrière-scène l’impérieuse lutte écologique dont celle climatique, contradiction centrale du XXIe siècle. Elles doivent au contraire concrètement s’y articuler comme le propose ce programme de combat « Pour une société du soin et du lien en décroissance matérielle ». Ce programme en devient la lumière au bout du tunnel qui galvanise ces dures luttes défensives contre une droite qui perd toute retenue humaniste sous prétexte d’ultra-nationalisme, antichambre du fascisme, comme alternative suicidaire au néolibéralisme « austoritaire ».
La proposition de programme Solidaire à adopter au congrès du début novembre tente de noyer le poisson de la centralité de la crise climatique devenue la crise de la civilisation et même celle existentielle de l’humanité. Il s’affiche par son style technocratique et sa longueur comme programme de gouvernement, bien lointain, et non de combat. D’importants amendements concernant la décroissance et la socialisation viendront peut-être atténuer l’affaire mais sans changer la donne. D’autant plus que ces amendements sont ambigus. La décroissance y est présentée comme générale et non seulement matérielle mais sans lien avec une critique de la consommation de masse dont les piliers sont la « villa campagnarde » et l’auto solo. Le rapport avec la transformation de l’agriculture est absent. Aucune connexion n’est faite avec l’écoféministe société du soin et du lien. La différence entre socialisation et nationalisation reste floue surtout eu égard à la proposition principale.
Marc Bonhomme, 25 octobre 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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