1. Sous son apparence tautologique, la première phrase — « Nous vivons une crise sociale et écologique qui ne se limite pas au très grave problème du dérèglement du climat », comme le restant du « programme actualisé », tente de noyer le poisson de la centralité de la crise climatique devenue la crise de la civilisation et même celle existentielle de l’humanité.
- a. Le gaz carbonique (CO2) croît à un taux croissant avec des records annuels en 2023 et 2024. On est très loin d’une stabilisation même pas d’une croissance à un taux décroissant.
- b. Seules les statistiques mesurant les GES directement dans l’atmosphère sont fiables (la courbe de Keeling) et non pas celles provenant des sources terrestres, soit celles officielles de l’ONU, qui ne tiennent pas compte des feux de forêt soi-disant relevant de causes naturelles. En 2023, les émissions de GES dues aux feux de forêts au Canada « ont été quatre fois plus élevées que les émissions de combustibles fossiles du pays l’année précédente » (RadioCanada). Quant aux statistiques officielles de GES, celles provenant des entreprises ne sont généralement pas contrôlées.
2. La solution anticapitaliste (« dépasser le capitalisme » du « programme actualisé ») à la crise climatique est holistique dans le sens de prendre en compte l’ensemble de la « pluricrise ». En mode anticapitaliste, la justice climatique se conjugue avec la justice sociale.
- a. La crise du logement, qui est aussi partie prenante de celle de cherté du coût de la vie, se résout par la construction massive de collectifs logements sociaux écoénergétiques, c’est-à-dire nécessitant peu d’énergie et même aucune avec panneaux solaires, et par la mise à niveau écoénergétique des bâtiments déjà construits et récupérables.
- b. La crise du transport (ou mobilité), aussi partie prenante de celle de la cherté du coût de la vie, se résout par le remplacement de l’auto solo par le transport actif et en commun dans le réseau routier tel qu’il est et non par de dispendieux métros et trains aériens (REM) et encore moins par l’auto solo électrique.
- c. La crise alimentaire, aussi partie prenante de celle de la cherté du coût de la vie, se résout par le passage à l’alimentation végétarienne
- qui réduit drastiquement la surface cultivée et par là l’importante émanation de GES, sans compter les zoonoses, due à la production carnée et laitière.
- d. La crise forestière se résout par l’intégration décisionnelle des peuples autochtones, des régions et des travailleur-se-s dans la gestion de la forêt aux dépens du pillage par l’industrie forestière.
- e. La crise budgétaire, plus fictive que réelle, se résout en allant puiser l’argent dans les paradis fiscaux et les poches des multimillionnaires, et par le contrôle des changes.
- f. La crise nationale et linguistique se résout par l’indépendance pour que le peuple québécois se libère du Canada gazier-pétrolier et puisse prendre le contrôle de son épargne nationale afin d’empêcher les « grands projets » extractivistes, fédéraux comme provinciaux, et financer la transition écologique.
- g. La crise fabriquée de l’immigration se résout par une politique d’accueil intégrant ces « travailleuses et travailleurs essentiell-e-s » dans une société donnant la priorité aux relativement peu énergivores services publics dont les transports publics et la construction de logements sociaux.
- h. La crise de la démocratie réduisant le rôle du gouvernement à la « bonne gouvernance » se résout par l’émergence d’un parti et d’une société civile luttant pour une société écoféministe du soin et du lien qui doit « dépasser le capitalisme » et doit être autogérée pour pleinement se réaliser.
3. Le « programme actualisé » ne vise pas par son style de belles phrases peu compromettantes et par sa longueur la mobilisation immédiate du peupletravailleur. Il semble plutôt tracer les grandes lignes de l’orientation d’un éventuel gouvernement Solidaire dont l’horizon apparaît bien lointain. De par leur longueur — une centaine de pages — et par la complexité du système de numération des propositions, les documents pour le congrès de novembre sont rébarbatifs à la militance Solidaire.
Un programme long et sirupeux à remplacer par un appel court et mobilisateur
Voici à quoi pourrait ressembler un programme qui soit un appel mobilisateur centré sur la lutte climatique :
Pour une société du soin et du lien en décroissance matérielle
La crise fondamentale du XXIe siècle est la rupture des grands équilibres de l’écosystème terrestre. Cette rupture se manifeste principalement par la rapide fuite en avant du réchauffement de la Terre-Mère d’un confortable Holocène qui a vu l’émergence de la civilisation vers une terre-étuve chaotique qui la fera disparaître et peut-être l’Humanité elle-même. Cette fin du monde dit civilisé, si la tendance se maintient, a été prouvée tant par les travaux scientifiques du GIECONU que par la multiplication des réellement existantes catastrophes climatiques incommensurablement plus graves au Sud qu’au Nord. Le réchauffement se conjugue et accélère la sixième grande extinction des espèces dont les habitats disparaissent comme une peau de chagrin. Et il envenime une continuelle pollution de l’air, des eaux et des terres.
Le GIEC a établi que pour ne pas dépasser le seuil critique d’un réchauffement planétaire de 1.5°C, il faudrait réduire les gaz à effet de serre (GES) de 50% par rapport à 1990 d’ici 2030. La Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992 stipule qu’« étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l’environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées ». Se basant sur les travaux du GIEC et cette Déclaration, à l’occasion de la COP26 de Glasgow, le Réseau action climat Canada, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Équiterre, Greenpeace, Nature-Québec, la Fondation David Suzuki et Oxfam-Québec ont requis que le Québec réduise ses GES des deux tiers d’ici 2030. Le seuil de 1.5°C est déjà en passe d’être atteint. Pourtant le gaz carbonique atmosphérique continue de s’accumuler. Pire, il le fait, selon la NOAA, en quantité annuelle moyenne croissante depuis au moins 1960, avec deux records annuels en 2023 et 2024. L’urgence climatique est d’autant plus grande pour ne pas franchir de fatidiques points de bascule.
Le croissancisme du Capitalocène génère une pluricrise menant au néofascisme
La présente ère géologique, irrémédiablement chamboulée par le genre humain, est souvent qualifiée d’Anthropocène. Elle pourrait tout aussi bien être qualifiée de Capitalocène tellement la croissance capitaliste en est la cause fondamentale. Cette croissance résulte de la compétition entre entreprises privées et États à leur service pour maximiser leurs profits afin de survivre comme entreprises ou de ne pas être vaincus comme États. En découle une accumulation de capital tendanciellement exponentielle donnant naissance à des transnationales gargantuesques dirigées par des oligarques. Cette concentration de la richesse et du pouvoir explique que les 10% les plus riches sont responsables des deux tiers du réchauffement global depuis 1990.
Cette accumulation est interrompue par des crises de plus en plus profondes et des guerres impérialistes de plus en plus dévastatrices et devenant génocidaires. Ces crises dite « pluricrise », guerres et accumulation en panne empêchent la mobilisation de la lutte pour le climat et la biodiversité tellement elles résultent en misère, inégalité, chômage, précarité, injustice, dislocation sociale et massacres. En sont d’abord frappées femmes, enfants et personnes racisées, handicapées et LGBTQ+. Faute d’alternatives et de mobilisations anticapitalistes à la hauteur ces personnes opprimées deviennent les boucs émissaires des classes moyenne et même ouvrière atomisées, désemparées et décontenancées.
C’est de ce terreau nauséabond que surgissent les fausses solutions néofascistes balayant le capitalisme néolibéral victime de ses propres contradictions. Celles-ci sont devenues évidentes avec l’austérité permanente et la concomitante accentuation répressive et guerrière depuis la Grande récession de 2008 suivie de la crise pandémique de 2020.
Les piliers de la lutte pour la justice climatique et pour la justice sociale
- La réponse à l’hégémonie pétro-gazière du Canada et à son Quebec bashing c’est l’indépendance nationale tenant compte du droit à l’autodétermination autochtone.
- La réponse à la crise du logement c’est le collectif logement social écoénergétique pour tout le monde et pas seulement pour les pauvres.
- La réponse aux logements déficients c’est leur rapide mise à niveau écoénergétique par un programme public selon un code du logement tendant à l’énergie zéro.
- La réponse à la crise de la mobilité c’est le transport en commun gratuit, partout, fréquent, confortable et électrique, et un complément d’autopartage communautaire.
- La réponse aux transport marchand c’est la souveraineté alimentaire, les trajets courts, la sobriété et la durabilité de la consommation et le transport électrifié par rail.
- La réponse au gaspillage c’est la garantie de la réparation accessible ou du remplacement, du bannissement de la publicité et de la mode commerciale.
- La réponse à la ville infernale et dangereuse c’est la ville piétonnière et cyclable, de services de proximité, d’agriculture urbaine et de parcs nature.
- La réponse à l’étalement et à la congestion urbains envahissant la campagne c’est l’interdiction de l’auto solo privé et de la maison « campagnarde ».
- La réponse à la crise de l’embonpoint c’est l’alimentation surtout végétarienne cultivée biologiquement et disponible en produits frais et peu transformés.
- La réponse aux croissantes pandémies dues au zoonoses c’est la préservation des forêts et zones humides d’où en finir avec l’expansive agriculture carnée.
- La réponse aux monocultures de l’agro-industrie épuisant les sols c’est l’agriculture biologique sans additifs d’origine fossile et liée à l’urbain par des trajets courts.
- La réponse à la mauvaise santé et au stress sont le plein emploi, le contrôle ouvrier des cadences, la baisse du temps de travail, le revenu et services minimum garantis.
- La réponse à l’inflation c’est la totalité de la société du soin et du lien, le contrôle des loyers et des prix des aliments de base, et la gratuité de l’électricité de base.
- La réponse à l’austérité des services publics c’est leur ample bonification quantitative et qualitative et la resocialisation des pans privatisés.
- La réponse aux hydrocarbures et à l’énergivore croissance c’est la sobriété inhérente à la société du soin et lien et l’électrification de l’énergie et des moteurs.
- La réponse à la fausse pénurie d’électricité c’est la suffisante actuelle production hydraulique et éolienne plus du solaire intégré aux bâtiments écoénergétiques.
- La réponse au financement d’une société écologique c’est son implicite bon marché, la socialisation de la Finance et l’imposition des profits et du capital.
- La réponse à la résistance du « marché » c’est l’expropriation des secteurs stratégiques tels la Finance, l’énergie, les communications, le transport, la santé.
- La réponse aux divisifs sexisme et racisme c’est l’écoféminisme donnant la priorité aux activités du soin et du lien et aux travaux essentiels des personnes racisées.
- La réponse à l’impérialisme génocidaire, c’est le soutien aux peuples en lutte pour leur libération par tous les moyens nécessaires y compris par les armes s’il le faut.
- La réponse aux migrations c’est une frontière ouverte avec une politique d’accueil intégrant au sein d’une société de plein emploi écologique et socialement utile.
Marc Bonhomme, 27 septembre 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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