Édition du 9 avril 2024

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Europe

Attentats de Paris

"C'est un changement de cap radical dont ce pays a besoin !"

Si l’on peut comprendre et partager l’émotion collective et l’ampleur des mobilisations citoyennes qui ont suivi ces attentats, il appartient aussi à la communauté des chercheurs et des enseignants de conduire une réflexion approfondie sur les ressorts sociaux et politiques d’un tel événement, sur ses effets et sur notre manière d’y répondre. Une fois la sidération passée, il revient à l’esprit critique de reprendre ses droits.

Quelques semaines après ces terribles événements, il apparaît en effet que le gouvernement a opté pour une réponse principalement policière et militaire. Le SNESUP-FSU dénonce cette illusion sécuritaire, dont les premières victimes sont précisément les libertés fondamentales prises pour cibles par le terrorisme. Il tient à rappeler que les attentats à Paris, loin d’un prétendu « choc des civilisations », ne sont pas le fait d’acteurs extérieurs à notre société. Ce terrorisme djihadiste s’est nourri de l’oppression exercée par les dictatures du Maghreb (Tunisie, Libye) et du Proche Orient (Égypte, Syrie, Irak) contre leurs peuples d’une part, des projets géopolitiques et idéologiques de certains États musulmans (notamment l’Arabie saoudite et le Qatar), alliés à la France et aux autres pays membres de l’OTAN d’autre part, et enfin de la situation insupportable de colonisation et de perte de droits les plus élémentaires infligée à la population palestinienne. Il prend probablement naissance dans le champ de ruines laissé par les guerres lancées en Irak, en Afghanistan et en Libye depuis quinze ans par les alliés occidentaux de la France et la France elle-même.


Mais il est également d’autres champs de ruines qui lui ont servi de terreau : celui des prisons, réponse répressive qui a été préférée aux politiques de prévention de la petite délinquance, celui des espaces de relégation, dans lesquels on a confiné la misère. La ségrégation sociale et ethnique qui accompagne l’explosion des inégalités économiques, culturelles, scolaires, procède directement du tournant néolibéral pris il y a plus de trente ans et poursuivi par tous les gouvernements qui se sont succédé. À la marginalisation et à la stigmatisation des quartiers populaires, s’ajoutent l’appauvrissement des services publics, le chômage de masse, la précarité de l’emploi et du logement, autant de problèmes sociaux aggravés par la crise financière qui s’est ouverte en 2008 et par les politiques d’austérité dont on mesure quotidiennement l’inefficacité et les effets désastreux.

Les perspectives d’emploi s’obscurcissent pour des millions de concitoyens, la pauvreté sous toutes ses formes s’étend, quand au même moment la richesse des plus fortunés atteint des sommets et quand la criminalité en col blanc des élites bénéficie de la plus grande indulgence. Même la promesse d’égalité des droits que représente le droit de vote des étrangers aux élections locales n’a pas été tenue. Seuls la compétitivité, l’innovation et l’esprit d’entreprise, comme l’illustre à nouveau la loi Macron, semblent prévaloir contre toute autre préoccupation, si ce n’est aujourd’hui la sécurité de nos concitoyens, non pas même sociale mais seulement physique.


Les clivages sociaux ainsi engendrés par le creusement des inégalités se traduisent par un renforcement des logiques communautaires et des idéologies identitaires sur lesquelles prospèrent les forces réactionnaires et les extrêmes droites populistes. Autrement dit, la question cruciale de la laïcité et des libertés fondamentales ne peut être dissociée de la question sociale, laquelle porte des enjeux éminemment politiques relatifs aux principes d’organisation de notre société et aux valeurs de liberté et de solidarité. Quel projet voulons-nous partager ? Alors que le capitalisme néolibéral a refermé le champ des possibles, n’offrant comme alternative que la compétition et la consommation, il nous appartient d’ouvrir des perspectives de bien-être collectif et d’épanouissement personnel qui fassent pièce à l’obscurantisme et au néo-conservatisme en plein essor.
 
SNESUP-FSU
Janvier 2016
http://www.snesup.fr/Articles-recents?aid=7202&ptid=5

Syndicat national de l’enseignement supérieur

Une fédération syndicale membre de la Fédération Syndicale Unitaire (FSU-France).

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