Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

Ce que les Démocrates devraient apprendre du maintien du droit à l’avortement au Kansas Mais qu’ils ne feront probablement pas

Cette victoire électorale, qui confirme la protection du droit à l’avortement dans la constitution du Kansas, est un rejet clair du programme de l’extrême droite républicaine. On peut la célébrer !

Natasha Lennard, The Intercept, 4 août 2022
Traduction, Alexandra Cyr

Les enjeux ne pouvaient être plus graves. C’est aussi un rappel de ce que les militants.es en première ligne de cette bataille savent depuis longtemps : l’interdiction du droit à l’avortement n’est populaire qu’auprès des très puissants.es extrémistes fascistes judéo-chrétiens.nes.

Le Parti républicain s’est dit à l’aise avec la défaite de la voie minoritaire de l’extrême droite, c’est ce qu’il privilégie. Donc la victoire au Kansas ne lui fera pas changer ses priorités. Il va continuer à promouvoir son programme nataliste de la suprématie d’extrême droite blanche, en supprimant l’autonomie personnelle des femmes enceintes. Les Répiblicains.es ne tireront aucune leçon des résultats du référendum au Kansas.

C’est la direction démocrate qui devrait apprendre de cette victoire au Kansas. Le résultat de ce référendum est aussi, après tout, un rejet du refus des soit disant centristes du Parti accrochés.es à leurs principes qui ont empêché l’adoption de protections du droit à l’avortement dans tout le pays et mis de côté une justice plus forte pour défendre les droits reproductifs.
Les Démocrates ne doivent pas se contenter de ne pas être les Républicains.es

L’aile démocrate dite modérée, a toujours méprisé l’aile progressiste du Parti et les efforts de la gauche en général en disant qu’elles sont trop éloignés de ce que veulent les citoyens.nes américains.es de la moyenne comme le veut une véritable mythologie.

Dans la foulée du jugement de la Cour suprême dans la cause Dobbs c. Jackson qui a annulé les droits constitutionnels à l’avortement, la Maison blanche a réagi en déclarant que les appels à une loi fédérale qui protégerait ces droits était de l’extrémisme. La directrice des communications de la Maison blanche à l’époque, Mme Bedingfield, a précisé : « L’objectif de M. J. Biden en réponse à (ce jugement), n’est pas de satisfaire quelques activistes qui n’ont jamais été en phase avec le courant dominant du Parti démocrate ».

En faire un enjeu électoral, telle a été la position de la direction du Parti. À Washington, elle a travaillé avec l’hypothèse que de soutenir des candidats.es qui sont contre l’avortement, était un moyen de gagner des sièges dans les États républicains. Après la fuite du brouillon de la décision de la Cour suprême, Mme N. Pelosi la présidente de la Chambre des représentants et M. Jim Clyburn, whip de la majorité à cette chambre, ont persisté à soutenir le représentant le plus opposé à l’avortement, Henry Cuellar, plutôt que son adversaire progressiste.

Donc, les Démocrates y compris M. J. Biden, ont judicieusement répondu à la victoire au Kansas en faisant des droits à l’avortement un enjeu électoral pour l’élection de mi-mandat (en novembre prochain.N.d.t.). Le Président Biden a déclaré mercredi : « Le tribunal a pratiquement obligé toutes les femmes du pays à se rendre aux urnes pour que le droit du choix soit restauré ».

Comme les plans des Républicains.es pour faire adopter une loi bannissant les droits à l’avortement dans tout le pays sont clairs, la participation au vote devient cruciale. Il ne faut pas que ce Parti gagne la majorité dans les deux chambres du Congrès en novembre. Mais les Démocrates doivent faire plus que de ne pas être des Républicains.es.

Les Démocrates libéraux, au discours suspect, ne nous ont pas convaincus.es de voter en leur faveur. Allons-nous oublier que la direction de ce Parti a donné la priorité au financement de la police, n’a jamais soutenu les droits les plus basiques, et laissé ceux et celles qui les ont portés au pouvoir s’enrichir sans entrave.

La victoire au Kansas nous montre que l’action à la base est une condition sine qua non pour défaire les nationalistes tenant de la suprématie blanche. Ce n’est surement pas le travail de l’establishment du Parti qui y est arrivé. Les militants.es sur le terrain ont travaillé jour et nuit pour alerter les électeurs.trices des conditions de vote, faire des campagnes de financement, allez chercher le soutien nécessaire, et contrer les lourdes manipulations républicaines. (Le texte mis aux voix était confondant et en plus le vote avait lieu le même jour que les Primaires républicaines).

Au lieu de prendre l’approche terrain, les Démocrates centristes ont été trop heureux.ses de faire des compromis avec l’extrême droite. Délibérément, au nom de la « moyenne américaine » des mesures populaires comme les soins de santé universels, les protections contre le climat, l’effacement des dettes étudiantes et la hausse du salaire minimum, parmi d’autres mesures, ont été sacrifiées sur l’autel bi partisan en cédant aux exigences (des élus.es qui refusent ces mesures) et jurant fidélité à des institutions moribondes.
Il est clair que ce manque d’imagination repose sur la mythologie de « l’Américain moyen » toujours décrit comme blanc, et de droite. Chez l’establishment du Parti, cette image a toujours eu préséance sur les Noirs.es, les Amérindiens.nes et les autres personnes de couleur aussi bien que les personnes transgenres et non binaires. Cet électorat, a toujours été pris pour acquis : il allait voter en faveur des Démocrates de toute façon.

Je ne suis pas en train de dire que les luttes pour la justice raciale, sociale, économique et pour les droits des personnes LGBTQ+ bénéficient du même soutien populaire que celui en faveur de la protection des droits à l’accès à l’avortement. Même s’ils sont fortement entre mêlés à lutte pour une véritable justice en matière de reproduction. Malheureusement, les résultats du référendum au Kansas, ne changeront pas profondément les positions de la direction démocrate ni celles des grands médias libéraux ; ils vont tous rester accrochés à leur ancrage habituel : la fausse hypothèse qui veut que le pouvoir se trouve au centre avec une progression plus importante vers les fascistes de droite.

Toutefois, l’expérience Du Kansas peut peut-être pousser le Parti démocrate à mettre un peu plus d’ardeur dans la campagne en faveur de l’avortement. Ce serait un petit effet de cette victoire.

En attendant, c’est un rappel pour nous tous et toutes que le nombre peut mener au pouvoir.

Natasha Lennard

Natasha Lennard (Londres, 1986) est une écrivaine et une journaliste vivant à New York. Son travail a été publié entre autres dans le New York Times, Nation, Esquire, Vice, Salon, The Intercept et le New Inquiry. Elle enseigne le journalisme critique à la New School For Social Research de New York.

Elle est co-auteure avec Brad Evans du livre Violence : Humans in Dark Times (City Lights, 2018) et l’auteure de Being Numerous : Essays on Non-fascist Life (Verso, 2019).

http://www.tlaxcala-int.org/biographie.asp?ref_aut=7219&lg_pp=fr

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : États-Unis

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...