Édition du 16 avril 2024

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Amérique latine

Chili : la dernière ligne droite avant les élections

Le dimanche 17 novembre prochain les Chiliens seront appelés à élire leur nouveau Président (ou nouvelle Présidente). En même temps, ils devront élire les députés, renouveler la moitié du Sénat et désigner les conseillers régionaux. Quatre bulletins à marquer sans commettre d’erreur...

Les récentes modifications à la Loi électorale permettent d’élire pour la première fois des conseillers régionaux. Dans un pays centralisé où un tiers de la poulation vit à Santiago, la capitale, c’est déjà un succès important. D’autre part, l’inscription sur les listes électorales est à présent automatique et le vote volontaire alors qu’il était obligatoire avant mais suite à une inscription volontaire.

Le scrutin principal sera l’élection du (de la) Président(e). Le résultat de cette élection influencera sans aucun doute les résultats des législatives.

Pour l’élection présidentielle, neuf candidat(e)s se présentent, ce qui constitue une première. Pour se présenter, un(e) candidat(e) doit être soutenu(e) par un parti politique ou, pour le cas des indépendants, avoir recueilli 35.000 signatures de citoyens.

Les deux "poids lourds" sont Michelle Bachelet, Présidente de 2006 à 2010 et soutenue par une constellations de partis depuis la démocratie chrétienne jusqu’au PC en passant par le PS et Evelyn Matthei, soutenue par les partis de droite de l’actuel gouvernement. Les "outsiders" sont Franco Parisi, indépendant de tendance droite, Marco Enriquez-Ominami ou "MEO" du Parti Progressiste (gauche) et Marcel Claude, indépendant de gauche radicale. Les autres candidat(e)s sont Ricardo Israël du Parti Régionaliste (ex démocrate chrétien), Roxana Miranda du Parti Igualdad (Egalité), très à gauche, Alfredo Sfer du Parti Ecolo et Tomás Jocelyn-Holt, indépendant de centre-droite. Ces derniers, selon les sondages, ne devraient recueillir que 1 à 2 % des voix chacun.

A remarquer : quatre sont économistes (Matthei, Claude, Parisi et Sfer), Israël et Jocelyn-Holt sont avocats, Bachelet est pédiatre de formation, MEO est philosophe et réalisateur de cinéma et Roxana est couturière. 

Les grands thèmes de la campagne sont : l’éducation, la réforme fiscale, une nouvelle Constitution, le système des retraites.

Tous les candidats, sauf ceux de droite, s’engagent à rendre l’éducation gratuite à tous les niveaux. Il faut savoir que les collèges et universités privés foisonnent, avec des droits d’inscription très élevés et des résultats catastrophiques. Il n’est pas rare qu’un étudiant d’université négocie ses notes avec les professeurs. Le Chili est montré du doigt par les organismes internationaux comparant les niveaux d’éducation.

Le système de retraites financé depuis 1982, en pleine dictature, au travers des fonds de pension a révélé ses limites dans le sens où la pension moyenne est de 175.000 pesos (260 euros) par mois alors que, lors de la création du système, les "Chicago boys" promettaient au moins 70% du dernier salaire. Le salaire moyen actuel est de l’ordre de 350.000 pesos. Certains (Claude, Roxana, Sfer) veulent revenir à un système par répartition. D’autres (Bachelet, Israël, Jocelyn-Holt, MEO) souhaitent une formule mixte. La droite ne désire aucun changement.

Une réforme fiscale permettant une progressivité de l’impôt et la suppression de niches fiscales est défendue par tous, sauf Matthei.

Tous, sauf la droite, veulent réformer la Constitution de 1980 (de Pinochet), soit au travers d’une assemblée constituante, soit par les voies parlementaires si cela est possible après les élections.

 En effet, le système bi-nominal, imposé par la Constitution de 1980, en pleine dictature, fait qu’une minorité de 35% est égale à une majorité de 65% et donne droit à un élu ! Si une majorité spéciale de 3/4 des élus partisans d’une nouvelle Constitution ne se dégage pas des élections législatives, il sera impossible de modifier la Constitution via les voies parlementaires, par obstruction de la droite.

Le pacte "Nouvelle Majorité" de Michelle Bachelet espère réussir ce pari d’obtenir les 3/4 des sièges à la Chambre des députés et au Sénat mais c’est loin d’être garanti.

Selon les sondages, Bachelet devrait être élue au premier tour grâce à une mobilisation importante de ses partisans par rapport à la droite qui est à la fois divisée et démobilisée. Cela devrait avoir un impact important sur les résutats des législatives.

Le désir de changements importants du modèle économique et politique du pays est tel que les manifestations d’étudiants pour l’éducation gratuite et de travailleurs réclamant des réformes au code du travail et de meilleures conditions de salaires se succèdent dans tout le pays. Après les grêves des postiers, ce sont les éboueurs et les fonctionnaires municipaux qui ont débraillé mettant le gouvernement de droite dans l’embarras à 10 jours des élections.

Il faut espérer que Michelle Bachelet mettra en place, dès les premiers mois de son mandat, des réformes profondes, répondant aux aspirations de la majorité des citoyens et non des réformettes pour plaire au patronat. Si c’était cette dernière option, elle devrait affronter une fronde populaire importante à la mesure des espoirs déçus. Espérons que les promesses de campagne soient respectées...

Georges Dieu

Blogueur sur le site de Mediapart.

http://blogs.mediapart.fr/blog/georges-dieu/

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