Par Bleck D Desroses /christopher.bleckedward@gmail.com
Après l’Ukraine, c’est Haïti qui refait surface dans l’actualité internationale la semaine dernière. Dans les médias nord-américains, latino-américains et caribéens, ce PMA de l’hémisphère occidental est en gros plan. Malheureusement, ce n’est pas pour un accomplissement sublime comme la geste de 1804. Mais parce qu’il offre le spectacle hideux de la guerre civile alimentée par les secteurs mafieux internes et externes.
Depuis le vendredi 8 juillet, des groupes armés s’affrontent à Cité Soleil provoquant un fleuve de sang. Dans ce bidonville de plus de 300 000 habitants, les affrontements ont déjà fait plus de 200 morts selon certaines organisations des droits humains. Et la population, clouée à la maison pour éviter des balles perdues, n’a pas accès à la nourriture, l’eau potable et les médicaments. Elle est menacée d’une grave crise humanitaire. Quels sont les dessous cette guerre entre les bandes armées rivales ?
Les forces en présence
La guerre à Cité Soleil (nord de Port-au-Prince) met en présence deux bandes rivales. Le G9, réputé proche du pouvoir, dont le chef est Jimmy Cherizier dit Barbecue et le G-pèp de Tigabriel (Petit Gabriel). Ces bandes s’affrontent pour le contrôle du plus grand bidonville du pays.
Le mode opératoire
Le G9 et le G-pèp rivalisent en cruauté et en barbarie. Ces deux bandes se livrent à des actions sanguinaires qui consistent à tuer l’ennemi, le décapiter avant de brûler son corps par les flammes. Sur leur chemin, elles brûlent des maisonnettes, violent les fillettes et les femmes, et pillent les entreprises privées.
Les dessous de cette guerre
La guerre à Cité Soleil est loin d’être une simple lutte entre deux bandes rivales ayant des approches et des conceptions différentes de la criminalité. Il s’agit d’une vraie bataille avec des enjeux politiques de taille. À propos de cette guerre, il y a, à mon avis, cinq scénarios possibles :
• Une lutte pour le contrôle sans partage de l’espace afin de s’ériger en principal négociateur face à l’État et au secteur privé ayant des investissements (E-Power S.A) dans la zone. Car, c’est à Cité Soleil que se situe le Terminal pétrolier (Terminal Varreux) qui alimente Port-au-Prince et tout le nord d’Haïti.
• Un jeu vilain de la mafia économique pour augmenter les profits sur le carburant et aggraver les conditions de vie de la population. Car, le blocage des voies de transport du Terminal pétrolier de Varreux au centre-ville provoque une rareté artificielle du carburant. Ce qui fait exploser le prix du gallon d’essence sur le marché parallèle.
• Une bataille politique pour le contrôle du plus grand bidonville en perspective des prochaines élections communales, législatives et présidentielles. Car depuis plus d’une dizaine d’années, les élections en Haïti se transforment en une véritable guerre sans merci où c’est le candidat ayant l’arsenal militaire le plus lourd qui gagne au mépris des règles du jeu démocratique. Sans légitimité populaire, il est contesté bien avant sa prestation de serment.
• Une stratégie pour faire régner la peur dans la zone afin d’éviter un soulèvement populaire contre le pouvoir de facto en place qui ne parvient pas, après un an, à résoudre les problèmes de l’insécurité, de la dévaluation de gourde et de la vie chère. Car, dans l’optique du pouvoir en Haïti, les ceinturons de misère-où s’entassent les masses dans des conditions abjectes-représentent une bombe sociale à retardement qu’il faut à tout prix mettre sous contrôle. Son explosion pourra entrainer la fin de la bamboche politique comme il en a été en Skri Lanka le 9 juillet dernier.
• Une diversion des grandes puissances notamment des États-Unis pour détourner les yeux de la population sur le pillage des richesses du sous-sol haïtien et transformer la première république noire en ‘’ pupille de l’humanité ‘’de sorte à empêcher l’émergence d’un nouveau paradigme dans les relations internationales, le réveil des nations latino-américaines comme il en avait été au début du XIXe siècle pour l’empire hispano-portugais conséquemment à la révolution haïtienne de 1804.
La guerre à Cité Soleil symbolise l’échec de la communauté internationale et des missions de paix et de stabilisation des Nations-Unies en Haïti. Elle montre l’impuissance de l’État haïtien qui ne dispose plus le monopole de la contrainte légale. Elle traduit, par ailleurs, l’échec de la politique rétrograde appliquée par les différents gouvernements depuis plus de 200 ans mais aussi de l’incapacité des élites à impacter positivement sur le système afin de l’orienter le pays vers la modernité.
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