Édition du 30 avril 2024

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Climat : Québec doit mettre les bouchées doubles

Suite à la publication du Bilan du plan d’action de lutte aux changements climatiques 2006-2012 du Québec (PACC 2006-2012)[1], Greenpeace et l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) ont interpellé le gouvernement du Québec pour qu’il accélère la mise en place de mesures permettant de réduire notre dépendance au pétrole et au gaz.

L’auteur est de Greenpeace Canada.

Québec chanceux d’atteindre sa cible en 2012

À la lecture du bilan, nous avons constaté que le Québec a fait des pas dans la bonne direction, mais qu’une importante portion des réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec est le fruit du ralentissement économique. L’action du Québec a permis de réduire les émissions, mais n’eût été de la fermeture et ralentissement de certaines industries, le Québec aurait raté sa cible (il visait à réduire de 6% les émissions de 2012 par rapport à l’année 1990)*. Comptons nous également chanceux que la population se soit mobilisée pour bloquer des projets comme le Suroit ou les gaz de schiste qui auraient alourdi notre bilan !

Plus de transparence, mais 465 millions non dépensés…

Au-delà d’une nette amélioration en matière de transparence et d’amélioration de la reddition de comptes par le gouvernement du Québec, nous avons constaté d’importants retards dans la mise en œuvre de certaines mesures et dans les investissements. Par exemple, 465 millions de dollars budgétés n’avaient pas été dépensés au 31 mars 2013, et ce, au moment où la crise climatique exige des mesures supplémentaires immédiates.

Des réductions moins grandes que prévu

Selon le bilan, le PACC 2006-2012 a permis d’officiellement réduire les émissions de la province de 2,2 millions de tonnes (Mt) alors que le gouvernement prévoyait qu’il les réduirait de 14,6 Mt**. Cette différence majeure démontre, entre autres, toute la complexité de prévoir les émissions futures ainsi que l’efficacité des différentes mesures envisagées dans la lutte aux changements climatiques.

Québec doit désormais mettre les bouchées doubles

Selon André Bélisle de l’AQLPA « On est loin de Kyoto et pour le -20 % en 2020 il y aura beaucoup de travail à faire considérant les projets comme la cimenterie de Port-Daniel et les projets d’exploitation gazière et pétrolière qui à eux seuls annuleraient les réductions obtenues. »

Pour nous, il est clair que le Québec devra mettre les bouchées doubles s’il souhaite atteindre sa cible pour 2020 sans devoir acheter massivement des crédits d’émissions à l’étranger. Le gouvernement n’a actuellement aucun plan crédible pour atteindre cette cible et réduire notre dépendance au pétrole et au gaz. Pourtant, des organisations comme l’ONU et l’Agence internationales de l’énergie sont catégoriques : plus nous tardons à nous libérer des combustibles fossiles, plus il sera couteux de préserver le climat planétaire. Québec doit passer à la vitesse supérieure, d’autant plus que le fédéral a abandonné la lutte aux changements climatiques et n’a d’yeux que pour l’expansion des sables bitumineux et les projets de pipelines.

Grand besoin d’un plan pour se libérer rapidement du pétrole et du gaz

Il est évident que le Québec doit rapidement bonifier son Plan d’action de lutte aux changements climatiques 2013-2020. Ce dernier devra s’attaquer en priorité aux émissions en provenance du transport. Il devra favoriser l’amélioration des transports collectifs et l’électrification des transports en plus de mettre en place des règlementations comme les normes d’émissions des véhicules et des programmes bonus-malus et d’inspection des véhicules qui favorisent l’efficacité énergétique.

Les mesures structurantes, comme l’augmentation de l’offre de transport en commun ou l’électrification des transports, sont longues à mettre en place, mais donneront en fin de compte des résultats tangibles pendant des décennies. Au-delà des mesures incitatives et éducatives, le gouvernement devra également instaurer des mesures coercitives, entre autres, pour limiter l’étalement urbain et l’utilisation de l’auto-solo là où les alternatives existent.

Bref, il y a une panoplie d’actions à mettre en place, la plupart étant déjà connues. Espérons que le gouvernement pèsera sur l’accélérateur pour réduire nos émissions et non pour accélérer la crise climatique…

 
 
*Les organismes rappellent que la cible de réduction des émissions de GES du Québec, - 6% sous les niveaux de 1990 pour l’année 2012, ne correspondait pas à l’atteinte des objectifs de Kyoto qui commandait l’atteinte du -6% pour l’année 2008 et le maintient de ce niveau jusqu’en 2012.

** Loin d’égaler 14,9 Mt, les réductions réelles sont toutefois supérieures à 2,2 Mt, mais pour diverses raisons (données non disponibles, difficulté à isoler l’impact de la mesure, disproportion entre l’effort requis pour la quantification et l’ampleur de la mesure, réductions qui seront obtenues à long terme, mesure de recherche et développement, de sensibilisation ou de formation, etc.) le gouvernement chiffre les réductions à 2,159 Mt de GES dans son bilan.

Note

[1] Disponible au http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/changementsclimatiques/bilan.htm

Patrick Bonin

Blogueur pour Greenpeace Canada. Il est aussi responsable de la campagne énergie-climat pour l’organisme.

http://www.greenpeace.org/canada/fr/

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