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Demeurons convaincues que nous avons le pouvoir de changer le monde !

Publié le 2 mars 2016 | tiré du site https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com

Politiques sexistes, antiféminisme, mythe de l’égalité-déjà-atteinte… « Il est urgent que les femmes redeviennent dangereuses et tonitruantes » (Hélène Pedneault citée par l’auteure)

« C’est ainsi que le Manuel de résistance féministe vous invite, d’une façon ludique et parfois grinçante, à revisiter les concepts de base du féminisme, à une lecture féministe de l’Histoire ainsi qu’à observer les mécanismes à l’oeuvre dans la reproduction des inégalités : patriarcat, sexisme, stéréotypes sexuels, antiféminisme et stratégies de tout acabit pour miner les avancées des femmes. Mais surtout, à déboulonner quelques mythes qui ont la vie dure ».

Dans la première partie, Marie-Eve Surprenant traite de « La persistance des inégalités », dans la seconde « Les mythes à l’épreuve des faits » et enfin dans la dernière « Le féminisme, plus nécessaire que jamais ! »

Le féminisme est un « vaste champ de connaissance et de luttes », contre son occultation, il faut souligner ses apports à la construction d’une société plus juste, s’approprier ou se réapproprier son histoire, ses luttes collectives.

Marie-Eve Surprenant parle, entre autres, de la réalisation pleine et entière des droits des femmes, de la détermination, par les personnes et groupes discriminés, de leurs priorités et leurs moyens de lutte, de l’autonomie économique des femmes, de ce « mot qui fait jaser »…

L’auteure revient sur l’histoire du mouvement féministe, la fondation en 1893 de la première organisation féministe au Québec, la première association de femmes noires en 1902, l’instance non-mixte des femmes syndiquées en 1952, l’Intersyndicale des femmes, l’Equal Rights for Native en 1968 et Femmes autochtones au Quebec en 1974, le Front de libération des femmes en 1969, le revue Québécoises deboutte !, le Théâtre expérimental des femmes, les Editions du remue-ménage, le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine, le Collectif des femmes migrantes, etc.

L’auteure insiste sur les connaissances et le savoir des femmes, met en avant la « pratique sage-femme », évoque Christine de Pisan (1404), Aphra Behn (1760), Olympe de gouges (1791), Mary Wollstonecraft (1792), Elisabeth Stanton (1882) et bien d’autres… fondatrices de « notre savoir collectif ».

Marie-Eve Surprenant présentent les différents courants et théories féministes. Elle revient sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979), la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes : Lutte pour l’égalité, le développement et la paix (Beijing 1995), la Marche mondiale des femmes, la Charte mondiale des femmes pour l’humanité…

Je souligne le chapitre sur le patriarcat comme système (« la suprématie (supériorité et autorité) des hommes, comme classe de sexe dominante ; l’appropriation du corps et de la force de travail des femmes comme groupe social dominé »), la division sexuelle du travail, le travail invisible, les mecsplications, la contrainte à l’hétérosexualité…

Marie-Eve Surprenant analyse les « archétypes », la femme diabolique, le double standard en matière de sexualité, la femme faible, la femme nourricière, les attentes démesurées envers les mères, la femme objet, « leur corps sexué devient la principale référence identitaire et objet de consommation ». L’auteure détaille les luttes et les résistances des femmes, l’histoire du droit de vote, les luttes acharnées pour les droits et l’égalité (double standard, capacité juridique des femmes mariées, mariage civil et divorce, autorité parentale, congé maternité, égalité entre époux/épouses, reconnaissance des agressions sexuelles et des viols conjugaux, droit à l’avortement, patrimoine, pension alimentaire, centre de petite enfance, sage-femme, etc.)

Dans l’indispensable chapitre sur l’antiféminisme, « mouvement qui tente de contrecarrer les avancées féministes, en prônant le statu quo, voire un retour à un passé idéalisé où les rôles sociaux sont nettement différenciés, et ce au bénéfice des hommes », l’auteure détaille des termes (antiféminisme, machisme,, masculinisme, misogynie, sexisme, sexisme ordinaire), analyse des caractéristiques et des stratégies déployées par les antiféministes.

Dans la seconde partie sur les mythes à l’épreuve des faits, Marie-Eve Surprenant revient sur la société soit-disant matriarcale et l’égalité-déjà-atteinte, parle des discriminations et d’asymétries et analyse en détail bien des allégations et mensonges, entre autres, sur la garde des enfants, la violence… Elle aborde aussi hypersexualisation, l’industrie du sexe, l’exploitation sexuelle, les rapports de domination, la culture du viol, la prostitution, le droit à l’avortement, les parcours scolaires, la situation économique des femmes, les barrières systématiques à l’égalité, la « conciliation » travail-vie personnelle… Un sous chapitre est consacré au genre et aux changements climatiques, un autre à la non-mixité. J’indique que les argumentaires sont précis et peuvent facilement être réutilisés par tou-te-s.

« Le féminisme est plus que jamais nécessaire ! ». Dans cette dernière partie, l’auteure parle d’instersectionnalité, de langage épicène, « ce qui n’est pas nommé n’existe pas », des allié-e-s et des alliances…

« Continuons de nous indigner et de lutter contre toutes les oppressions, de nous réapproprier et de transmettre l’histoire de nos luttes, de renforcer nos alliances et nos solidarités, de célébrer nos victoires. Et surtout, demeurons convaincues que nous avons le pouvoir de changer le monde ! »

Un petit livre qui n’a, malheureusement, pas son équivalent en France. Ecrit en langue commune, comme savent le faire si bien nos amies québecoises, à la fois plein d’humour et de rigueur analytique, manifestant une volonté de rassembler au delà des différentes positions, une « contribution à la construction d’un monde plus juste, égalitaire et solidaire »…

Marie-Eve Surprenant : Manuel de résistance féministe

Les éditions du remue-ménage, Montréal (Québec) 2015, 186 pages

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