Édition du 26 mars 2024

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Gaz de schiste

Gaz de schiste et pollution atmosphérique

Des mesures s’imposent dès maintenant

L’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) juge que des mesures s’imposent immédiatement pour assurer le contrôle et l’encadrement adéquat de la pollution atmosphérique dans la Vallée du Saint-Laurent, d’autant plus que la pollution reliée à l’activité gazière s’ajoute à la pollution existante.

Réglementation désuète

Outre la Loi sur les mines qui date d’un autre siècle, le Règlement sur la qualité de l’atmosphère (R.R.Q., 1981, c. Q-2, r. 20), et le Règlement sur la déclaration obligatoire de certaines émissions de contaminants dans l’atmosphère (LQE, c. Q-2, r. 3.3) doivent également êtres revus et adaptés. À l’heure actuelle, les normes générales d’émission prévues au Règlement sur la qualité de l’atmosphère (RQA) sont minimales et bien souvent désuètes. Tout comme les mesures de contrôle prévues ne permettent pas, de l’avis de l’AQLPA, d’avoir un contrôle adéquat sur les travaux de forage.

Conséquemment, l’AQLPA estime qu’il faut voir à la mise à niveau de ces deux règlements de façon urgente. D’autant plus que Québec a déjà en main un projet de règlement sur l’assainissement de l’atmosphère (PRAA) qui est « tabletté » depuis plusieurs années. L’adoption de ce dernier permettrait d’assujettir les travaux de forages aux nouvelles normes de qualité de l’air ambiant et d’améliorer les mesures de contrôle. Il suffirait de l’adopter.

Pollution atmosphérique

Aux fuites documentées tout récemment sur 19 des 31 puits inspectés -et pour lesquelles l’AQLPA attend toujours les précisions chiffrées quant aux types de contaminants émis autre que le méthane- s’ajoutent tous les autres impacts de l’exploration et exploitation du gaz de schiste sur la qualité de l’air et la pollution atmosphérique. En ce sens, le rapport préliminaire de l’Institut national de santé publique du Québec 1 le confirmait, outre les risques de fuites, les activités sur les sites et de transport contribuent à augmenter les polluants atmosphérique émis : les oxydes d’azote (NOx) et de soufre (SOx), les composés organiques volatils (COV), les particules fines et plusieurs autres.

André Bélisle, président de l’AQLPA rappelle qu’une récente étude sur le développement de l’industrie du gaz de schiste à Haynesville aux États-Unis prévoit que « selon un scénario de développement faible, avec 1 570 puits en 2012, ces puits seraient responsables de 60 tonnes d’oxyde d’azote par jour, un irritant pulmonaire qui se transforme en ozone au sol responsable du smog.

Des niveaux d’ozone accrus ralentissent également la croissance des arbres, des plantes et des cultures, entraînant des pertes économiques pour les industries forestière et agricole. Selon un scénario fort, avec 2 181 puits en 2012, on parle de 140 tonnes de NOx par jour, et ce, sans compter les COV évalués à plus de 20 tonnes/jour ». Malgré tout, pour le moment, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) n’a ni énuméré, ni quantifié, ni qualifié les émanations à prévoir quant à l’apport en pollutions atmosphériques de l’ensemble du cycle de vie de la productions gazière au Québec. »

Pendant ce temps, les études menées aux Etats-Unis se multiplient et dressent un portrait toujours un peu plus sombre des impacts attendus. Notons les récentes modélisations effectuées sur le développement gazier prévu à Haynesville2, qui permettent de prédire une augmentation des concentrations de polluants atmosphériques causant l’ozone au sol, sur une période de temps relativement courte. Et ce non pas exclusivement à proximité des sites de forage, mais partout en périphérie en raison des vents qui transportent les polluants sur de grandes distances. Pour le Québec, aucune analyse ou modélisation de ce type n’a encore été faite.

Cependant, à la lumière des analyses effectuées chez nos voisins, l’AQLPA estime que Québec doit dès maintenant fournir ces analyses en plus d’effectuer un suivi beaucoup plus étroit en mettant en place, sur l’ensemble du territoire, beaucoup plus de stations de contrôle pour suivre convenablement l’évolution de la qualité de l’air. Sachant que plusieurs régions du sud du Québec sont aux prises avec des problèmes d’ozone au sol et de particules fines (PM), entraînant des journées de mauvaise qualité de l’air, cela devient d’autant plus urgent.

L’AQLPA a calculé qu’en moyenne, pour la plupart des régions au Sud du fleuve entre Montréal et Québec, la qualité de l’air est considérée comme « bonne » moins d’une journée sur deux dans l’année.

À elle seule, la région de la Montérégie subit en moyenne près de 40 (38,7) journées de mauvaise qualité de l’air par année (période 2004-2009). Ceci est d’autant plus inquiétant que de récentes études scientifiques démontrent qu’il n’y a pas de seuil minimal décelable en–deçà duquel les PM et l’ozone sont sans effets sur la santé de l’être humain.

Si rien n’est fait, le Québec verra ce bilan se détériorer davantage, et ce, sans même l’ajout de la pollution atmosphérique reliée au gaz de schistes. En effet, en octobre dernier les ministres canadiens de l’environnement, incluant celui du Québec, ont décidé de se doter d’un nouveau système de gestion de la qualité de l’air qui prévoira des normes canadiennes de qualité de l’air ambiant plus ambitieuses d’ici 2015.

Pour Patrick Bonin, coordonnateur climat-énergie à l’AQLPA, « la protection de la santé de la population exige que le gouvernement évalue l’impact de l’exploration/exploitation du gaz de schiste avant d’aller de l’avant. Ceci est d’autant plus vrai que le sud du Québec connait déjà des problèmes majeurs de qualité de l’air et que les futures normes de qualité de l’air ambiant seront encore plus strictes ce qui alourdira le bilan du nombre de journée où la qualité de l’air est mauvaise. Imaginez si on ajoute la pollution liée au gaz de schiste. »

Les effets des polluants sur la santé sont connus et documentés. L’ozone troposphérique (O3 au sol) est un irritant pour les yeux, le nez et les voies respiratoires. Son pouvoir oxydant peut provoquer une altération des fonctions pulmonaires et amplifier les maladies du système respiratoire. De nombreuses études ont établi un lien entre les particules fines totales (PM) et la recrudescence de diverses formes de maladies du cœur et de troubles respiratoires tels l’asthme, la bronchite et l’emphysème3 .

En 2008 au Québec4, les frais de santé liés à la mauvaise qualité de l’air ont été d’environ 2 milliards $. Cette même année, la mauvaise qualité de l’air entraînait des admissions à l’hôpital (±2 667), des visites dans les urgences (±19 730), des malaises mineurs (±5.58 millions) et des visites chez le médecin (±144 000).

D’autre part, l’Institut de santé publique évalue à 2 000 le nombre de morts liés à la mauvaise qualité de l’air et à 10 000 hospitalisations chaque année. « L’industrie du gaz de schiste émettra davantage de polluants dans l’air. Le Québec peut-il réellement se le permettre ? », demande Kim Cornelissen, Vice-présidente de l’AQLPA. « Il faut mettre en perspective les coûts de santé évalués à 2 milliards$ causés par la pollution actuelle avec les prétentions de rendements financiers vantés par l’industrie qui estime que les ventes de gaz atteindraient environ 2 milliards $, laissant moins de 200 millions $ en redevances au Québec pour pallier aux coûts de cette nouvelle pollution », ajoute-t-elle.

À la lumière des informations qui ne cessent de surgir, il est urgent pour Québec d’agir en conséquence. Outre l’imposition d’un moratoire, la réglementation sur la qualité de l’atmosphère doit être revue parce qu’elle est inadaptée et ne permet pas de tenir compte de l’apport de la production de gaz et pétrole au bilan de la pollution atmosphérique du Québec. « Avant même l’éventuelle apparition de la production de gaz de schiste, le Québec doit procéder à une nouvelle vague de réduction des polluants à l’origine du smog et des pluies acides », rappelle André Bélisle.

« Il est urgent de s’attaquer concrètement à ces enjeux de qualité de l’air et de pollution atmosphérique en bonifiant la réglementation sur la qualité de l’atmosphère. Le Québec doit, sans plus attendre, adapter ses lois et règlements à la faveur du bien commun. Autant de raisons d’imposer un moratoire complet et immédiat sur l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste au Québec », conclut André Bélisle.

La fiche technique sur les gaz de schiste est disponible sur le site de l’AQLPA à l’adresse suivante : http://www.aqlpa.com/gaz-de-schiste-et-pollution-atmospherique-des-mesures-simposent-des-maintenant.html

Notes

1 État des connaissances sur la relation entre les activités liées au gaz de schiste et la santé publique. Rapport préliminaire – Institut de santé publique, Janvier 2011 - http://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/1177_RelGazSchisteSantePubRapPreliminaire.pdf

2 Ozone Impacts of Natural Gas Development in the Haynesville Shale, KEMBALL-COOK, novembre 2010

3 ENVIRONNEMENT Canada

4 Association médicale canadienne, No Breathing Room. National Illness Costs of Air Pollution. Août 2008. http://www.cma.ca/multimedia/CMA/Content_Images/Inside_cma/Office_Public_Health/ICAP/CMA_ICAP_sum_e.pdf

AQLPA

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L‘AQLPA est un regroupement indépendant de personnes physiques et morales travaillant activement à améliorer la qualité de l’atmosphère au Québec. Nous avons pour objectif principal de favoriser la mise en place de solutions concrètes et adaptées à la réalité des besoins des parties prenantes, par l’acquisition de connaissances, l’éducation et la sensibilisation.

Afin de réaliser sa mission, l’AQLPA :

Assure une veille stratégique sur les questions liées à la qualité de l’air, les changements climatiques et les polluants atmosphériques ;
Sensibilise et informe les intervenants du milieu face aux méfaits de ce type de pollution : citoyens, groupes, organismes, industries, commerces et gouvernements ;

Fait la promotion d’idées, de stratégies et de recommandations visant la réduction des polluants ;

Mobilise les intervenants du milieu autour de projets communs et rassembleurs favorisant ainsi une concertation et des échanges constructifs ;

Représente et fait connaître les intérêts, les choix, les préoccupations ou encore les positions des intervenants du milieu auprès des décideurs ;

Collabore à des accords communs ;

Participe activement à tout mandat confié par les différents paliers de gouvernements ;

Élabore un centre de documentation et offre un service de conférences.

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Solidarité

Derrière toute décision, il y a des gens ;

Chaque geste, chaque action posée a des impacts sur des milliers d’êtres humains : des voisins, des amis, nos enfants ;

Contribuer à leur bien-être, c’est aussi contribuer au nôtre.

Intégrité

La cohérence entre ce qui est affirmé et ce qui est fait.

Responsabilité

Faire primer le principe de précaution dans certaines circonstances ;

Nécessité dans tous les cas d’agir et de ne plus reporter à demain et/ou balayer aux générations futures.

NOTRE VISION

L’AQLPA est déterminée à demeurer une référence citoyenne incontournable au Québec, en matière d’actions et de solutions, quant aux enjeux liés à la pollution atmosphérique.

L’humain est au cœur de tous les enjeux que nous défendons. La santé est au premier plan.

La pérennité des ressources pour les générations futures doit être défendue.

L’écologie stimule l’économie : protéger l’environnement crée des emplois.

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