Le droit de manifester est un moyen d’expression collectif essentiel au cœur des actions des mouvements sociaux et de la défense des droits humains. Il relève de l’exercice des libertés d’expression et de réunion pacifique protégées par les Chartes canadienne et québécoise. Sa place centrale dans une société démocratique n’est plus à démontrer. De nombreuses tentatives de limiter le droit de manifester ont eu lieu par le passé, particulièrement lors du Printemps étudiant de 2012 et les années suivantes. Elles ont été rejetées par la population, qui les ont défiées massivement, puis déclarées inconstitutionnelles par les tribunaux.
La Ligue des droits et libertés rappelle que les tribunaux ont établi que le domaine public, les rues, les trottoirs, les places et les parcs sont les lieux privilégiés, traditionnels et historiques de l’exercice du droit de manifester. Les manifestations, en tant qu’actions collectives, peuvent déranger, perturber et entraver la circulation (Bérubé, 2019 QCCA). Une manifestation ne peut être limitée d’emblée, avant même son déroulement, à une zone établie par le gouvernement ou par les autorités policières, car le choix du lieu de la manifestation fait intrinsèquement partie du message de celle-ci.
Une analyse similaire doit s’appliquer aux campements établis dans l’espace public ou sur le terrain d’établissements d’enseignement. Certaines formes d’expression politique sont susceptibles de perturber le quotidien, mais cela ne signifie pas pour autant que le gouvernement peut se permettre de les réprimer, les contrôler ou les interdire.
Il convient de rappeler au gouvernent Legault que sa proposition d’interdire les masques est contraire aux récentes décisions des tribunaux, qui ont confirmé que porter un masque lors d’une manifestation est un mode d’expression garanti par nos Chartes. Il s’agit à la fois d’un message en soi et d’un mode de transmission d’un message. L’obligation de manifester à visage découvert peut dissuader des personnes de participer par crainte d’être reconnues et ostracisées, ou encore par crainte que ne soit utilisées sur elles les technologies de reconnaissance faciale. D’autre part, il existe déjà dans le Code criminel des dispositions pénalisant le déguisement ou le port du masque « dans l’intention de commettre un acte criminel » (article 351 (2)) ou dans le but « de dissimuler son identité sans excuse légitime » lors d’une émeute (article 65 (2)).
À deux reprises, les tribunaux québécois ont jugé inconstitutionnelles les dispositions des règlements municipaux interdisant le port du masque, soit celle d’un règlement de la Ville de Québec (Tremblay, 2005 QCCS) et, plus récemment, l’article 3.2 du règlement P-6 de la Ville de Montréal (Villeneuve, 2015 QCCS). Selon ces décisions, l’interdiction porte atteinte aux libertés d’expression et de réunion pacifique. Elle est excessive, déraisonnable et arbitraire.
La Ligue des droits et libertés, à l’instar de nombreuses autres organisations, restera extrêmement vigilante dans les prochaines semaines.
Citations
« On se demande si les droits et libertés, l’évolution de la jurisprudence ainsi que la vitalité des mouvements sociaux, sont dans l’angle mort du gouvernement. Il nous semble que quelques rappels s’imposent, notamment par rapport au droit de manifester qui est protégé par les Chartes, tant québécoise que canadienne, et est l’un des piliers d’une société démocratique. » déclare Laurence Guénette, coordonnatrice de la LDL.
« Des gouvernements précédents ont tenté, en vain, de limiter le droit de manifester pour étouffer la contestation sociale. Cela n’a pas fonctionné : la population a défié les interdictions et les tribunaux les ont invalidés par la suite. Le Québec ne doit pas rejouer dans ce mauvais film en 2025 » déclare Lynda Khelil, porte-parole la LDL.
Faits saillants
Site d’information sur le droit de manifester au Québec, un projet de la Ligue des droits et libertés, en partenariat avec le Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MEPACQ) et le Service aux collectivités de l’UQAM :
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