Édition du 10 juin 2025

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Israël - Palestine

Interdiction de l’UNRWA : la Cour internationale de justice examine un nouveau recours contre Israël

La Cour internationale de justice a été saisie d’une demande d’avis consultatif sur la légalité des attaques israéliennes contre l’ONU. Voici quelques explications sur cette affaire et son importance.

Tiré d’Agence médias Palestine.

La Cour internationale de justice (CIJ) a entamé lundi des audiences sur l’obligation d’Israël de garantir l’acheminement de l’aide aux Palestiniens dans la bande de Gaza assiégée. Depuis mars, Israël bloque toute aide à destination de Gaza et, depuis huit semaines, ni nourriture, ni eau, ni médicaments ne parviennent à ses 2,3 millions d’habitants.

Cette affaire fait suite à l’interdiction par Israël, en octobre, de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), un événement qui a suscité l’indignation mondiale et des appels à l’expulsion de l’ONU d’Israël, accusé d’avoir violé la charte fondatrice de l’organisation, en particulier les privilèges et immunités dont jouissent les agences des Nations unies.

Les audiences de la CIJ coïncident avec la poursuite de l’interdiction par Israël de l’aide humanitaire à la bande de Gaza depuis le 2 mars (plus de 50 jours) et l’intensification des attaques militaires qui ont tué des centaines de civils depuis la rupture du cessez-le-feu le 18 mars.

Il s’agira de la troisième affaire d’avis consultatif depuis 2004 portée devant la Cour internationale de justice concernant les violations du droit international par Israël.

Une quarantaine d’États, dont la Palestine, présenteront leurs preuves devant la Cour entre le 28 avril et le 2 mai. Le principal allié d’Israël, les États-Unis, doit s’exprimer au Palais de la Paix le mercredi 30 avril.

« Pour ceux qui croient en l’organisation internationale et aux Nations unies, et qui souhaitent les protéger contre les actions unilatérales et la destruction, cette affaire ne saurait être plus importante », a déclaré le professeur Eirik Bjorge, spécialiste en droit international à l’origine de la demande d’avis consultatif en octobre dernier.

« Un très grand nombre d’États participants soutiennent qu’Israël a l’obligation, en vertu de la Charte des Nations unies, d’accorder toute son assistance à l’UNRWA et qu’il a l’obligation absolue de respecter ses privilèges et immunités », a déclaré M. Bjorge à Middle East Eye.

« Une petite galerie de voyous – Israël lui-même, la Hongrie et les États-Unis – s’oppose à cette position majoritaire », a-t-il expliqué.

Jeudi, le ministère américain de la Justice a décidé que l’UNRWA n’était pas à l’abri de poursuites judiciaires aux États-Unis, une position qu’il pourrait réitérer lors des audiences de cette semaine, a déclaré M. Bjorge, qualifiant cette décision de « parfaitement désespérée ».

Sur quoi la Cour est-elle appelée à se prononcer ?

Les audiences font suite à la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 29 décembre 2024 (A/RES/79/232), principalement soutenue par la Norvège, qui demande à la Cour de rendre un avis consultatif sur les questions suivantes :

« Quelles sont les obligations d’Israël, en tant que puissance occupante et membre des Nations unies, en ce qui concerne la présence et les activités des Nations unies, y compris ses institutions et organes, d’autres organisations internationales et des États tiers, dans le territoire palestinien occupé et en relation avec celui-ci, notamment pour garantir et faciliter la fourniture sans entrave des biens de première nécessité indispensables à la survie de la population civile palestinienne, ainsi que des services de base et de l’aide humanitaire et au développement, au profit de la population civile palestinienne et à l’appui du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ? »

La demande de l’Assemblée générale invitait la Cour à se prononcer sur la question susmentionnée au regard d’un certain nombre de sources juridiques, notamment : la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les privilèges et immunités des organisations internationales et des États en vertu du droit international, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, ainsi que les avis consultatifs antérieurs de la Cour : l’avis du 9 juillet 2004 qui a déclaré illégal le mur de séparation érigé par Israël dans la Palestine occupée, et l’avis consultatif du 19 juillet 2024, qui a confirmé l’illégalité de l’occupation des territoires palestiniens par Israël et l’obligation qui incombe à Israël, en tant que puissance occupante, de respecter les droits des Palestiniens.

L’avis de la CIJ sera-t-il contraignant pour Israël ?

Si la plupart des avis consultatifs de la CIJ ne sont pas des décisions juridiquement contraignantes, contrairement aux arrêts rendus par la CIJ dans des affaires contentieuses entre États, l’avis rendu dans cette affaire aura un effet contraignant.

La demande d’avis consultatif est fondée sur la disposition relative au règlement des différends figurant à l’article 8 de la Convention générale sur les privilèges et immunités des Nations unies, qui stipule que l’avis rendu par la CIJ à la demande de l’Assemblée générale des Nations unies en rapport avec la Convention « est accepté comme déterminant par les parties ».

Qu’est-ce que l’UNRWA ?

L’Unrwa est la principale source d’aide humanitaire pour environ 5,9 millions de réfugiés palestiniens dans les territoires palestiniens occupés et les pays voisins qui accueillent des réfugiés palestiniens.

Cette aide comprend la fourniture de services de base tels que l’éducation, la nourriture, les soins médicaux et la distribution de carburant. Sa fermeture pourrait inévitablement entraîner l’effondrement du principal moyen de subsistance des Palestiniens.

Selon le dernier rapport de situation de l’organisation, depuis octobre 2023, Israël a tué au moins 290 membres du personnel de l’UNRWA et mené au moins 830 attaques contre les locaux de l’UNRWA et les personnes qui s’y réfugiaient.

Comment Israël a-t-il interdit l’UNRWA ?

Le parlement israélien, la Knesset, a adopté en octobre 2024 deux lois interdisant à l’UNRWA d’opérer en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.

Ces projets de loi ont été présentés peu après que les autorités israéliennes aient confisqué le terrain situé à Jérusalem-Est occupée où se trouve le siège de l’UNRWA. Israël prévoit de construire 1 440 logements, illégaux au regard du droit international, sur ce site.

Ces lois interdisent de facto à l’UNRWA d’opérer en Israël, à Gaza, en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Cette interdiction équivaut à une révocation des privilèges et immunités dont bénéficient les organisations des Nations unies en vertu de la Charte des Nations unies. Elle est entrée en vigueur en janvier.

La première loi stipule que l’UNRWA n’est pas autorisée à « exploiter une institution, fournir un service ou mener une activité, que ce soit directement ou indirectement », en Israël.

La deuxième loi interdit aux fonctionnaires et aux agences gouvernementales israéliens d’entrer en contact avec l’UNRWA.

Cela affectera inévitablement les privilèges et immunités dont bénéficie l’UNRWA en vertu du droit international.

La directrice de la communication de l’UNRWA, Juliette Touma, a salué les audiences de la CIJ, affirmant que l’interdiction imposée par Israël à l’organisation avait entravé sa capacité à remplir son mandat.

« Depuis l’entrée en vigueur de ces restrictions à la fin du mois de janvier, le personnel international de l’UNRWA n’a pas reçu de visas pour entrer en Israël et se voit effectivement interdire l’accès à la Cisjordanie occupée (y compris Jérusalem-Est) et à la bande de Gaza », a déclaré Mme Touma à Middle East Eye.

Elle a ajouté que plusieurs installations de l’UNRWA, notamment des écoles situées dans Jérusalem-Est occupée, continuent d’être menacées par des ordres israéliens exigeant leur fermeture.

Quelque 800 enfants qui fréquentent actuellement les écoles de l’UNRWA dans cette zone risquent de se retrouver sans éducation si Israël ferme ces écoles, a-t-elle ajouté.

La politique de non-contact imposée par les projets de loi, qui interdit aux responsables israéliens de coordonner leurs actions ou de communiquer avec les responsables de l’UNRWA, entrave la fourniture de services d’urgence et d’aide essentiels, a expliqué Mme Touma.

« L’UNRWA est une agence des Nations unies qui fournit des services de développement humain à l’une des communautés les plus vulnérables de la région », a-t-elle déclaré. « Il est du devoir de l’État d’Israël, en tant que puissance occupante, de fournir des services ou de faciliter la fourniture de tels services, y compris par l’intermédiaire de l’UNRWA, à la population qu’il occupe. »

Pourquoi Israël a-t-il interdit l’UNRWA ?

Le gouvernement israélien est depuis longtemps hostile à l’UNRWA, en partie parce qu’elle maintient le statut de réfugié des Palestiniens expulsés de leurs foyers lors de la Nakba de 1948 et de leurs descendants.

Fin janvier 2024, Israël a accusé 12 employés de l’UNRWA d’avoir participé aux attaques menées par le Hamas le 7 octobre, affirmant qu’ils avaient distribué des munitions et aidé à l’enlèvement de civils.

Une enquête de l’ONU publiée en avril dernier n’a trouvé aucune preuve d’actes répréhensibles de la part du personnel de l’UNRWA, soulignant qu’Israël n’avait pas répondu aux demandes de noms et d’informations et n’avait « informé l’UNRWA d’aucune préoccupation concrète concernant son personnel depuis 2011 ».

Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine

Source : Middle East Eye

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