Édition du 16 avril 2024

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Guerre

Israël ne vit que de la guerre

La technique a changé. Avec le système de localisation par satellite (GPS) on peut diriger les bombes avec une précision de quelques mètres. On ne bombarde plus en tapis. Du coup, les objectifs apparaissent avec précision. Quand les avions "israéliens" rasent des immeubles d’habitation (couramment 8 à 10 étages, à Beyrouth), on voit qu’ils le font exprès, ce n’est plus un dommage collatéral.

A chaque fois, le prétexte est ridicule. En 1982, un "diplomate" israélien avait été la cible, en Angleterre, de plusieurs balles. En 2006, deux soldats en opération ont été fait prisonniers sur le champ de bataille. Et on envahit le Liban. Auparavant, l’aviation, régulièrement renouvelée par les Américains qui paient eux-mêmes le coût de ces oiseaux de mort, aura attaqué systématiquement toutes les infrastructures de ce pays, en prenant un soin particulier des ponts, innombrables dans ce pays de collines et de torrents. Ensuite tout ce qui ressemble à une usine ou à un atelier, tout ce qui permet une production, industrielle ou agricole, a été rasé. Les Israéliens commencent toujours par ça. Pendant la Guerre du Kippour, en 1973, la première chose qu’ils ont bombardée, en Egypte, a été l’aciérie d’Hélouan, dans la banlieue du Caire.

La seule aciérie du monde arabe ! La première cause et le premier effet de ces campagnes de bombardement sans opposition n’ont rien de militaire. Il s’agit de faire reculer le pays bombardé en détruisant ses capacités de production. "Ramener le Viêt-Nam à l’âge de pierre", réclamait le général Curtis Le May pour faire pression sur le président Johnson. Le May était un orfèvre en la matière. Il avait été un de ceux qui avaient planifié le bombardement de Tokyo en 1945. Par un savant dosage de bombes incendiaires et de bombes soufflantes, les Américains avaient réussi à causer plus de morts et plus de dommages en une journée que les bombes atomiques lâchées quelques mois plus tard sur Hiroshima et Nagasaki.

La technique a changé. Avec le système de localisation par satellite (GPS) on peut diriger les bombes avec une précision de quelques mètres. On ne bombarde plus en tapis. Du coup, les objectifs apparaissent avec précision. Quand les avions "israéliens" rasent des immeubles d’habitation (couramment 8 à 10 étages, à Beyrouth), on voit qu’ils le font exprès, ce n’est plus un dommage collatéral. Le fait qu’ils s’attaquent délibérément aux civils apparaît donc même aux plus myopes, comme Human Rights Watch.

Ces énormes bombes guidées avec précision ne sont pas fabriquées en Israël qui a pourtant une grosse industrie d’armement. Les derniers crédits alloués par le Congrès prévoyaient un stock de 250 de ces grosses bombes guidées par laser. Il a fallu mettre en place un pont aérien pour puiser dans les stocks de l’armée des USA. A chaque guerre lancée par Israël, il faut qu’un pont aérien fournisse les munitions et les pièces en urgence. Sans cela, la machine militaire de l’entité juive s’arrêterait au bout de trois-quatre jours. Idem pour le pétrole, garanti par les USA. L’état-major israélien doit donc faire un choix judicieux pour l’emploi de ces bombes. Au delà, il faudra se contenter des munitions "stupides", sans guidage.

La guerre aérienne, les bombardements massifs, c’est quelque chose que les Américains comprennent. Ils la font depuis 1942, en ayant commencé dans le Pacifique sud, Guadalcanal, Midway et la suite ; en passant par la seconde guerre mondiale, l’Allemagne rasée, la Corée rasée (il ne restait pas un bâtiment debout en 1953), le Viêt-Nam, le Cambodge (en six mois de bombardement sur ce pays rural, il est tombé un tonnage supérieur à celui de toute la seconde guerre mondiale), l’Iraq en 1991 et à nouveau en 2003. C’est la guerre confortable. Dans son avion hors de portée de la défense anti-aérienne, le pilote laisse l’ordinateur de bord calculer quand il ouvre sa soute. Un petit job de bureaucrate. Il est secondé par d’autres bureaucrates qui lancent les missiles de croisière, des petits bijoux à un million de dollars pièce.

Seulement, malgré l’aspect spectaculaire des bombardements et des piles de débris, ils ne règlent rien. Les gens, en dessous, survivent. Ils se débrouillent, ils ont des morts, certes, mais ils fuient ou survivent comme des fourmis. Les gens ont une incroyable capacité de survie. Pensez aux millions d’Allemands, de Japonais qui ont resurgi de dessous les ruines à la fin de la guerre. Aux Viêtnamiens des villes évacués en hâte vers les campagnes quand les porte-avions de la Sixième flotte déversaient leurs cargaisons de mort sur Hanoi et Haiphong.

Les bombes détruisent le béton, mais pas le bambou ni surtout pas les hommes et les femmes. Celui qui veut s’imposer par la guerre doit y aller à pied. Les blindés ne suffisent pas. C’est à pied que l’on conquiert le terrain. Et quand on y va à pied, comme les jeunes conscrits des prétendues unités d’élite (Golani et autres fantoches), on se retrouve nez-à-nez avec un résistant, en uniforme, équipé, avec des chaussures cirées, qui vous tient en joue. Sale surprise. Les bombardements rapprochés permettent tout juste de foutre le camp, en essayant de ne pas se faire mettre une balle dans le cul. Voyez les récits recueillis, à l’arrière, par les journalistes. Ils ne s’attendaient pas à ça ! Faire la guerre à pied, mais c’est très dangereux !

Elle prend alors un autre visage. C’est une guerre entre des hommes, entre des volontés affrontées. Dix-huit ans de guerre et de présence israélienne au Sud Liban, dix-huit ans d’espionnage, de tortures, de guet-apens, de prisons atroces, ont forgé un moral à toute épreuve chez les combattants de la résistance, encadrée par le Hezbollah. Ils ont appris à s’organiser, ils connaissent les vertus du secret et de la discipline, du courage face à une armée de fauves, équipée, financée et dirigée par la plus grande puissance du monde. Ils savent que le combat sera long, mais que déjà la relève se prépare, dans toutes les périphéries et à l’intérieur d’Israël, des centaines de milliers de jeunes savent qu’ils n’ont qu’un avenir : la guerre. Harb !

Ce n’est pas exactement ce que recouvre le mot djihad, qui est plutôt synonyme d’effort, de mobilisation des énergies. La Guerre est une idée plus crue, plus directe. Elle résume toutes les missions qui attendent les jeunes hommes. Puisque rien d’autre ne leur est jamais donné, que sous condition et sous le contrôle de l’entité juive, envahissante, totalitaire, absurde et, finalement, d’une immense stupidité parce que tout ce qui anime la politique des sionistes est un racisme primaire, aveugle, bouillonnant de rage et de peur. Les juifs d’Israël, à peine dégagés de la gangue culturelle des ghettos, ne peuvent rien comprendre à ce qu’ils appellent dédaigneusement les "Arabes" alors que les Arabes, pétris de leur culture humaniste et universaliste, d’origine néoplatonicienne, comprennent très bien ce qui se passe dans la têtes des envahisseurs, de ces nouveaux "Peuples de la Mer", de ces nouveaux "Croisés" qui sont incapables d’entrer dans le paysage.

Des guerres faites par Israël, soi-disant pour sa survie, on n’arrive plus à faire le compte. Si on néglige les très graves incidents du temps du mandat anglais, on commence par 1948. Le refus des Arabes était fort, il fallait une guerre pour créer une entité appelée, grâce à un contre-sens historique, "Israël". (Il eût fallu l’appeler "Juda"). Ensuite 1956 et 1967, pures agressions israéliennes. 1973 a été la seule lancée par un pays arabe, l’Égypte, au premier chef pour récupérer son territoire occupé. Et ensuite 1982, pure agression israélienne et les dix-huit ans de guerre qui ont suivi et se sont terminés, si l’on peut dire, par l’évacuation du Sud-Liban par les soudards juifs, ou supposés tels. Israël s’est constitué par la guerre, survit par la guerre et périra par la guerre.

Le retour des génocideurs au Liban est le signe qu’ils tournent en rond. Ils ne peuvent pas faire la paix puisqu’elle limiterait leurs ambitions territoriales et les obligerait sans doute à des concessions. Hors de question. Donc la seule alternative, c’est la guerre. C’était bien la pensée de l’abominable Sharon. Ses successeurs appliquent la politique qu’il a tracée. Évacuation de Gaza puis étranglement de Gaza. Retour au Sud-Liban pour effacer l’humiliation de l’évacuation, mais, plus encore, pour prendre le contrôle des eaux en remontant jusqu’au Litani. C’est classique. On trouve cette doctrine dès le début de l’invasion sioniste, à la suite de la Déclaration Balfour (1917). Plus les dirigeants israéliens affirment qu’ils ne veulent pas réoccuper le sud Liban, plus il faut comprendre qu’ils vont le faire, qu’ils vont se réinstaller, rouvrir la prison de Khiam, et mener à nouveau une guerre de pressions militaires dans tout le Liban. Ceci est clair comme de l’eau de roche. Ce ne sont pas quelques garçons en short blanc et en casque bleu qui pourront les en empêcher. Une invasion, ça se fait en un mois. Une évacuation, ça prend dix ans. Voyez l’Iraq.

Mais il y a UNE nouveauté. Les roquettes, les fusées. Artisanales comme les Qassam de Gaza, ou industrielles comme celles du Hezbollah. On les appelle Grad ou Katioucha parce que la conception est soviétique. En fait, c’est une invention des savants allemands, pendant la période nazie. Tirées à des distances qui sont au moins de dix kilomètres mais peuvent atteindre la centaine de kilomètres, ces engins ne portent pas de très grosses charges explosives et sont beaucoup moins destructrices que les bombes des avions. La différence entre une ou deux dizaines de kilos et plusieurs quintaux est sensible sur le terrain. Ce qui est très puissant, c’est le bruit de l’explosion.

Comme un gigantesque coup de marteau qui fait vibrer le sol. L’effet de terreur est inévitable, même quand les dégâts matériels sont peu marqués. Or ce qui est "frappant", c’est l’incapacité des militaires israéliens à contrer ces fusées, à les empêcher de quitter leur rampe de lancement. Les Américains avaient eu les mêmes difficultés quand les Viêtcongs tiraient des roquettes de 122 mm sur Saigon, Danang et les grandes bases militaires. Les contre-mesures électroniques ne fonctionnent pas. Les rampes de lancement sont mobiles et faciles à dissimuler. Bref, c’est une arme qui montre mieux que toutes les autres l’inanité de la politique d’expansion sioniste. Dorénavant, la technique est maîtrisée. Plus le champ d’action de l’armée génocideuse s’étendra, plus la portée des fusées augmentera, et il n’y aura bientôt plus un pouce de terrain de la Palestine occupée qui pourra se croire abrité de cette pluie de feu.

Nous entrerons alors dans une période nouvelle. Les Londoniens ont résisté au blitz et aux V-2. L’Allemagne était aux abois. Mais les occupants de la Palestine ? Ils tâtonnent, dans l’obscurité des abris, pour chercher leur second passeport, polonais, étazunien, français. Ils vont rappliquer. Ça ne fait pas un pli. Tout le monde aux abris !

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