Édition du 11 novembre 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique centrale et du sud

Javier Milei, produit des mutations du capitalisme

Qui sort véritablement gagnant de l’arrivée au pouvoir de Javier Milei ? Ou plutôt, quels groupes sociaux sont en mesure d’orienter la politique menée par le président argentin ? La montée du miléisme est moins la conséquence d’une soudaine adhésion des masses aux idées libertariennes que d’une reconfiguration des rapports de forces entre différentes fractions de la bourgeoisie argentine d’une part, et du manque d’alternative politique pour les masses laborieuses lors de son élection.

16 octobre 2025 | tiré d’AOC media
https://aoc.media/analyse/2025/10/15/javier-milei-produit-des-mutations-du-capitalisme

Les Development studies, aujourd’hui dominés par les projets de la coopération internationale et « d’aide au développement », ont toutefois connu une solide période structuraliste, qui demeure très éclairante jusqu’à nos jours pour analyser les dynamiques économiques et politiques de nombreux « pays du Sud ».

Le la est donné par la publication du théorème Prebisch-Singer en 1949, sous forme de note à la CEPAL. Se basant sur une étude quantitative, agrégeant des données issues des comptes nationaux de nombreux pays latino-américains, les auteurs avancent une découverte majeure, qui tord le cou aux tenants du libéralisme. Ils montrent qu’avec l’enrichissement mondial, les prix internationaux des biens primaires – que les pays du Sud exportent – augmentent moins vite que ceux des biens industriels, dans lesquels se spécialisent les pays du Nord, car « mieux dotés en capital ».

Dès lors, la spécialisation productive apparaît comme un piège pour les trajectoires de développement les pays du Sud. La théorie de la dépendance est ainsi née, et devient la pierre angulaire à l’école du Structuralisme latinoaméricain. Si Cardoso, coauteur de Faletto devient président du Brésil en 1995 et applique une politique néolibérale, d’autres courants de cette école se rapprochent du marxisme et ressemblent furieusement à la théorie de l’impérialisme de Lénine et de Rosa Luxembourg, où les « pays du sud » sont en réalité les « pays dominés par l’impérialisme ». Nous pensons ici à Ruy Mauro Marini par exemple, opposé au réformisme de Raul Prebisch.

La théorie de la dépendance, et plus largement le structuralisme latinoaméricain éclairent particulièrement bien l’histoire économique argentine.

En effet, lorsque l’Argentine se constitue en tant qu’État indépendant au XIXe siècle, sa place dans la division internationale du travail lui est déjà attitrée. Sa forte dotation en terres arables en fait un exportateur de biens primaires de choix. Par ailleurs, le génocide du peuple paraguayen, plus connu sous « la guerre de la Triple Alliance » rappelle ce qu’il en coûte de s’industrialiser et de concurrencer les manufactures britanniques.

Au début du XXe siècle, l’Argentine est peu peuplée et dispose d’une rente d’exportation faramineuse. Cela fait dire à Milei, qui reprend maladroitement les estimations d’Angus Maddison, que l’Argentine était le pays à plus haut PIB par habitant, et que le péronisme – et plus généralement l’intervention de l’État – serait venu tout gâcher. Hormis le fait que le calcul du PIB n’existe pas avant 1950, que le classement d’Angus Maddison est estimatif et nécessairement biaisé, qu’il ne prend en compte que vingt pays, que l’Argentine ne se classe pas première mais huitième sur cette liste, Milei semble oublier la variable la plus explicative de l’évolution de la position de l’Argentine sur le classement des pays en termes de PIB par habitant : sa croissance démographique. En effet, entre 1885 et 1947, la population passe de quatre millions d’habitants à près de seize millions, une croissance démographique qu’une croissance économique par tête basée presque exclusivement sur une rente d’exportation peine à égaler, encore moins à surpasser durablement.

Sur la même période, les pays européens connaissent une croissance démographique bien plus faible. N’ayant pas à compenser une population qui se quadruple en quarante ans, un taux de croissance plus faible de leur PIB suffit – 1% sur longue période selon Thomas Piketty – pour que leur PIB par habitant croisse plus vite que celui de l’Argentine, dont le classement diminue mécaniquement. On imagine mal un pays agro-exportateur et périphérique avoir un taux de croissance du PIB par habitant supérieur à celui des pays industrialisés sur une longue période.

Mais pourquoi l’Argentine ne diversifiait pas sa production ? Pourquoi l’économie du pays était tirée exclusivement par son secteur agro-exportateur ?

La réponse est donnée par l’un des effets pervers de la dépendance à l’exportation de biens primaires. En effet, lorsque l’Argentine exporte quelque chose, elle reçoit des devises comme moyen de payement. Lorsqu’elle importe quelque chose, elle adresse un payement en devises au reste du monde. Dans ce contexte, s’industrialiser signifie cesser d’importer certains biens industriels, ce qui en revient à réduire le flux de devises adressé au reste du monde. En retour, le reste du monde réduit le flux de devises adressé à l’Argentine, ce qui signifie très concrètement que cette dernière voit ses exportations diminuer. Étant donné que ses exportations sont constituées quasi exclusivement de la production du secteur agro-exportateur, nous comprenons la farouche opposition de ce dernier à toute tentative d’industrialisation.

Cependant, la crise de 1929, puis la Deuxième guerre mondiale viennent modifier cet équilibre. Cette fois-ci, la logique s’inverse. La demande adressée à la production argentine s’effondre dans tous les cas, ce qui contraint le pays à entamer une phase d’industrialisation par substitution d’importations (ISI) afin de maintenir sa stabilité macroéconomique. Le secteur agraire se divise sur la question, notamment lors de la signature du pacte Roca-Runciman en 1933. Ce traité concède à l’Argentine une niche pour ses exportations agraires au sein du marché britannique, que les grands propriétaires terriens s’empressent de remplir. Une fois leur production assurée, ils deviennent favorables à un développement de l’industrie légère sur leur territoire, contrairement aux petits et moyens producteurs qui soutiennent farouchement le libre-échange.

Seulement, cette fenêtre ne se refermera jamais plus.

En effet, les transformations socio-politiques provoqués par la mutation des bases productives argentine ne permettent pas de retour en arrière. En s’industrialisant, l’Argentine voit se développer une classe ouvrière, issue des villes mais aussi de l’exode rural. Cette classe ouvrière s’organise, se syndique, se structure et reçoit l’influence des mouvements ouvriers européens au point qu’au début des années 1940, quatre grandes tendances existent en son sein : le communisme, l’anarchisme, le socialisme, et le syndicalisme révolutionnaire.

Cette dernière tendance, avec le soutien d’une partie des socialistes, investit la construction du Partido Laborista en 1945, dont les statuts ressemblent fortement à ceux du Labour Party britannique. Toutefois, sa version argentine investit un front électoral en 1945 qui soutient la candidature d’un certain Juan Domingo Perón.

Les politiques protectionnistes et industrialisantes que met en place ce dernier durant ses deux premiers mandats – le deuxième est interrompu par un sanglant coup d’État militaire en 1955 – favorisent deux groupes socio-économiques a priori antagonistes. De larges fractions de la classe ouvrière, d’une part, qui obtiennent la mise en place de revendications de longue date relatives à la sécurité sociale, aux congés payés, à la hausse des salaires. Dans une logique keynésienne somme toute très classique, le développement du marché intérieur favorise aussi différentes sous-fractions de la bourgeoisie industrielle, déjà choyée par la politique commerciale du péronisme, qui passe par la nationalisation du commerce extérieur et la redistribution des excédents vers l’industrie.

Le soutien au péronisme du patronat industriel n’est pas homogène selon les sous-fractions qui le composent et varie également selon le taux de profit sectoriel. En effet, selon Basualdo (2005), lorsque celui-ci passe en dessous d’un certain niveau, le capital industriel étranger, ainsi que certaines fractions nationales dépendantes de celui-ci se mettent à œuvrer activement pour un changement de régime, que le secteur agro-exportateur appelle également de ses vœux.

Toutefois, un retour au modèle agro-exportateur pur en revient à exclure la classe ouvrière du processus de production, ainsi que certaines fractions de la bourgeoisie. Nombreuse, politiquement organisée et hautement syndiquée, capable de voter pour des gouvernements industrialisateurs, la classe ouvrière argentine représente le rempart contre le retour à la république bananière.

Depuis lors, l’Argentine se trouve en situation de « match nul hégémonique », où aucun modèle – agro exportateur ou industriel – ne parvient durablement à s’imposer, et par conséquent aucune fraction des classes dominantes ne peut entièrement dominer les autres.

L’élection de Javier Milei, conséquence de la financiarisation du capitalisme argentin ?

L’arrivée au pouvoir de Javier Milei représente une sérieuse tentative de remise en question du match-nul hégémonique. En effet, l’équilibre entre fractions de classes crée un espace pour que s’y faufile la fraction montante : la bourgeoisie financière, dont le développement est concomitant à celui du secteur financier.

Cependant, Milei a souvent été présenté comme un outsider de la politique, image qu’il a largement contribué à construire. Habitué des plateaux télé, l’économiste libertarien compense le manque de reconnaissance de ses pairs par une popularité médiatique basée sur les prises de position prétendument disruptives. L’État serait l’ennemi à abattre. L’entité qui a privé de liberté les Argentins durant la pandémie est aussi celle qui leur « vole leurs richesses » à travers les impôts. Au nom d’une liberté radicale, il appelle à privatiser les trottoirs, à déréguler la vente d’organes, à détruire l’État, à brûler la Banque Centrale et à dollariser l’économie. Mais surtout, il s’agit de « combattre la caste », qui serait globalement composée de la classe politique, de l’ensemble des fonctionnaires et bien sûr, des syndicalistes.

Ce discours fait rapidement mouche chez une catégorie de la population jusqu’alors peu identifiée par la science politique argentine : les insuffisamment pauvres pour accéder aux aides sociales, et insuffisamment insérés socialement pour jouir des conquêtes du mouvement ouvrier liées au salariat formel (Ruggeri, 2023). Souvent jeunes, peu diplômés, auto-entrepreneurs à faible revenus vivant chez leurs parents, percevant les intellectuels de gauche comme donneurs de leçons, les allocataires comme des assistés, ces électeurs adhèrent rapidement à un discours qui leur procure l’occasion de prendre une certaine revanche sociale.

Les statistiques électorales du second tour vont en ce sens, qui oppose le candidat du péronisme Sergio Massa à Javier Milei. Ce dernier obtient 63,5% des voix des auto-entrepreneurs (contre 30% pour Massa), presque neuf militaires sur dix et sept policiers sur dix votent pour le candidat libertarien. Il obtient aussi le soutien du secteur financier, avec 52% du personnel de la finance qui vote pour lui (contre 39% pour Massa) ou encore des inactifs, qui le plébiscitent à hauteur de 51,9% des voix (contre 41,8% pour Massa).

S’arrêter ici pourrait valider l’idée selon laquelle la sociologie électorale d’un candidat dévoilerait sa vraie nature. Ce campisme électoral ne permet pas de voir que le simple fait que de très nombreux ouvriers votent pour un parti ne suffit pas à faire de celui-ci un parti ouvrier. Preuve s’il en est, Milei est majoritaire chez les ouvriers (52,3%), alors que le candidat péroniste ne fait que 41,6%. Affirmer que le parti La Libertad Avanza serait un parti ouvrier serait au mieux une incroyable pirouette intellectuelle et au pire un acte fabuleux de mauvaise foi.

Autre chiffre surprenant : le vote par affiliation partisane. Alors que l’on pourrait s’attendre à ce que les adhérents au Partido Justicialista (le parti péroniste) votent comme un seul homme pour le candidat péroniste, un tiers de cette catégorie préfère donner sa voix à Javier Milei. De quoi remettre en question les – déjà peu opérants – clivages partisans.

Mais aussi, Milei obtient de très bons scores chez les salariés du secteur public (45,3%) ou encore chez les scientifiques et autres « professions intellectuelles supérieures » (56,8%).

La première leçon à tirer de ces résultats est que Sergio Massa, le ministre de l’économie d’Alberto Fernandez (péroniste de centre-droit), n’a pas représenté une alternative pour les travailleurs. Sa stratégie de « décornerisation », basée sur le présupposé qu’il ne faut pas « effrayer l’électorat », que son virage à droite permettrait de d’empiéter sur les plate-bandes de Javier Milei tout en ayant comme garantie que tout ce qui se trouve à sa gauche votera pour lui paraissait infaillible sur un plan logique, mais s’est avérée être une catastrophe électorale. A croire que le seul clivage gauche-droite ne recouvrirait pas toute la réalité politique d’un pays.

Un plan de stabilité macroéconomique très profitable pour le secteur financier

Dans la mesure où le vote Milei est somme toute très transversal, sa sociologie ne permet pas vraiment de caractériser politiquement le personnage.

Alors, de quoi Javier Milei est-il le nom ? Est-il l’outsider anti-caste qu’il disait être ? Cette question pouvait être répondue dès le second tour, lorsque son parti réalise un accord électoral avec le PRO, le parti de la droite traditionnelle argentine. Autrement dit, avant d’entrer en fonction, Milei s’apprête déjà à gouverner avec « la caste » qu’il dénonçait la veille.

Les accointances de Javier Milei avec Elon Musk ou avec des agents dominants du champ de la finance et de l’e-commerce en Argentine ne sont pas simplement idéologiques. Derrière les mises en scène spectaculaires, comme lorsque le Président argentin offre une tronçonneuse dorée à Elon Musk, se cache la relation entre le secteur financier étranger et domestique – en montée – et son poulain libertarien.

Car si la sociologie électorale de l’intéressé ne permet pas d’en déduire totalement la teneur politique, sa politique économique est bien plus éclairante à ce sujet. Sous couvert de recherche de stabilité macro et de combat contre l’inflation, se cache en réalité un transfert de ressources considérable vers le secteur financier. L’exemple le plus concret est celui du carry trade, qui donne lieu à ce que les Argentins surnomment « la bicyclette financière ».

Le mécanisme est simple. Afin de stopper – officiellement – la dépréciation du peso, les autorités monétaires argentines cherchent à rendre la monnaie nationale attirante. Pour cela, certaines administrations publiques – dont la Banque Centrale – émettent des titres libellés en pesos, très rémunérateurs, et à durée de vie relativement courte. Avec ce système, si l’on démarre, par exemple, avec 100 dollars US, il est possible de les échanger contre des pesos à un taux X. Puis, en plaçant ces mêmes pesos dans les titres tout juste mentionnés, l’investisseur empoche une juteuse rentabilité, toujours en pesos, qui surpasse amplement l’inflation domestique et la dépréciation. L’investisseur n’a plus qu’à racheter des dollars, s’il veut sortir du jeu, au même taux X et empocher une rentabilité dollars US cette fois-ci. Lors de certaines périodes ce système a permis, avec une mise de départ de 100 dollars US, d’en retirer 125 un an plus tard.

Il est évident qu’un investissement financier dans un pays périphérique comportant une rentabilité en dollars de 25% est clairement insoutenable. En effet, d’où sortent les 25 dollars US supplémentaires de notre exemple ? Très concrètement, de la dette extérieure et de la surexploitation des travailleurs argentins.

Mais alors, que se passe-t-il lorsqu’un pays du Sud fait défaut sur sa dette extérieure ? Les créanciers effacent amicalement les comptes ? Le FMI regarde ailleurs ? Non, bien entendu. La domination impérialiste qu’il subit s’abat de toutes ses forces en faisant main basse sur ses ressources. En clair : derrière les accolades avec Elon Musk se cache le pillage du lithium pour les batteries Tesla.

La montée en puissance du secteur financier se voit reflétée dans la production législative. Illustrant l’idée selon laquelle l’État agit comme garant des intérêts des dominants, le gouvernement fait voter un ensemble de lois sous le nom de « Régime d’incitation pour les grands investissements » (RIGI), très favorables à l’extractivisme sans contrôle et au secteur financier, notamment à travers les nombreuses exonérations et incitations destinées à « attirer des capitaux ».

Les perdants du modèle : les travailleurs, le secteur industriel et agro exportateur

La progressive consolidation d’un nouveau bloc dominant, ou bien la montée en puissance de la fraction financière de la bourgeoisie argentine, se traduit par une tentative de mise au pas des autres fractions. Autrement dit, le « modèle Milei » peut se voir comme une tentative de vampirisation du secteur financier envers non seulement les travailleurs mais aussi le secteur agro-exportateur et l’industrie.

Cela se comprend tout d’abord avec la politique monétaire et commerciale argentine. L’ouverture aux importations défavorise logiquement le secteur industriel, au profit des importateurs. Mais aussi, les taux d’intérêt élevés, nécessaires au carry trade, sont une mise à mort de l’industrie nationale, tout comme le peso fort, qui favorise les importations.

Le peso fort est aussi défavorable au secteur agro-exportateur, qui perd en compétitivité, notamment vis-à-vis du géant brésilien.

La vampirisation emprunte aussi la voie de la politique fiscale. Sérieusement mis à contribution sur l’autel de la dette, le secteur industriel mais aussi le secteur agro exportateur sont bien plus imposés que ce que la campagne anti-état et anti-impôts du feu libertarien laissait le supposer. À titre d’exemple, la production métallurgique à la sortie de l’usine est imposée à hauteur de 32% en moyenne, sans compter la TVA, soit deux fois plus qu’au Mexique ou au Brésil. Avec la TVA, ce taux grimpe à 44%.

La dérégulation du commerce extérieur, le peso fort et cette politique fiscale expliquent en bonne partie qu’entre novembre 2023 et août 2024, 38 532 emplois aient été perdus dans le secteur industriel et 879 entreprises dans l’industrie manufacturière aient mis la clé sous la porte.

Les exportations de soja, quant à elles, ont été taxées depuis le début du mandat de Milei – excepté un bref interlude – à hauteur de 33%. La force de frappe de la fraction terrienne de la bourgeoisie argentine a récemment permis de faire passer ce taux à 26%, témoignant de l’existence d’un rapport de forces encore en négociation.

Les principaux sacrifiés demeurent néanmoins les travailleurs et les retraités qui, contrairement à leurs homologues français, sont très touchés par la pauvreté. Le minimum retraite s’élève actuellement à 290 dollars, dans un pays où un jean de marque coûte environ 150 dollars. Le pouvoir d’achat recule, les retraites ne sont pas revalorisées au rythme de l’inflation, et les coupes budgétaires en matière de santé et d’éducation sont drastiques.

Leur triste sort contraste particulièrement avec le traitement réservé à l’un des amis du Président, Marcos Galperin. Ce Jeff Bezos argentin est le CEO de Mercado Libre, le concurrent d’Amazon en Amérique latine, entreprise qui reçoit cent millions de dollars de subsides de l’Etat par an.

Dans le même temps, les manifestations de retraités sont régulièrement réprimées, tandis que la gendarmerie déloge des piquets de grève, et la police de Buenos Aires criminalise les vendeurs de rue, ou les collecteurs de déchets informels.

La montée de personnages comme Javier Milei est davantage la conséquence des mutations récentes du capitalisme et des rapports de force entre les fractions dominantes que le fruit d’une soudaine adhésion des masses à des idées réactionnaires. Elle est aussi rendue possible par le manque d’alternative politique pour les travailleurs, ainsi que par les rouages du scrutin majoritaire à deux tours. En effet, Milei n’arrive qu’en deuxième position au premier tour, avec 30% des voix et force est de constater que Sergio Massa, le « ministre de l’inflation » n’a pas séduit les masses.

On pourra rétorquer que le phénomène Milei n’est pas nouveau, et que l’Argentine a connu des gouvernements ouvertement fascistes – comme la dictature de Videla et Galtieri – et/ou néolibéraux, comme le gouvernement de Mauricio Macri (2015-2019).

Cependant, ce qui semble constituer une nouveauté est la capacité de la fraction financière à diriger durablement le cycle d’accumulation présent. La baisse récente des impôts sur le soja prouve néanmoins qu’elle doit faire certaines concessions à d’autres fractions, capables, dans une certaine mesure, de différer leurs exportations et par là même, de compromettre la stabilité du taux de change.

Dès lors, si les mutations du capitalisme laissent prévoir l’apparition de nouveaux Javier Milei, l’avenir de celui-ci dépend essentiellement de la résolution des conflits entre fractions dominantes mais aussi – et surtout – de la résistance que pourra lui opposer le prolétariat organisé. Par conséquent miser sur l’organisation des travailleurs devient plus que jamais nécessaire.

Sylvain Pablo Rotelli

Sociologue, Maître de conférences en Sociologie à l’Université Toulouse Capitole

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