Édition du 26 mars 2024

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Le Monde

L'Église catholique ne sait plus à quel saint se vouer

Depuis quelque temps, les accusations d’abus sexuels de la part de prêtres (et même d’évêques) à l’endroit de garçons, fillettes et même de nonnes se multiplient, au point d’entacher sa crédibilité dans les pays surtout occidentaux. À entendre ses contempteurs. l’Église aurait été un repère de pervers et sa culture marquée par une homosexualité répandue, bien que larvée. Pourtant, il faut vraiment éviter d’assimiler l’un à l’autre.

On s’aperçoit aujourd’hui à quel point le choix de la haute hiérarchie catholique d’étouffer les scandales de nature sexuelle en son sein a constitué en fin de compte une grave erreur, en plus d’être indéfendable sur le plan moral. S’ils étaient encore de ce monde, les anticléricaux d’il y a un siècle en France, en Italie, en Espagne et ailleurs seraient comblés par le discrédit qui frappe l’institution catholique de nos jours. Mais est-il justifié ?

Plus ou moins.

Une mise au point s’impose d’entrée de jeu : si plusieurs abus sexuels ont été perpétrés par des prêtres et des frères enseignants, on ne peut pour autant affirmer que ces délits étaient le fait d’une majorité de religieux, au contraire. Il faudrait éviter les généralisations hasardeuses. Il n’existe pas (et pour cause !) de statistiques sur ce sujet délicat, mais le simple discernement veut que la plupart de ces gens-là aient été honnêtes et dévoués. Certains éprouvaient sans doute des frustrations sexuelles à cause du célibat obligé au sein de l’Église, mais ils ne s’abandonnaient cependant pas à leurs pulsions au détriment des élèves sous leur responsabilité. D’ailleurs, frustration sexuelle et pédérastie ne se recoupent pas ; tout psychanalyste le sait. L’une n’entraîne pas l’autre. Seule une petite minorité a cédé à ses penchants de contrôle, de domination et de violence . La vérité historique exigeait cette remarque préliminaire.

La culture du silence qui a marqué la politique de l’Église résulte avant tout de sa structure très lourde, bureaucratique et tentaculaire. Elle a été calquée pour l’essentiel sur celle de l’Empire romain finissant, au moment où Constantin a décrété le christianisme religion d’État, après des décennies de persécutions par le gouvernement impérial contre les communautés chrétiennes. D’une certaine manière, le pape au sein de l’Église est donc à sa façon le successeur des anciens emprereurs romains. En témoigne l’autorité doctrinale conférée à celui-ci, aux cardinaux, archevêques et évêques, bref à la haute gomme cléricale. La basse hiérarchie elle, et les fidèles n’avaient qu’à suivre...

On pointe souvent le célibat obligé des prêtres et des frères et la fermeture de la carrière ecclésiastique aux femmes (sauf comme nonnes) pour expliquer le nombre élevé d’abus sexuels commis par des prêtres. Ces éléments entrent en ligne de compte certes, mais ne suffisent pas à tout expliquer.

Oui, les femmes sont victimes de discrimination au sein de l’Église puisqu’elles ne peuvent accéder à la prêtrise. Mais deux interrogations surgissent ici : l’autorisation du mariage des prêtres et des frères aurait-il réglé les problèmes sexuels au sein de l’Église ? On peut aussi se demander si des abus sexuels n’ont pas été commis aussi au sein des communautés de soeurs enseignantes.

Tout d’abord, chez les protestants où les pasteurs ont droit au mariage, on observe des problèmes de relations conjugales, c’est-à-dire de violence envers les femmes, d’infidélité et des difficultés de relations entre parents et enfants. La structure des églises protestantes est plus légère que celle de l’Église catholique, mais cette orientation ne les préserve pas d’abus de pouvoir en leur sein non plus.

À l’instar du mouvement des femmes, il faut y voir les marques du patriarcat qui se nourrit de violence faites aux femmes, aux enfants, de domination et de pouvoir sur d’autre êtres humains. Et ce pouvoir se voit accentué dans des structures ici religieuses, autoritaires et réprimantes.

Ensuite, même si cette question n’apparaît pas sur « l’écran-radar » des discussions actuelles au sujet les problèmes qui affligent l’Église, il importerait comme je l’ai mentionné plus haut de se pencher sur d’éventuels crimes sexuels commis dans des communautés de soeurs enseignantes dans leurs couvents de filles... et là aussi d’étouffement par la hiérarchie catholique d’affaires incriminantes. Les mêmes causes produisent des effets similaires. Mais peut-être que les formes de domination et de pouvoir se traduiraient autrement ». Il faudrait vérifier.

On blâme le célibat obligé des prêtres et des frères pour rendre compte d’une frustration qui aurait conduit aux abus dénoncés de nos jours. Mais dans quelle mesure cette opinion ne vient-elle pas aussi d’une idée reçue contre les célibataires en général, dans des sociétés (les nôtres) qui ont longtemps valorisé le mariage et qui maintenant glorifient les relations sexuelles pour elles-mêmes, dans ou hors mariage ? Révolution des moeurs oblige...

La difficulté de se mettre à bien des égards au diapason de l’époque contemporaine occidentale fait que la vénérable hiérarchie catholique se trouve en porte-à-faux avec lui.

L’hédonisme dans lequel baignent la plupart des sociétés occidentales défavorise sa morale austère, son autoritarisme souvent teinté d’hypocrisie.

L’Église catholique a beaucoup de péchés à se faire pardonner...mais qui dispose de l’autorité pour la réformer ? Le pape-empereur ?

Jean-François Delisle

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