Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

L’aide sociale doit être accessible

Lorsqu’on discute de la taille future de la fonction publique québécoise, on oublie souvent de considérer l’impact cumulatif des réductions de personnel de première ligne sur les services à la population, en particulier pour ceux et celles dans notre société qui ont le plus besoin de support pour s’y retrouver dans les programmes sociaux.

Depuis 2009, le programme d’aide de dernier recours - ou d’aide sociale comme on le nomme couramment – a connu de profondes transformations dans sa façon de traiter les demandes de service, avec des conséquences majeures pour les nouvelles personnes appliquant à l’aide sociale.

Dans le passé, lorsqu’une personne appliquait à l’aide sociale, elle recevait une lettre d’un agent ou d’une agente la convoquant à une rencontre initiale au Centre local d’emploi. Cette lettre pouvait aussi demander à la personne d’apporter à la rencontre certains documents servant à déterminer son admissibilité. Si cette dernière se trouvait dans l’impossibilité de produire tous les documents demandés lors de cette rencontre, une discussion s’en suivait pour déterminer quels documents pourraient servir de substituts acceptables ou encore l’aider à obtenir les documents en question.

Cette impossibilité de produire certains documents est une situation fréquente : parfois les documents demandés sont anciens, ont été perdus ou nécessitent des démarches compliquées avec un membre de la famille, un ancien employeur, etc. Or, un document alternatif peut souvent suffire pour établir les informations recherchées.

Depuis 2009, les personnes qui appliquent à l’aide sociale n’ont plus la possibilité de participer à ces rencontres initiales. On leur demande simplement de venir déposer leurs documents. Si la personne qui applique téléphone parce qu’elle n’a pas un des documents demandés, on la transfère vers le Centre de communication avec la clientèle (CCC) où elle parlera à une personne membre du personnel qui ne dispose pas de son dossier complet.

Bien que cette description puisse être étourdissante à lire, l’expérience de la bureaucratie est pire pour les personnes qui tentent d’accéder au système d’aide sociale. Les difficultés administratives qui sont imposées à ces personnes sans revenu ont des impacts dévastateurs. L’aide sociale n’est pas un « revenu alternatif » ; c’est le dernier rempart entre les gens et la rue. Pour appliquer à l’aide de dernier recours, il faut avoir épuisé toutes ses économies, si bien que de nombreuses personnes qui viennent dans les groupes communautaires pour obtenir de l’aide avec leur application font face à des évictions pour loyer impayé.

De plus, ce programme d’aide existe pour les personnes les plus appauvries, des personnes qui font souvent face à des problèmes de santé, à divers handicaps ainsi qu’à des obstacles sur le marché du travail tels que l’analphabétisme ou la discrimination. Ces personnes ont le droit de recevoir une aide suffisante dans leurs démarches lorsqu’elles appliquent à l’aide sociale. Pourtant, une enquête menée par notre coalition auprès d’une soixantaine d’organismes communautaires à travers le Québec, au printemps dernier, révèle que 80% des groupes sondés ont des difficultés à contacter les centres locaux d’emploi pour obtenir ou donner de l’information sur la situation des prestataires qu’ils accompagnent. Plus alarmant encore, 95% des répondant-e-s à l’enquête estiment que l’impossibilité de contacter rapidement l’agent-e en charge du dossier conduit à un allongement du délai pour obtenir un premier chèque d’aide sociale.

Suite à l’appel aux urnes actuel, notre coalition a demandé aux principaux partis de prendre des engagements clairs face aux problèmes d’accès à l’aide sociale, entre autre, quant au rétablissement du contact direct avec l’agent-e responsable du dossier de la personne prestataire et de l’offre de la rencontre initiale lors de l’application. Nous trouvons inquiétant que le Parti Libéral du Québec et la Coalition Avenir Québec n’aient pas encore rendu public leurs positions sur ces questions. Les compressions budgétaires des dernières années ont créé la situation actuelle. Le futur gouvernement devra agir pour que les Québécois et Québécoises les plus pauvres ne fassent plus les frais de la réorganisation des services publics.

Christopher Schwartz

Pour la Coalition pour l’accessibilité aux services des centres locaux d’emploi.

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...