Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le Conseil national du PQ se contente d'une unité de façade et d'une posture d'ouverture au changement

Le Conseil national aurait été un moment fort d’une évaporation de la crise du Parti québécois. Comment les appels de l’ancien chef, Bernard Landry, appelant à replacer la souveraineté au centre de l’action du Parti québécois et sa dénonciation de la gouvernance souverainiste ont-ils pu être ignorés superbement ? Comment l’accumulation de sondages désastreux qui avaient nourri la crise de direction du parti a-t-elle pu être écartée du revers de la main ? Comment les démissionnaires d’hier sont-ils tombés dans l’oubli ? Comment les divisions ont-elles pu disparaître aussi rapidement ?

Si le Conseil national a été un moment fort d’une évaporation de la crise du Parti québécois c’est qu’il ne pouvait en être autrement. Devant l’approche des élections, face à l’absence d’aspirant déclaré, confronté à des perspectives plus douteuses de la Coalition pour l’avenir du Québec, il ne restait plus pour les députés péquistes qu’à serrer les rangs, à foncer et à espérer que les dés rouleront en leur faveur.

Une page est tournée

Dans son discours d’ouverture, Pauline Marois campe la situation et les tâches du parti. Il faut réaliser l’unité du Parti et construire un front uni contre le tandem Charest-Legault, complice objectif du gouvernement Harper qui est, depuis fort longtemps, le plus dévastateur pour le Québec. Par leur rôle d’apôtres du statu quo, les Charest-Legault sont les complices objectifs de ce gouvernement fédéral qui méprise le Québec. L’axe de la prochaine campagne électorale est tracé. Et l’offensive fédérale pour le rapetissement et la marginalisation du Québec est en effet, ressenti, par nombre de Québécois-e-s comme odieux. Cette partie peut être jouée.

La gouvernance souverainiste reste l’orientation stratégique privilégiée

Dans ce contexte, la lettre de Bernard Landry ne correspond plus à rien. C’est le passé. C’est la nostalgie. On peut bien garder le cap sur la souveraineté, pourvu que cette dernière soit un horizon lointain. La conjoncture électorale permet de consolider pour toute une période la victoire contre les indépendantistes que constitue la stratégie autonomiste de la gouvernance souverainiste. L’avenir de la souveraineté reposera dans les mains des responsables gouvernementaux péquistes qui feront, peu à peu, la preuve de la nécessité de la souveraineté, en tentant d’apporter des réformes du fédéralisme canadien. Pour ce qui est des voies de la rupture avec l’État canadien, on verra plus tard. La direction Marois accepte enfin de jeter des concessions formelles aux indépendantistes en mettant sur pied un comité pour la souveraineté, mais rien de plus. Mais, elle garde le cap sur la gouvernance souverainiste.

Envisageons de changer, marginalement, la politique et la démocratie

Et tout les débats sur les changements à apporter à la démocratie voulaient répondre à la délégitimation de la politique qui se manifeste avec force dans des parties importantes de la population. Plusieurs propositions démocratiques sont avancées. Mais, on contourne les problèmes essentiels et on multiplie les bémols sur les propositions qu’on ose adopter. L’interdiction du passage d’un-e député-e à un autre parti et la nécessité d’une élection complémentaire sont des positions en phase avec le respect du vote populaire. L’abaissement de l’âge légal pour exercer son droit de vote de 18 à 16 ans, les élections à date fixe, la tenue par les député-e-s d’assemblées publiques régulières dans leur circonscription vont dans le bon sens.

Mais l’introduction du vote proportionnel est maintenant superbement ignorée. On parle de démocratie, mais le Conseil national ignore une mesure phare des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques. Le Conseil national préfère ignorer l’importance que tous les votes des citoyens et citoyennes comptent. Il préfère maintenir un mode de scrutin qui empêche que les différents courants d’opinion qui existent dans la population du Québec puissent trouver une voix au parlement. Le Conseil national se contente d’explorer le scrutin uninominal à deux tours qui a l’avantage de corriger les biais dans la répartition des partis dominants. Mais rien de plus. Ici, encore une fois, dans l’histoire de ce parti, les intérêts étroitement partisans priment sur la défense de réformes authentiques favorisant l’amélioration des institutions démocratiques.

On ignore tout aussi superbement la discussion sur la nature des institutions de l’État québécois qui concentrent l’essentiel du pouvoir dans les mains du premier ministre et de l’exécutif, qui place le parlement sous la tutelle gouvernementale. Quand on désire réformer les institutions à la marge, il est naturel qu’on ferme les yeux sur les principaux obstacles à un fonctionnement réellement démocratique des institutions.

Le débat sur les référendums d’initiative populaire ou comment ouvrir une porte débouchant sur un mur de briques

Le débat sur les référendums d’initiative populaire est de la même eau. L’ouverture de la direction Marois participait de la gestion des contradictions internes. Alors qu’elle avait reporté la perspective d’un référendum sur la souveraineté aux calendes grecques, elle a opéré un recul formel sur le référendum d’initiative populaire pouvant porter, entre autres, sur la tenue d’un référendum sur la souveraineté. Pourtant, en 2008, elle avait fait battre à plate couture cette proposition.

Mais la crise l’a fait réfléchir. Pourquoi ne pas faire une concession formelle aux partisans d’un référendum. Cette concession est tout à fait formelle, en effet, car si le principe de référendum d’initiative populaire a été adopté, comment va se concrétiser ce principe et ce que va en faire un éventuel gouvernement Marois sont pour le moins hasardeux. On sait que Pauline Marois n’a pas participé au vote. On nous dit également qu’elle ne sait pas s’il doit être exécutoire ou consultatif. Elle s’interroge également sur un possible veto de l’Assemblée nationale sur les résultats d’un éventuel référendum d’initiative populaire. Elle ne demande pas son introduction maintenant dans un projet de loi à l’Assemblée nationale.

Le PQ a pu présenter, sous forme de projet de loi, une constitution pour le Québec, mais il n’a pas l’intention de présenter un projet de loi définissant la réalité et les modalités d’un référendum d’initiative populaire. Son application éventuelle sera le fait d’un gouvernement péquiste qui devra le mettre de l’avant et consulter la population du Québec. Le député Drainville y a vu une grande victoire. On pourrait plus justement y voir une porte ouverte sur un mur de briques. En fait, la question de la stratégie pour la souveraineté n’a pas réellement avancé dans ce débat.

Le Conseil national du devoir d’unité devant la campagne électorale qui approche

Dénégations et refoulements des débats véritables, propositions de réforme de la vie démocratique qui évitent les enjeux les plus importants, le Conseil national devait tourner une page, il l’a fait. Les résultats du dernier congrès s’imposent peu à peu à la famille péquiste malgré qu’elle doive larguer des secteurs qui, hier encore, en étaient partie prenante. Une unité de façade d’un parti lézardé incapable de porter un véritable projet d’avenir et de mettre le cap sur l’indépendance !

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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