Édition du 6 mai 2025

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Politique québécoise

Les États généraux pour prendre la parole sur des enjeux au coeur du projet de pays !

La perspective de la tenue d’États généraux durant les prochaines années pourra s’imposer malgré les réticences des politiciens professionnels, malgré une conjoncture politique électorale qui peut nous être imposée à tout moment par le premier ministre agissant au gré des sondages. Si on comprend qu’il est plus que jamais temps, en cette période de crise économique et de tournants politiques brusques, de faire le bilan de la situation collective du peuple du Québec, de définir à l’heure de la mondialisation les grandes lignes de notre avenir socio-économique et de notre avenir politique comme peuple.

Pour les Harper, Rae, Charest, Legault et cie, les questions de notre avenir politique ne seraient pas à l’ordre du jour. La situation ne serait pas mûre. En fait, c’est de leur part la reconnaissance implicite de l’impossible réforme du fédéralisme canadien qui tend, dans son fonctionnement quotidien, à réduire le poids politique et les droits du Québec à la portion congrue.

Le peuple du Québec n’aurait rien à dire sur le fait qu’il est associé par la fédération canadienne aux folies des dépenses militaires de plus en plus massives, au développement d’énergies fossiles dangereuses pour l’avenir de la société humaine, au travestissement de la démocratie où des minorités élues s’attaquent aux conditions d’existence du plus grand nombre en toute impunité.

Nous sommes maintenant à l’heure où il ne faudrait plus parler de notre avenir, de notre volonté comme peuple de se prendre en main. Certains osent encore prétendre que notre émancipation du statut de minorité politique, notre indépendance, n’est plus à l’ordre du jour et que les seules questions importantes seraient les questions d’intendance.

Prendre la parole sur des enjeux au coeur du projet de pays

Ces États généraux expriment la volonté de dépasser l’impasse provincialiste où le parti politique qui prétendait nous conduire à l’indépendance nous a enfoncés. L’indignation devant ce rapetissement de nos aspirations a obligé la direction péquiste à lâcher du lest. Il faut profiter de cette situation pour s’engager dans la mise en place d’États généraux pour, collectivement, prendre la parole, étudier, tracer des perspectives sur les enjeux fondamentaux qui nous confrontent comme société. Les États généraux peuvent être une occasion importante, s’ils sont combinés à notre mobilisation contre les dérives antidémocratiques, antisociales, antipopulaires et antienvironnementales de l’oligarchie régnante qui a administré le Québec ces dernières décennies comme son affaire et qui salive à l’idée de pouvoir continuer son manège.

Maître chez nous. La question du contrôle de nos ressources et de nos choix économiques collectifs doit être rediscutée largement. Le mouvement contre l’exploitation des gaz de schiste a posé cette question dans le quotidien. Le plan de bradage des ressources minières au profit des entreprises privées étrangères a soulevé les plus grandes inquiétudes. Les choix de développement doivent être discutés et faits collectivement.

Le mode de scrutin uninominal conduit à des résultats aberrants et entrave l’expression des différentes sensibilités politiques qui existent au Québec. Le mode de scrutin proportionnel est essentiel. Même lorsque des consensus se dégagent clairement à ce niveau, les pouvoirs en place réussissent toujours à l’ignorer. Mais c’est un ensemble de débats démocratiques, y compris le dépassement de l’inégalité de genre dans nos institutions économiques et politiques. Les États généraux doivent relancer ce débat. Et ce n’est qu’une dimension des questions de réformes démocratiques qui doivent être mises en place.

La corruption empeste l’atmosphère. Les richesses se concentrent dans les mains des plus riches. La répartition de la richesse collective est de plus en plus injuste avec la défiscalisation des avoirs et des revenus des plus riches. Quelle réforme apporter à la fiscalité ? Comment assurer un partage plus égalitaire des richesses ?

L’immigration est devenue une dimension essentielle de notre société en cette époque de mondialisation. Comment favoriser une intégration économique, sociale et politique véritable ? Comment tenir compte de la pluralité de nos sociétés ? Quelle place à la laïcité dans cette problématique ? Comment faire du Québec une "société métissée serrée" ? Ce sont là des questions incontournables à notre époque pour définir le pays que nos voulons.

Donner le temps à la prise de parole par le plus grand nombre...

Les États généraux peuvent permettre d’ouvrir et d’élargir la discussion et d’offrir un champ à la confrontation des analyses et des perspectives en stimulant la participation du plus grand nombre. Mais pour cela ils doivent se donner le temps. Se donner le temps d’écouter, de questionner, d’animer et de tracer les synthèses pour demain. Des années de consultations populaires seront nécessaires. Rappelons-nous que les États généraux du Canada français s’étaient étendus sur 30 mois.

Ce sont toutes les régions, toutes les organisations économiques, sociales, culturelles et politiques et l’ensemble des citoyens et des citoyennes qui doivent être mobilisés dans ce vaste exercice de démocratie participative... Nous sommes plus que jamais outillées avec l’existence de nouveaux réseaux sociaux , pour permettre que les citoyen-ne-s pris individuellement et les organisations apportent leur contribution à ce qui pourrait devenir un vaste débat collectif débouchant sur des propositions pour ce projet de pays.

Le Nouveau Mouvement pour le Québec soulignait qu’il fallait s’inspirer comme modèle d’organisation des états généraux du Canada français. En effet, il faut parvenir à assurer la transparence et la représentativité et placer au coeur de l’organisation, des forces représentatives de cette volonté d’indépendance et de souveraineté populaire. Sans parler, qu’à notre époque les portes-parole de ces États généraux devront comprendre des hommes et des femmes de façon paritaire.

Les questions stratégiques sont inévitables, mais elles ne sont pas premières...

Marois a déjà affirmé qu’il ne sera pas question de remettre en question la gouvernance souverainiste. Comment peut-on parler sérieusement d’états généraux si on refuse d’emblée de tout mettre sur la table. Les questions liées à la stratégie politique ne sont pas une affaire privée comme ont pu le répéter à satiété certaines personnes. Poser les questions stratégiques est incontournable. Comment enraciner la perspective indépendantiste et en faire une perspective majoritaire ? Comment parvenir à défendre victorieusement les revendications que nous voulons omettre de l’avant ? Par quelles voies l’indépendance du Québec pourra-t-elle se réaliser ?

Gouvernance souverainiste, élections référendaires, référendums (y compris référendum d’initiative populaire), mise en place d’une constituante... Quelles sont les formes de mobilisations qui permettront de construire l’unité suffisamment déterminée pour imposer notre volonté à l’État fédéral ? L’avantage des débats sur ces questions stratégiques n’est pas de parvenir à un consensus confus, mais d’éclairer les orientations qui sont devant nous. Les défenseurs et défenderesses d’orientations précises auront à faire la preuve de leur pertinence et de leur dimension propulsive dans la lutte pour notre indépendance...

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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