Édition du 26 septembre 2023

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Syndicalisme

Les priorités syndicales en 2013 : se donner les moyens de ses fins

Les principales centrales syndicales québécoises, la CSQ, la CSN et la FTQ ont fait part de leurs priorités pour la nouvelle année. Bien que de nombreux objectifs intéressants s’y retrouvent, il est permis de douter de la concrétisation de tels objectifs car la stratégie pour les obtenir est plutôt fantomatique. On préfère faire appel à la bonne volonté du gouvernement.

CSQ : pour un sommet sur la fiscalité malgré le PQ ?

La CSQ plaide pour un sommet sur la fiscalité et des mesures visant à renforcer les services publics, notamment mais pas seulement dans le milieu de l’éducation. Selon la CSQ, la tenue d’un tel sommet est rendu nécessaire « par la volonté du gouvernement d’atteindre l’équilibre budgétaire à tout prix. » La CSQ poursuit : « Malheureusement, sous la pression des milieux d’affaires, le gouvernement Marois s’est lui-même privé de nouveaux revenus en instaurant seulement l’un des deux nouveaux paliers d’imposition promis pour les hauts revenus et en omettant de réformer la fiscalité sur les dividendes et les gains en capital. Il s’est également privé de revoir à la hausse les redevances minières et d’abolir la taxe santé. (…) « Cet exemple démontre bien que même si les Québécoises et les Québécois ont élu un gouvernement social-démocrate le 4 septembre dernier, il est malheureux de constater que les gens d’affaires exercent encore une influence démesurée sur le pouvoir à Québec. D’ailleurs, les orientations budgétaires adoptées par ce même gouvernement ont été saluées ouvertement par les chambres de commerce. »

La CSQ semble aveuglée par l’étiquette de “social-démocrate” qu’elle accole au PQ. La centrale devrait savoir que la social-démocratie, à l’échelle mondiale, ne représente guère plus qu’une autre facette de l’austérité imposée par l’oligarchie. Que les Hollande, Soares, Papandreou ou Blair de ce monde ont fait la démonstration sans équivoque de leur fidélité aux réformes régressives imposées par le patronat souvent avec plus de zèle que les partis de droite traditionnels. Par ailleurs, le PQ ne peut même pas se targuer de l’étiquette de social-démocratie “historique” n’ayant aucun lien avec ce courant issu du mouvement ouvrier. La direction péquiste apprécie ce vernis de gauche lorsqu’elle se retrouve dans l’opposition mais elle se presse de larguer le tout lorsqu’elle prend les rennes du pouvoir. L’étiquette “social-démocrate” est à ce point galvaudée que même le maire de Québec Régis Labeaume se vante d’être un social-démocrate intégriste. Bref, avec le récent épisode entourant la taxe santé, le PQ ne veut plus vivre ce genre de débat. Donc, si un tel sommet devait voir le jour, ce serait contre la volonté du gouvernement et grâce à une mobilisation massive, ce qui est absent des perspectives de la CSQ. Alors, prétendre que le PQ pourrait avoir quelques affinités que ce soit avec le mouvement syndical constitue un leurre ou une amnésie des récents événements et des politiques péquistes des dernières décennies.

La FTQ : “convaincre” le gouvernement

La FTQ souligne à juste titre que l’année 2012 a été une catastrophe pour le mouvement ouvrier. Fermetures d’entreprises, délocalisation, négociations collectives détournées par les gouvernements à coup de lois spéciales. Tout a été fait pour affaiblir le mouvement ouvrier organisé et décourager les volontés de résistance. La FTQ analyse la conjoncture comme étant une offensive généralisée contre les organisations syndicales, notamment par la remise en cause de la formule Rand aux États-Unis. Dans un même temps, elle dénonce la privatisation des services publics et les coupures qu’il subit. Elle souligne que l’enjeu entourant les régimes de retraites sera une priorité pour l’année qui débute. Elle souhaite une exploitation des ressources naturelles en favorisant la deuxième et la troisième transformation au Québec plutôt qu’à l’étranger. Elle promet « d’agir dans le meilleur intérêt des membres qu’elle représente. »

Pour remettre la politique en faveur du développement de services sociaux de qualité, la FTQ veut « convaincre le gouvernement de la nécessité de repousser le retour à l’équilibre budgétaire. Si les principaux acteurs y mettent toute leur volonté, la bonification, en 2013, des régimes publics de retraite et le développement d’une véritable stratégie économique au service du Québec pourraient voir cette tendance inversée. » Comme si le problème avec l’oligarchie, le patronat et toutes ces organismes qui les représentent se résumait à une question d’attitude ou de bonne volonté. Or, les récents événements depuis l’élection du PQ montrent que le patronat sait ce qu’il veut (la mise à sac des programmes sociaux et une cure ultra-minceur des services publics avec à la clé, la réduction au minimum des volontés de résistance populaire à ces mesures). Le PQ a fait la démonstration qu’il se range du côté patronal, qu’il n’est pas un parti construit pour résister aux pressions des dominants.

Une stratégie qui s’appuie sur la seule volonté de convaincre le gouvernement et de faire appel à la bonne volonté des dominants ne fera rien pour déplacer le rapport de force défavorable aux mouvement ouvrier et continue d’entretenir des illusions sur ce que le PQ peut livrer sans une mobilisation massive des syndiquéEs et des classes populaires.

Par ailleurs, la FTQ est silencieuse sur tous les enjeux entourant le nécessaire virage écologiste de la production québécoise. Considérant les derniers développement concernant les risques de réchauffement du climat, la FTQ devrait se saisir de cet enjeu mais, de toute évidence, l’utilisation encore plus massive d’énergies fossiles souhaitée par le PQ, la sortie du nucléaire ou le virage dans l’électrification des transports, pourtant identifié comme un enjeu majeur par l’Alliance sociale avant les récentes élections, ne font pas partie des observations et revendications de la FTQ. Une grave lacune.

La CSN veut briser la régression sociale

La CSN identifie l’appauvrissement généralisé comme un enjeu majeur. Elle fait un panorama des régressions sociales que représente l’augmentation de la fréquentation des banques alimentaires, les pertes d’emplois dans le secteur manufacturier (160 000 en 10 ans), les revenus nets qui font du surplace, les importantes attaques contre le droit à une retraite hors de la misère et un endettement massif des ménages. Elle souligne avec raison les coûts économiques de la corruption. La grande majorité des minières actives au Québec n’ont pas versé un sous en redevances au trésor québécois. Le PQ est tout aussi intégriste que le PLQ (et que la CAQ) quant à l’objectif de déficit zéro. Pour corriger la situation, la CSN vise « à forcer une meilleure répartition de la richesse. »

Par contre, on demeure silencieux sur les façons de parvenir à forcer le gouvernement à bifurquer du chemin qu’il a d’emblée emprunté, celui d’une politique favorable au patronat. Ambitieux, les objectifs de la CSN, tout comme ceux de la CSQ et de la FTQ, demeurent virtuels sans un plan d’action qui permettrait de changer le rapport de force.

Plus jamais de luttes isolées

De nombreuses luttes ont jalonné l’année 2012. Rappelons-nous de la bataille à Rio Tinto Alcan à Alma. Ou la résistance à la fermeture chez Aveos et la lutte des retraitéEs dans l’industrie des pâtes et papiers, en particulier à la White Birch de Québec. Ou les nombreuses fermetures d’entreprises comme Mabe ou Electrolux ou encore de Technicolor. De plus, les gouvernements fédéral et provincial ou même municipaux y vont d’une charge à fond de train contre les acquis chèrement gagnés. Ces nombreuses confrontations ont malheureusement souvent tourné à l’avantage des patrons. Pourquoi ?

Les centrales syndicales misent sur des opérations de lobbying davantage que sur les actions de mobilisation de masse dans la rue. C’est l’héritage de décennies de concertation syndicale-patronale qui n’ont eu pour effet que de démobiliser la base, de leurrer les gens dans les traquenards des ententes négociées derrière les portes closes et de perdre de vue ce qui, dans le passé, a payé : la solidarité inter-syndicale et la mobilisation massive des classes ouvrières et populaires. Le mouvement étudiant fut le seul qui, récemment s’est approprié ces outils pourtant fort utiles au mouvement syndical pour arracher à l’État les acquis d’aujourd’hui. Et il est le seul mouvement qui peut prétendre dans la période récente avoir fait reculer le gouvernement lors d’une offensive majeure contre certains de ses acquis.

Le patronat est à l’offensive partout et en particulier au Canada et au Québec. L’épisode du virage du PQ sur la question de la fiscalité devrait être suffisamment révélateur pour jeter le discrédit sur la notion de parti qui pourrait représenter un véhicule adéquat pour le mouvement ouvrier et populaire afin de reprendre l’initiative. Le PQ est un parti qui tente de convaincre le patronat du réalisme de son approche pour apporter davantage de richesses à l’oligarchie. Il ne représente en rien un outil de résistance aux offensives patronales. Pour renverser le rapport de force, il devient de plus en plus urgent de revenir à la base : solidarité avec tous les groupes de salariéEs en lutte, démocratie à la base et rupture avec le PQ.

Il faudra aussi intégrer des questions du virage écologiste, des femmes qui vivent la crise actuelle et à venir plus péniblement encore et d’être un facteur d’unité dans la construction d’une mobilisation populaire contre les politiques néolibérales du PQ, du PLQ ou de la CAQ. Un vaste chantier qui risque d’être davantage efficace qu’une série de voeux pieux visant à faire entendre raison au patronat.

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