Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Commission parlementaire sur le projet de loi 204

Mais c’est la cour du roi Pétaud…

Les débats sur le projet de loi 204 tout comme le débat sur les gaz de schiste, sur la présence du Canada en Afghanistan, sur les dépenses militaires souffrent tous du déficit démocratique caractéristique du capitalisme mondialisé du XXIe siècle. Les classes dirigeantes prônent la réduction maximale de l’espace démocratique et les décisions en vase clos, entre amis.

L’issue de la commission parlementaire sur la loi 204 n’était pas connue que 3 poids lourds de la députation péquiste démissionnent. L’exercice de la commission parlementaire visait à fournir les parapluies juridiques afin de mettre à l’abri le maire Régis Labeaume d’éventuelles poursuites conséquantes à l’entente négociée avec Québecor sur la gestion du futur amphithéâtre de Québec. L’opposition formelle d’Amir Khadir a permis que le débat se fasse au grand jour et à identifier le rôle de chacun. Le PQ s’est proposé en porteur de valise des projets alambiqués du maire de Québec avec les conséquences que l’on connaît.

Dans les commentaires écrits sur les sites web d’information, un message est répété plus souvent qu’à son tour : enfin, quelques éluEs qui se tiennent debout. C’est l’expression du symptôme d’un ras-le-bol populaire contre les vieilles formations politiques comme celui qui s’est exprimé lors des dernières élections fédérales alors que le NPD a bousculé les conservateurs, les libéraux et le Bloc au Québec. Bien sûr, le courage des démissionnaires sera probablement de durée limitée puisque les trois envisagent de retourner au PQ lorsque les choses se seront tassées et notant qu’« il n’y a jamais rien d’impossible ». Amir Khadir n’a pas attendu la dernière minute pour agir afin de faire respecter un minimum de démocratie.

Mais nous avons ici un cas bien représentatif de la tendance lourde des démocraties parlementaires à réduire le débat public à sa plus simple expression, en favorisant les manoeuvres d’appareils au détriment du débat public. Les démissionnaires ont bien identifié non seulement le geste du PQ d’appuyer les façons de faire du maire Labeaume mais aussi tout le processus en catimini qui a mené à cette décision. « La cause plus profonde de ma démission concerne une certaine façon de faire de la politique », a-t-elle ajouté, déplorant la rigidité de la ligne de parti. Elle dit retrouver une « liberté de parole totale » a déclaré Lisette Lapointe. L’oligarchie péquiste est pointée du doigt pour sa façon de type bulldozer d’imposer la ligne du parti. Il fallait voir l’intervention du député de Chambly suite à la présentation de Denis De Belleval pour constater que le PQ a mis toute la gomme pour appuyer le projet.

Observant ce mouvement, Jean Charest doit sérieusement envisager le déclenchement d’élections dès cet automne, question de profiter de la crise péquiste, de prendre de court François Legault et d’apparaitre dans ce brouhaha comme une solution de continuité. Ce qui laisse un espace pour Québec Solidaire qui offre une approche radicalement différente des débats publics et d’une démocratie citoyenne.

La droite veut imposer son programme

Les radio de droite de Québec ont annoncé leur union dans la bataille pour une équipe de la LNH. En effet, CHOI-FM (Radio-Nord) et le 93,3 (Cogéco) ont décidé d’unir leurs voix afin de faire la promotion du futur amphithéâtre et du retour de la LNH à Québec. Outre l’aspect inhabituel d’une telle alliance, deux entreprises privées concurentes qui s’allient, force est de constater que les intérêts politiques sont à ce point importants pour provoquer un tel rapprochement.

Le menaces du maire Labeaume lors de la commission parlementaires concernant le sort de l’entente au-delà du 7 septembre si la loi 203 étaient à la hauteur de cette urgence. Elles tenaient du chantage : « Sinon, y’en aura plus d’entente. C’est-tu clair ? Y’en a aura plus ! » criait le maire lors de son passage à l’Assemblée nationale. Les libéraux, le ministre des Affaires municipales Laurent Lessard en tête, ont saisi la balle au vol et intégreront le projet de loi 204 dans une loi omnibus que complètera l’exergice de faire fi de l’opinion citoyenne.

La semaine d’Amir

Le député de Mercier et représentant de Québec Solidaire a connu une semaine fort active. En plus de représenter la seule voix parmi les éluEs à remettre en question la légitimité du projet de loi 203, il a amené Lucien Bouchard à montrer son vrai visage dans le cadre de la commission parlementaire sur la loi sur les mines. De plus, il a fait le tour du monde médiatique avec sa déclaration sur la visite du couple princier britannique. Refusant les courbettes face aux puissants, il a fait remarqué à l’ex-premier ministre que le fait de fournir à la filière pétrolière et gazière la crédibilité d’un ancien dirigeant du Québec pour faire accepter l’exploitation des ressources québécoises dans un cadre qu’une vaste majorité trouve inacceptable revient à agir en complice de cette entreprise et d’une manière certaine, berner la confiance de cette population au profit d’une minorité prédatrice. Pour un politicien qui s’inscrivait dans la mouvance souverainiste, cela revient à trahir la cause sur laquelle sa réputation a été forgée.

Les réactions de Bouchard évoquant la cour du roi Pétaud * (qui évoque un lieu de confusion et de désordre, où tout le monde commande, et personne n’obéit), montrent sa crainte d’un débat public se situant hors des circuits traditionnels de l’oligarchie : derrière des portes closes ; en comité d’experts ; en regroupements d’intérêts. Les débats sur le projet de loi 203 tout comme le débat sur les gaz de schiste, sur la présence du Canada en Afghanistan, sur les dépenses militaires souffrent tous du déficit démocratique caractéristique du capitalisme mondialisé du XXIe siècle. Les classes dirigeantes prônent la réduction maximale de l’espace démocratique et les décisions en vase clos, entre amis. Les récents événements démontrent que des résistances s’opposent à cette dégradation de la démocratie et de l’espace public.

Que ce soit Amir Khadir qui persiste à mettre en débat les projets du maire Labeaume et Québecor ou, à plus large échelle, les révolutions arabes, aux projets de définir l’avenir en clubs privés, des secteurs de plus en plus large des population civiles opposent le respect des principes démocratiques les plus élémentaires. Indignons-nous, c’est bon pour la santé… des citoyenNEs et de la démocratie.

* Un autre sens donné à l’expression Cour du roi Pétaud est la suivante : C’est le nom donné à des paysans révoltés, vers le milieu du XVIe siècle. La révolte des « petos » commença à Blauzac, en Angoumois, en 1548. Vers le mois de mai, les habitants de ce bourg et des villages voisins se soulevèrent après avoir été poussés à la révolte par les violences d’un corps d’infanterie gasconne arrivé depuis peu dans le pays. Les paysans des environs de Barbezieux se joignirent à ceux de Blanzac et, comme ils se trouvaient en nombre, ils se portèrent sur Châteauneuf, forcèrent la prison de cette ville et délivrèrent quelques pauvres gens de leur canton, emprisonnés.
Voir http://bateau-ivre.cultureforum.net/t10127-origine-de-la-cour-du-roi-petaud

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