Dans le paysage actuel suisse ou français, cela porte à rire. Les études de genre ont toutes les peines du monde à se faire accepter et respecter, puis à perdurer au sein des universités. Leur existence est encore précaire, leur budgets sans cesse remis en cause. En 2011, la seule mention du thème « masculin-féminin » dans le nouveau programme de biologie des lycées français a fait l’objet de vives polémiques politiques et religieuses. Nous sommes loin du « dogme dominant, selon lequel les différences entre les sexes sont socialement construites » fustigé par Nancy Huston.
Si ce n’était ses coups d’outrance envers le mouvement féministe, le dernier ouvrage de Nancy Huston « Reflets dans un œil d’homme » serait un document intéressant à recommander. Partie de la thèse que l’homme est fait pour happer la femme dans son regard, elle s’indigne avec raison de l’industrie du sexe : la cosmétique, la pornographie et la prostitution. Tout son argumentaire est fort bien documenté. Très frappée par la philosophie de Nelly Arcan, une écrivaine prostituée québécoise qui s’est suicidée à 34 ans, elle conteste radicalement la banalisation de la prostitution qui serait considérée maintenant comme un métier, librement choisi. Là aussi, en exagérant l’influence de quelques« travailleuses du sexe », Nancy Huston veut nous faire croire que le monde entier est menacé d’une pensée politiquement correcte, acceptant les horreurs du commerce des corps…
Dommage, car son analyse du regard des hommes sur les femmes, le plus souvent obscène, est intéressante. Les peintres et les sculpteurs de corps de femmes qu’elle interviewe savent pourtant se montrer aussi pleins de délicatesse et de respect. Elle nous parle du destin tragique de quelques femmes trop belles et trop désirées, et même de sa propre vie de femme, qui malgré sa culture et son milieu social a dû affronter de cruelles expériences de drague. Toutes les dénonciations de Nancy Huston sont acceptables pour les tenant·e·s de la construction sociale des genres. Inutile de polémiquer !
Je salue simplement au passage la sagesse des Tunisiennes qui descendent dans la rue pour refuser la complémentarité des femmes et des hommes dans la loi et pour réclamer l’égalité !
* Nancy Huston, « Reflets dans un oeil d’homme », Actes Sud, 2012.
BUDRY Maryelle
* Paru en Suisse dans « solidaritéS » n° 212 (31/08/2012).