15 août 2025 | tiré d’un blog de mediapart.fr | Illustration : Le camp d’Alcatraz Alligator en Floride
https://blogs.mediapart.fr/geographies-en-mouvement/blog/150825/nettoyage-ethnique-aux-etats-unis
Dans l’histoire et la géographie de l’enfermement, donc de la privation d’espace, on atteint aux États-Unis trumpiens un niveau rarement égalé de violence et de sadisme à l’égard des humains. Olivier Milhaud avait ouvert la thématique d’une géographie des prisons. Espérons qu’il sera suivi par une jeune génération sur celle des camps de migrants.
Les États-Unis ont ouvert en juillet 2025 un centre de détention pour les personnes migrantes. Un « centre de concentration » au cœur d’un marécage infesté d’au moins 200 000 alligators dont la taille des adultes atteint quatre mètres. Situé dans les Everglades de la Floride, un nouveau bâtiment est sorti de terre en moins de dix jours. Des tôles, des grillages derrière lesquels on entasse neuf exilés par cellule, sans soins, sans nourriture propre à la consommation et de la lumière par des néons 24h/24.
Pour l’Observatoire sur les ’Etats-Unis et le consortium pancanadien de recherches Borders in Globalization, Elizabeth Vallet n’a pas peur des mots : c’est un « centre de concentration ». Donald Trump s’est permis des blagues sur ceux qui risqueraient leur vie en s’enfuyant, comme les bagnards sur l’île du Diable en Guyane au temps de Dreyfus : « Les serpents sont rapides, mais les alligators… » a-t-il plaisanté. Trump feignant de craindre qu’on apprenne aux prisonniers à échapper aux reptiles, a voulu qu’on appelle ce centre l’« Alcatraz des alligators », en allusion au fort de la baie de San Francisco où se trouve le fameux pénitencier.
La journaliste Elie Hervé rapporte les propos d’Elizabeth Vallet : « Ce qui définit la politique migratoire de Trump, c’est la mise en place d’une politique répressive et de la cruauté dont il fait preuve à l’encontre des personnes exilées. » Même pour certains détenteurs de carte verte qui sont aussi enfermés. Ces pratiques s’ajoutent à des renvois de migrants vers une prison du Salvador, voire le sinistre camp militaire de Guantanamo à Cuba, ouvert à la suite des attentats du 11-Septembre. Une politique surprenante, visant à contourner les refus de certains États à récupérer leurs citoyens. En juillet, certains exilés ont été renvoyés au Soudan du Sud, pays en guerre, alors qu’ils n’en sont pas originaires.
Tout comme le ministre Bruno Retailleau a mobilisé 4000 forces de l’ordre les 18 et 19 juin 2025 pour interpeller illégalement plusieurs dizaines de milliers de migrants dans les gares et les bus à Paris, Trump a demandé à la police fédérale de l’immigration (ICE) aidée par des Marines d’arrêter des hispaniques dans les hôpitaux, les tribunaux, les magasins de bricolage et jusque dans les écoles. Pour Elizabeth Vallet, s’installe un climat de peur dans la société étatsunienne. « Les coupes dans le domaine de la santé, de l’éducation, des services sociaux, de l’aide au développement, dans des services administratifs bénéficiant de l’ICE sont en train de faire de cet office un État dans l’État. »
Trump n’a pas la primeur de cette politique. L’histoire rappelle que dans les années 1920, il ne faisait pas bon migrer aux États-Unis et que le Ku Klux Klan, organisation terroriste suprémaciste des années 1860 agissait ainsi. Mais la nouveauté est qu’aujourd’hui, la traque aux migrants est décidée d’en haut. Les gardes-frontières, les policiers, les membres de l’ICE agissent partout sur le territoire : « L’ensemble du pays est devenu une zone frontalière, un espace où l’arbitraire est maître ». Les centres de détention prospèrent, gérés par des sociétés privées qui font des profits, en faisant travailler les détenus, les migrants « pour un salaire dérisoire qui s’apparente à du travail forcé » selon Elizabeth Vallet. Une situation dont il sera difficile de suivre l’évolution, en évitant les mensonges du président : certaines personnes arrêtées ne sont pas enregistrées. Et donc, ne peuvent pas faire valoir leurs droits.
L’indécence et le cynisme atteignent-ils leur somment lorsque l’influenceuse d’extrême-droite, Laura Loomer, osait déclarer que « les alligators auraient au moins 65 millions de repas ». 65 millions, c’est le nombre d’Hispaniques dans le pays. « Ce que Trump met en place, c’est un nettoyage ethnique, pour le chercheur José Angel Maldonado, né au Honduras. Il veut façonner une Amérique blanche et, pour cela, il n’a plus aucune limite. »
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