Édition du 30 avril 2024

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Europe

Portugal : grève générale avant la restructuration des transports publics

La grève générale convoquée le 24 novembre par les deux centrales syndicales portugaises, la CGTP et l’UGT, a confirmé la division du pays, déjà manifeste lors du précédent mouvement social d’ampleur nationale, en novembre 2010, quand les socialistes de José Socrates étaient encore au pouvoir.

(tiré du site de Mediapart)

Le mouvement s’est concentré dans le secteur public et il prépare le bras de fer en vue sur la restructuration des entreprises de transport, massivement déficitaires, responsables d’une part substantielle de l’endettement de l’Etat et cibles prioritaires dans le mémorandum signé au printemps dernier entre le Portugal et la « troïka » (UE, FMI, BCE).

Au soir du mouvement, la polémique entre le gouvernement de centre droit de Pedro Passos Coelho et les dirigeants syndicaux sur les chiffres de participation a pris un tour particulièrement vif. Ils étaient 10,5 % de grévistes sur les plus de 400.000 fonctionnaires des administrations centrales, selon la version officielle, soit beaucoup moins que les 28 % enregistrés le 24 novembre 2010. Ce qui a conduit les leaders syndicaux à accuser le pouvoir de se livrer à « une manipulation des chiffres sans précédent ». Ils n’ont pas eux-mêmes donné de pourcentage de grévistes, revendiquant l’engagement de « trois millions de Portugais » et qualifiant la mobilisation de « succès ».

Les métros de Lisbonne et Porto avaient fermé leurs portes. A Lisbonne, les bus de la Carris en circulation étaient relativement rares, en dépit de l’intervention des forces de l’ordre pour lever des piquets de grève aux sorties des dépôts. Le mouvement a été particulièrement dur à la CP, compagnie nationale des chemins de fer, où le service minimum n’a pas été respecté. Les liaisons par ferry entre les deux rives du Tage étaient pratiquement inexistantes. La TAP, compagnie aérienne nationale en graves difficultés financières et promise à une privatisation problématique, avait annulé la quasi-totalité des 140 vols prévus dans la journée. Le secteur public des transports est promis à une restructuration de grande ampleur, avec des fusions d’entreprises (métro et bus à Lisbonne et Porto) et des réductions de service.

Le Portugal, c’est Lisbonne

Les entreprises publiques de transport portent près de 40% de la dette souveraine (plus de 90% du PIB) mais, outre une gestion calamiteuse par des gestionnaires choisis sur critère politique, elles payent un modèle de développement et de mobilité qui a accordé, depuis trente ans, la priorité absolue à la route et à une concentration urbaine incontrôlée dans le « Grand Lisbonne ». Modèle qui a fini par donner raison à un des généraux de Napoléon pendant les invasions françaises : « Le Portugal, c’est Lisbonne et le reste, c’est du paysage. »

La CP en fournit une parfaite illustration, avec l’abandon d’une grande partie des lignes locales, le pays étant couvert par un réseau dense (et efficace) de liaisons par cars de grand tourisme (avec WiFi à bord !), qui profitent du réseau autoroutier le plus dense d’Europe. A Lisbonne, le maire socialiste, Antonio Costa, veut instaurer un péage urbain à l’entrée de la ville, pour financer les investissements indispensables dans les transports publics.
Même si les dirigeants syndicaux ont laissé planer la menace d’une nouvelle grève générale, il est peu probable que le mouvement social ait un impact sur le budget d’austérité 2012 que l’Assemblée nationale doit voter fin novembre. Contraint par l’accord avec ses bailleurs de fonds internationaux (le Portugal a dû faire appel à une aide financière de 74 milliards d’euros), le gouvernement a choisi de préserver grosso modo les effectifs de la fonction publique (qui ont presque doublé depuis la révolution d’avril 1974) mais d’en réduire le train de vie : baisse des salaires et retraites (au-dessus d’un certain seuil), suppression « temporaire » des « subsides de Noël et des vacances » (13e et 14e mois) notamment.

En dehors du secteur public des transports, la participation à la grève semble avoir été particulièrement élevée dans l’enseignement. Notamment dans les universités (frappées par une forte hausse des frais de scolarité), ce qui est plutôt inédit, et dans les hôpitaux publics, menacés d’effondrement financier à brève échéance en raison d’une dette cumulée de 1,2 milliard d’euros. Il s’agit de deux domaines où le secteur public est soumis, de longue date, à la concurrence du privé.

Faits assez rares dans ce pays pour être soulignés, des échauffourées ont opposé manifestants et policiers devant le palais de Sao Bento, siège du Parlement, et des cocktails Molotov ont été lancés contre trois agences des impôts à Lisbonne. Guère de traces par contre, sauf résiduelles, de la « geraçao a rasca », dont la mobilisation spontanée et massive avait anticipé, avant même la Puerta del Sol à Madrid, l’émergence du mouvement des « Indignés » en Europe.

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