Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Solidarité internationale

Pour le droit à l’autodétermination du peuple tibétain

L’armée chinoise quadrille le Tibet et les provinces limitrophes. La répression des « émeutiers » qui sont descendus dans la rue ces deux dernières semaines s’annonce sévère. L’urgence est à la solidarité et à la reconnaissance effective du droit du peuple tibétain à l’autodétermination.

Certains à gauche (rares en France, mais plus nombreux ailleurs) refusent de s’engager dans la solidarité de peur de faire le jeu des Etats-Unis contre la Chine. D’autres, à droite, appellent à manifester contre 59 ans d’occupation chinoise — c’est en 1950-1951 que l’Armée rouge est entrée dans le pays — et à dénoncer une dictature « communiste ». Ces deux positions, « miroir » l’une de l’autre, font peu de cas de l’histoire : la « question tibétaine » s’est posée dans des contextes très différents suivant les périodes.

Les rapports de suzeraineté entre la Chine et le Tibet remontent loin dans le passé : ils furent parfois très formels et parfois plus substantiels (avec occupation militaire), avant que le pays n’affiche son indépendance en 1911. Mais, pour s’en tenir à la période contemporaine, après la victoire de la révolution chinoise (1949), la question de l’autodétermination a été inextricablement liée aux violents conflits de l’époque. L’impact de cette révolution pouvait-il favoriser une mobilisation des paysans tibétains contre la dure exploitation dont ils étaient victimes, une exploitation exercée notamment via le clergé et les monastères ? Qui pouvait alors parler au nom du peuple ? Le Tibet pouvait-il être utilisé comme un point d’appui par l’impérialisme ? Les années 1950-1960 sont celles de la guerre de Corée, des débuts de l’escalade militaire étasunienne en Indochine, de l’armement de Taiwan, de la construction d’immenses bases US dans toute la région, de l’épreuve de force sino-indienne dans l’Himalaya… Pour éviter l’ouverture d’un nouveau front, le Parti communiste chinois a conclu en 1951 un accord avec les classes possédantes tibétaines, le clergé bouddhiste et le dalaï-lama. Ce compromis s’est rompu et c’est la CIA qui a armé l’insurrection anti-chinoise en 1957-1959. La confrontation entre révolution et contre-révolution déchirait toute la région. Comment l’oublier ?

Dans son programme des années 1930, le PCC reconnaissait le droit à l’autodétermination, y compris des Tibétains. Mais ce principe internationaliste a été rapidement oublié, une fois la victoire de 1949 acquise, avec la montée en puissance de la bureaucratie et du nationalisme « Grand Han » (les Hans constituent l’ethnie majoritaire en Chine). Au Tibet, dès 1950-1951, et singulièrement après la répression de 1959, l’armée rouge a été perçue comme une force d’occupation. Pour Pékin, l’importance de ce pays tenait avant tout à des considérations idéologiques (nationalistes), à sa position géostratégique et à ses ressources naturelles (eau, mines, forêts…). Malgré des réformes sociales pouvant bénéficier aux paysans, le peuple tibétain a été soumis à une oppression nationale spécifique, tant sur le plan culturel qu’économique. Les mobilisations de 1987-1990 notamment ont été violemment réprimées. Le droit à l’autodétermination s’opposait alors clairement à l’ordre bureaucratique.

En est-il toujours de même aujourd’hui ? Le développement du capitalisme en cours en Chine n’a pas aidé à résoudre la question nationale, loin s’en faut. La situation s’est en fait singulièrement aggravée depuis 1995. On assiste à un processus assez classique de colonisation de peuplement : les Tibétains sont devenus minoritaires dans leur propre pays, menacés soit de marginalisation soit d’assimilation forcée. Le « développement » du pays répond dorénavant à des normes de plus en plus capitalistes et risque de déboucher sur une situation aussi inextricable qu’au Sri Lanka (tamouls) ou dans le sud des Philippines (moros et lumads). Le droit d’autodétermination s’oppose maintenant au moins autant à la nouvelle bourgeoisie chinoise et aux entreprises transnationales intéressées par les richesses du pays qu’à la vielle bureaucratie en pleine mutation. Pourquoi parler encore de « communisme » ?

Ecrire fait partie du devoir de solidarité. Cependant, il est bien délicat pour un non-spécialiste de traiter du Tibet. Qu’est-ce qui aurait été possible en 1950 ? Qu’est devenu aujourd’hui la société tibétaine ? Quelles revendications répondent le mieux à la situation présente ? Voici des questions fort importantes et néanmoins sans réponses pour l’auteur de cet article. Le Tibet est connu de tous, et pourtant qu’en savons-nous au-delà des clichés ? L’heure est à la solidarité – mais aussi à un véritable travail de connaissance militante.

Il n’est cependant pas besoin d’attendre réponse à ces questions pour défendre, aujourd’hui comme hier, le droit d’autodétermination : c’est au peuple tibétain de faire librement ses choix.


Source : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article9719


Voir en ligne : http://www.europe-solidaire.org/spi...

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